La main gauche sur la couture du pantalon. La main droite à hauteur de l’œil, la main et l’œil du même coté. C’est plus facile. Le regard dirigé vers les trois couleurs qui montent en haut d’un mat. Et pendant ce temps là, un gazier tente vainement de sortir un son audible et harmonieux d’une trompette qu’on lui a offert la veille. Discipline délicate, à 8h00 du mat, au cœur de l’hiver. Le stress sans doute. Mesdames, mesdemoiselles, et autres personnels féminins, jeunes gens de moins de quarante ans, messieurs les graciés, pardon réformés, qui ont dépassé le cap de quadragénaire, vous ne pouvez pas apprécier à leurs justes valeurs ces matins brumeux. Là, entourés de petits camarades aussi heureux que vous de passer plusieurs mois au service de la patrie. Tous ceux qui l’ont fait vous diront combien ils étaient contents dans ces années-là … Pour les derniers à avoir connu cette période idyllique, ce n’était qu’une douzaine de mois de perdus. Un an à faire le zouave, ailleurs qu’au pont de l’Alma. Il paraît que ça forge le caractère. Si on veut … un an de perdu, même avec les galons de sous-officier, reste toujours un an de perdu !
Le « Engagez-vous, rengagez-vous » qui ponctue les albums d’Uderzo et Goscinny est de retour. Le service militaire obligatoire est l’un des chevaux de bataille de nos candidats à la candidature. Même de ceux qui ne le sont pas. De droite à gauche, si on considère que le PS est à gauche bien évidemment, ils sont plusieurs à préconiser ce retour aux valeurs formatrices de la République. Selon le Canard Enchaîné, un journal dont on ne peut mettre en doute l’intégrité et les bonnes sources d’information, l’un des plus fervents supporters de ce retour du service militaire serait Éric Ciotti. Le souci, toujours selon le canard, c’est que, en 1991, le strict et rigoureux député LR, président du conseil départemental des Alpes-Maritimes et secrétaire général adjoint aux fédérations du parti, aurait usé de l’influence de Christian Estrosi et de l’entregent de François Fillon, pour se faire dispenser du service national. Vous me direz que cela se passait en des temps où les passe-droits existaient … ce qui n’est plus le cas désormais ! Eric est un garçon à l’esprit joueur. Toujours dans la nuance, la pondération et surtout la parfaite vision politique globale, le jovial méridional. Pour lui le programme présenté par Marine serait un « programme d’extrême Gauche ». Eric n’aurait donc n’a pas goûté aux petites joies du casernement. Pour info, il peut toujours demander à Nicolas de Neuilly, l’ex-président candidat. Son maître à penser n’a pas été exempté, lui. Certes, la BA117 ( base aérienne) était à Balard, à Paris dans le XVe, où ça fait belle lurette qu’on n’a pas vu décoller un avion dans le quartier. Cependant, son appartenance, selon le journal l’Express, au Groupe Rapide d’Intervention, une unité chargée des tâches de propreté, prouve qu’il n’existe ni de sot métier, ni de sotte formation professionnelle.
Revenons à ce service militaire qui serait plus civil que soldatesque. Le maniement d’armes pourrait être remplacé par des cours d’orthographe, le crapahutage hivernal du côté de Sissone, Mailly ou Mourmelon, laissera la place à un entraînement à la langue de Molière, les chaussons au pied et pourquoi pas le cul dans un fauteuil. L’histoire de la laïcité, les devoirs et obligations de la République pourraient suppléer l’apprentissage de la science de la lecture des cartes. Avec les GPS, cette dernière notion n’est plus nécessaire. Par contre, on continuerait à apprendre la méfiance envers ce qui vient d’ailleurs. Pour ça on ne change rien, et c’est tellement naturel !
Bon, après, il faut savoir qui y va et qui n’y va pas. Normalement tout le monde devrait en prendre pour quelques mois, les décrocheurs et les pas décrocheurs. Garçons et filles, petits et gros, grands et minces, vilains, jolis, en fauteuils aussi, handicapés itou. Pas de sexisme, pas d’ostracisme, pas de racisme. Au nom de la non-différence, l’armée même combat !
Si on applique cette méthode, on devrait relancer la construction de bâtiments, à accès tous publics. Il faut bien loger cette armée de France. Des salariés supplémentaires dans le secteur BTP, c’est toujours ça de pris. Et quand le bâtiment va … Autant d’hommes, et de femmes, de troupe implique par ailleurs d’embaucher de l’encadrement, des petits chefs et des grands, de créer des services annexes, de fabriquer du matériel, de reconstituer des stocks. Il faudra nourrir, habiller, équiper cette armée hexagonale. Il ne faudra pas ressembler à l’armée à Bourbaki (Charles-Denis) comme le signifiait encore les vociférateurs, porteurs de galons, barrettes et autres insignes de leur autorité des années 80. Le commerce bénéficiera de ce retour au plein emploi constitutionnel. Un programme qui booste l’économie mais n’est pas libéral, libéral. Pour la diminution du nombre de fonctionnaires, ou du nombre d’employés payés par l’état, on ne va pas être dans les clous. La cour des comptes va encore gueuler et finalement ça va pas le faire.
Encore une fausse bonne idée. C’est comme pendant un match de rugby : tu crois qu’il y a le trou, tu fonces et tu te fais découper par les troisièmes lignes qui passaient par-là ! Les candidats à la candidature vont donc devoir revoir leur copie … à moins d’envisager un modèle économique différent.
Le service obligatoire n’est pas la meilleure idée de l’année ! Dernière preuve, le « Repos, vous pouvez fumer » est devenu obsolète et il n’est plus question de filer une cartouche de clopes tous les mois. Resterait bien encore la Kro au mess mais on lutte aussi contre l’alcoolisme.
Fabrice Simoes