Pascal Véron a construit un drôle de bateau pour les quinze ans de l’association «Les poissons des arbres». Son kayak en papier journal a navigué sans encombre sur le lac de Belle Isle. Rencontre.
«Il est battu par les flots mais ne coule pas», telle est la traduction de la devise de Paris que les graffeurs dessinent sur les murs de la capitale en réaction aux tueries du vendredi 13. Pascal Véron n’imaginait pas se trouver en pleine actualité en mettant son kayak à l’eau le lendemain de la tuerie. « En apprenant les événements je me suis demandé si on maintenait la manifestation. Elle correspondait au quinzième anniversaire de notre association Les poissons des arbres, mais évidemment nous n’avons pas fait la fête comme nous l’avions prévu. »
Et pourtant Pascal Véron a brillamment relevé le défi qu’il s’était lancé : construire un bateau en papier journal, sans armature. Devant une cinquantaine de supporters, il a mis son kayak à l’eau, s’y est installé avec mille précautions, a paisiblement évolué sur les eaux du lac de Belle Isle, joliment éclairées par un soleil d’automne et regagné la rive sans encombre.
Des bandes de papier collées…
Pascal Véron est une sorte de professeur Tournesol. Le personnage d’Hergé avait inventé le sous-marin individuel pour retrouver le trésor de Rackam Le Rouge, lui a inventé le kayak en papier journal, juste pour le plaisir.
« Je disposais d’une forme de kayak et d’une collection de journaux de l’année 2000, celle de… l’année de création de l’association.» Elémentaire, il suffisait d’ajouter trois pots de colle à tapisserie, trois bidons d’un demi-litre de vernis et le tour était joué !
Pascal est passé maître dans l’art de rénover les petites embarcations en bois. La raison d’être de l’association Les poissons des arbres est la préservation et la mise en valeur des petites embarcations portables à deux ou trois personnes. Technicien du bâtiment il possède évidemment de solides notions de résistance des matériaux.
«Un kayak se compose de deux parties : la coque et le pont. C’est le pont qui assure la rigidité de l’embarcation. Il s’agissait donc d’habiller l’intérieur du moule en disposant des bandes de feuilles de journaux, car il n’est pas possible d’utiliser des feuilles entières pour épouser les formes arrondies et il ne faut surtout pas avoir de plis. Il faut évidemment croiser les bandes, d’une couche à l’autre pour assurer la solidité. Dernière précaution : éviter de mouiller le papier qui risquerait de se gondoler au séchage». Elémentaire on vous dit, si l’on est patient et minutieux !
La réalisation de l’hiloir, le trou dans lequel se glisse le kayakiste pour s’installer dans son embarcation, demande un soin tout particulier. Là encore c’est la superposition des bandes de papier qui va assure la rigidité du renflement périphérique.
…et du vernis
Mais si vous avez réussi parfaitement votre assemblage et que vous posez votre embarcation sur l’eau le papier va s’imbiber et le kayak couler.
« Et pourtant il flotte, explique Pascal, car j’ai passé une partie de mon mois de juillet à déposer quatre couches de vernis à l’intérieur et onze à l’extérieur, avec un ponçage entre deux couches, la même technique que pour les coques de nos embarcations en bois ».
L’oeil de l’inventeur pétille de malice quand il évoque le lancement de son embarcation.
« Je n’étais jamais monté dedans, le seul test avait été de le poser sur l’eau dans un bassin, pour vérifier l’étanchéité. Mais le défi c’était de savoir s’il supporterait le poids du kayakiste. Il existait bien des kayaks et canoës en toile et en papier, mais sur une armature bois. Là, je n’ai pas d’armature, tout repose sur la résistance du papier collé et mon bateau n’a donc pas la rigidité d’un kayak ordinaire ».
Depuis le 14 novembre on sait que l’on peut naviguer dans un bateau en papier. « Ca reste un bateau pour rire, j’ai poussé le vice jusqu’à imaginer des thématiques avec les articles de journaux, ici un coin culturel, là les grandes communes de l’Indre, ailleurs les vins… »
Le kayak de Pascal participera aux rassemblements de bateaux en bois : à Douarnenez, au festival de Loire ou encore à la fête de l’arbre de Buzançais. L’association des poissons des arbres n’y passera pas inaperçue.
En attendant « Ça fera un bateau de plus à ranger dans mon garage», sourit Pascal.
Pierre Belsoeur
Contacts : poissonsdesarbres@gmail.com pascal Véron 06.80.27.01.34.
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