La page blanche dans notre édition d’il y a quinze jours aura été perçue, parfois, finalement comme noire. Dont acte, comme pourraient l’écrire les élus, férus de cette expression idoine. Le journalisme doit pourtant savoir écrire sur les choses joyeuses comme moins enjouées, sans nier la ou les réalités du monde qui l’entoure. De facto, mon défi est cette fois en ce mois d’avril de ne pas découvrir un fil de sinistrose. La barre est haute dans un contexte morose, mais il n’y a point de défi qui ne mérite pas d’être relevé ! Éliminons par conséquent d’emblée dans ce cadre imparti, de discourir sur un fait divers qui nous touche depuis l’été dernier, la disparition puis le crâne retrouvé du petit Émile dans le Haut-Vernet. Pas question non plus de disserter sur cette histoire, à la fois glauque et fascinante, de cette famille nantaise décimée par le père introuvable depuis 2011; ce fantôme Dupont de Ligonnès qui aurait été récemment aperçu dans le Doubs. Promis donc, pas d’affaires d’esprits criminels, sur le modèle d’un livre de Stephen King ou du nom d’une célèbre série US.
Dans le rire, couchons par conséquent sur ce papier, un drôle de méfait. Un truc que tout le monde a vécu au moins une fois (voire plusieurs) dans son quotidien. Que vous avez déjà narré à vos collègues, votre entourage familial. Un truc qui horripile. Une anicroche qui fait râler. Un truc qui fait perdre ses nerfs. Dont il vaut mieux s’esclaffer que pleurer. Avez-vous déjà été confrontés à l’absurdité du discours des opérateurs de téléphonie ? Voilà l’histoire : un jour, tout marche bien, et puis, un soir, patatras, sans préliminaire, votre mobile rompt et ne capte plus le fameux (maudit) réseau. Plus aucune barre, plus de son, plus d’image. Et pour ne rien gâcher, par effet de ricochet, à force de chercher cette couverture, votre téléphone portable n’a plus de batterie. Enfer et damnation ! Pas de panique, il existe un service client.
Le monsieur, au bout de cinq minutes de patience et une petite musique lancinante, finit par décrocher afin d’écouter avec bienveillance votre avarie. Avant de vous demander d’éteindre puis rallumer, réinitialiser, et compagnie technique. Puis il finit à son tour par rester sans voix ni outils au bout du combiné, lorsqu’il constate lui-même que le signal mobile est bien aux abonnés absents. Alors, une solution est proposée pour ne pas être à la rue, numérique : à l’instar d’une alerte enlèvement, laissez reposer vingt-quatre heures et le mr vous recontactera le lendemain pour un suivi, au cas où l’étincelle serait par magie revenue. Comme vous n’avez pas de réseau, donc pas de communication possible sur mobile, vous lui indiquez votre numéro de ligne fixe grâce à laquelle vous appelez d’ailleurs pour signaler le problème. C’est encore dans les vieux bigophones qu’on cuisine les meilleures soupes… Le mr note le 0254xxxxxx, et le confirme même par mail. Tout est sous contrôle …
Ou pas : le jour se lève, la nuit tombe, et toujours pas d’étoiles connectées. Nada. Nous n’avons pas fait vœu de silence, ni prévu d’entrer au couvent. Il ne reste plus qu’un cierge, le mister SFR, qui rappelle comme escompté … sur votre portable ! Vous laissant un message que vous avez plus tard, en vous résignant, avant de déménager chez un ami, à activer les appels wifi. Le voici, véridique : “J’ai tenté de vous joindre pour faire un point concernant votre perte de réseau, mais vous ne répondez pas. Je vous invite à reprendre un rendez-vous via un lien que je vais vous envoyer par sms.” Euh… comment dire sans être ordurier et virer dans l’immondice. Comment réagir en gardant son calme ? Si nous avions eu du lacis, il y aurait assurément un envol de patronymes d’oiseaux ! Lunaire. Le petit chat est mort. Dialogue de sourds complet. Totalement schizophrénique. Marmotte et papier d’alu.
Quand les machines autant que les hommes qui les ont inventées ne veulent pas se connecter. Autant commencer à apprendre le langage de l’âne en chinois. Aussi « marrant » que le standard téléphonique d’une structure médicale, qui après vous avoir invité à taper 1, étoile, puis dièse, etc., vous indique votre “7e position” dans la file d’attente. Avant de sournoisement vous raccrochez au nez, ce qui oblige votre flegme à se réitérer !
Non, il n’y a pas que les règles administratives et les normes agricoles qui marchent sur la tête. On trouve tant d’autres systèmes cruellement banaux, sortis d’esprits criminels modernes à la page blanche dont ils possèdent le secret. Et, enfin, une historiette qui fait se gondoler, rigoler. Mais uniquement quand cela devient une anecdote, a posteriori.
Émilie Rencien