Chaque homme politique, après avoir gravi, les hautes marches du pouvoir s’invente, parfois, des histoires qui voudraient faire la nique à l’Histoire.
Marc Gricourt, qui vient de reprendre l’écharpe tricolore de maire de la Ville de Blois pour la troisième fois, a coutume de dire qu’il n’a rencontré Pierre Sudreau qu’en 2008, juste après sa première prise de fonctions officielles. Mais personne n’est forcé de le croire, car tout jeune, alors qu’il était déjà engagé dans la vie sportive -c’est un excellent gymnaste formé par le couple Azarian-, il n’est pas impossible que le futur maire de Blois ait fréquenté les mêmes lieux publics que l’ancien. Et il y a bien dû y avoir des réunions de quartiers ou autres manifestations qui ont permis quelques croisements au cours desquels le jeune Marc Gricourt, né en avril 61, a, peut-être admiré la carrière politique de l’ancien ministre de De Gaulle. Et il n’est pas impossible, aussi, que le père de Marc, un grand patriote engagé, lui ait parlé du passé de résistant de l’ancien du réseau Brutus…
Toujours est-il que, lorsqu’il a décidé, avec son conseil, de donner le nom de Pierre Sudreau au mail du quai Saint-Jean, à Blois, Marc Gricourt a, en présence de son aîné et de Stéphane Hessel, autre grand résistant, évoqué toute l’œuvre de Pierre Sudreau durant trois mandats à Blois, en insistant bien sur ce chiffre et la masse des réalisations. Et au fil du discours, qui suivait le cours de la Loire avec un débit bien rythmé, il semblait qu’entre Pierre Sudreau et Marc Gricourt, aucun autre maire n’avait été élu à Blois ! Balayés les Jack Lang, Bernard Valette, Nicolas Perruchot. Le maire de Blois se revendiquait successeur en titre du seul ministre de France qui avait su dire Non à De Gaulle. Face à lui. Droit dans ses bottes.
Deux hommes sur un pied d’égalité
Comme je m’en étonnais auprès de l’intéressé à l’issue de la cérémonie, il sourit, en confirmant qu’il n’y avait pas eu vraiment beaucoup de monde entre le dernier mandat de Sudreau et le sien, premier d’un tiercé qu’il espérait gagnant…Mon rôle de chroniqueur local ne consistait pas à mettre en doute cette affirmation cinglante…de la part du premier magistrat de la Ville. Au fil des élections, avant et après 2000, l’histoire, qui rapporte la malchance de bon nombre de maires de grandes villes quand ils tentèrent un essai de troisième mandat (Sueur à Orléans ; Lang à Blois…), semblait écrite dans le marbre des rendez-vous manqués entre les édiles et le peuple souverain, puisqu’il vote, qui ne voulait pas que le bail dure trop longtemps ! Pour avoir, haut la main, en plus, brisé ce tabou en réussissant un sans faute, dès le seul tour municipal de ce premier trimestre 2020, Marc Gricourt égale, ainsi, Pierre Sudreau. Le vieux lion, qui aurait eu 100 ans le 13 mai dernier, aurait apprécié qu’un petit gars de gauche, issu de la base, fasse aussi bien que lui…Il aurait vu en lui son fils légitiment spirituel et aurait souri, heureux du bon tour joué à sa famille centriste et/ou de droite…, un peu désorganisée. En mars 2001, P.B., un Blésois de souche, membre éminent de l’équipe très rapprochée de Nicolas Perruchot, avait prédit la défaite de Lang et avait lancé, dans la foulée, «Ça en sera, alors, fini de la gauche à Blois pour longtemps et ce n’est pas un petit infirmier de la ZUP, homosexuel de plus, qui dirigera, un jour, la Ville de Blois». P.B., où que tu sois, -au ciel, je l’espère-, sache qu’il ne faut jamais dire du mal de son prochain…
Jules Zérizer