Qui dit rentrée, dit rendez-vous qui reviennent d’année en année. Ainsi, selon l’arrêté préfectoral en vigueur, la période d’ouverture générale de la chasse à tir et au vol est fixée, pour le département de Loir-et-Cher, du 22 septembre 2019 au 29 février 2020.
Et la chasse aux « blaireaux » ? Parenthèse digressive, cet été 2019, l’association loir-et-chérienne Sologne Nature Environnement (SNE) a annoncé une joyeuse nouvelle : « suite à notre recours en référé contre l’ouverture d’une période complémentaire de chasse du blaireau en Loir-et-Cher, M. le Préfet du département (Yves Rousset) a pris un arrêté d’abrogation. Nos amis les blaireaux peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles jusqu’au 22 septembre prochain ! » Ce n’est évidemment pas de ce plantigrade dont nous souhaitons converser ici, plutôt – raccrochons les wagons – de l’inconséquence des hommes qui peuvent parfois être affublés de ce qualificatif. Et quelle période plus opportune que cette date d’ouverture pour évoquer les sujets qui fâchent ? Il ne s’agit pas d’opposer les bons écolos, les brutes vegans et les truands viandards, mais comme le tweetait récemment Brigitte Bardot, il existe des catégories « ui commencent à nous les briser menus ! » À l’instar des féminicides, il ne se passe pas une seule journée sans qu’il ne soit rapporté l’indicible. L’ours Mischa maltraité dans le Nord du Loir-et-Cher; le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, en charge du bien-être animal, s’affichant sciemment une corrida à Bayonne; des chasses en « enclos d’attraction » en Nouvelle-Aquitaine ; et même Luc Besson accusé par des chasseurs de laisser en paix des cervidés sur sa propriété de l’Orne… À peine les congés d’été achevés, les (sordides) histoires reprennent, dont le caractère nauséabond est sans doute accru du fait d’une médiatisation extrême et incessante des faits et gestes de la planète, que ces derniers soient bienheureux ou vils. À quand le bon sens (à bien des égards d’ailleurs) ? « En plein débat sur le drame de l’écologie et de la biodiversité qui touche toute la planète, les chasseurs de l’Orne me demandent de tuer les cerfs qui passent devant chez moi ! Dois-je mettre mes enfants au balcon pour l’occasion? Ces gens-là sont à contresens de l’histoire», a indiqué à nos confrères du Parisien Luc Besson. « Mes enfants ». Très juste, et justement dans la foulée, d’aucuns harangueront que comparer l’existence d’un loupiot à une bête à poils ou à plumes n’est pas du même acabit. Les animaux sont pourtant eux aussi des êtres sensibles, comme vous et moi, dont le coeur bat, dont le sang coule dans les veines, qui ressentent la douleur de la barbarie. Alors, un peu de respect, bigre ! De surcroît, à une époque où chasser n’est plus forcément nécessaire pour se sustenter, dans une société de consommation qui gaspille, jette et pollue à tire-larigots. La formule de l’avocat du cinéaste précité, Me Descoubes, sonne à son tour congrûment. «Le refus de tuer un animal ne saurait être considéré comme une faute». Merci ! Quelle est donc cette sale manie de vouloir tout dégommer à tout prix ? Le monde devient frappadingue. On se souviendra de ce loup présumé, aperçu en Eure-et-Loir; à peine repéré, qu’on donnait déjà sa tête au bout d’une pique ensanglantée ! La société est vraiment tourmentée et grangénée par un mal nommé sottise. Également, n’omettons pas de citer l’Association Française des Parcs Zoologiques (AFdPZ) qui remonte au créneau. Alors que la Commission européenne a adressé en juillet un avertissement très clair à la France qui « autorise des pratiques de chasse non sélectives, comme la chasse à la glu et au filet, qui ne sont pas conformes aux exigences de la directive sur les oiseaux », le Ministère de la Transition écologique vient de publier une série d’arrêtés qui autorisent à nouveau, pour la saison 2019-2020, la pratique de la chasse à la glu, au filet ou à la matole, en fixant des quotas certes équivalents à ceux de la saison précédente, mais bien supérieurs à la réalité des prises déclarées en 2018-2019. Cherchez l’erreur ? Les chiffres, renseignés par voie de communiqué de presse, parlent d’eux-mêmes : 42 500 grives et merles noirs pourront être piégés par cette méthode dans 5 départements de la région Paca; 106 500 alouettes des champs (une espèce qui a perdu 30% de ses effectifs en 15 ans) pourront être attrapées à l’aide de pantes (grands filets horizontaux) ou de matoles (petites cages tombantes) dans le Sud-Ouest; 5 800 grives et merles noirs, 1 200 vanneaux huppés et 30 pluviers dorés pourront être capturés au moyen de filets ou de collets par les adeptes de la tenderie dans le département des Ardennes. Réguler, admettons, mais là, ça vire au massacre. Pour ajouter à la litanie de nombres, il faut rappeler l’horreur du piégeage à la glu : sur les branches, un liquide visqueux piège l’oiseau venu s’y poser. On vous laisse imaginer les conséquences mortifères, âmes sensibles s’abstenir… « Nous participons activement au groupe de travail sur le bien-être animal mis en place par le Ministère de la Transition écologique. Et simultanément, ce ministère autorise des pratiques barbares qui vont à l’encontre des objectifs qui nous sont assignés », dénonce Rodolphe Delord, président de l’AFdPZ, directeur du zoo-parc de Beauval à Saint-Aignan-sur-Cher. Alors, oui, la chasse est ouverte… aux bipèdes rustres. « De l’assassinat d’un animal à celui d’un homme, il n’y a qu’un pas », (Léon Tolstoï). À méditer. Sur ce, bonne saison… En chanson, avec Chantal Goya, à bon entendeur : « Dans la forêt de l’automne, ce matin est arrivée une chose que personne n’aurait pu imaginer, Au bois de Morte Fontaine où vont à morte saison tous les chasseurs de la plaine. C’est une révolution car ce matin, un lapin a tué un chasseur. C’était un lapin qui, c’était Un Lapin qui. Ce matin, un lapin a tué un chasseur. C’était Un lapin qui avait un fusil. Ils crièrent à l’injustice. Ils crièrent à l’assassin. Comme si c’était justice, quand ils tuaient le lapin… »
Émilie Rencien