Environnement : Attila, les clôtures et le réchauffement climatique en Sologne


Le 13 janvier 2020 est peut-être à marquer d’une pierre blanche en Sologne. Ce jour-là s’est déroulée à Orléans une réunion au Conseil Régional pour la présentation du rapport sur l’engrillagement, réunissant tous les acteurs, élus, services de l’État, chasseurs, propriétaires et associations.
Sologne Nature Environnement y était représentée et a eu l’honneur d’être citée en début de séance pour son intervention quelques jours plus tôt sur le risque aujourd’hui accru de feux de forêt. En soutenant l’ensemble des associations qui se sont créées contre les enclos, Sologne Nature Environnement a rappelé être contre les clôtures depuis sa création il y a plus de 35 ans. Le débat à l’époque portait sur la création d’un Parc Naturel Régional, création qui a échoué à quelques voix près, ce qu’a d’ailleurs regretté François Bonneau, président de Région. Avec ce « Parc Naturel de Sologne », nous ne serions pas prisonniers des 3 000 à 4 000 km de grillages implantés sur notre territoire… Le préfet de Région, Pierre Pouëssel, devait avoir en tête tous ces grillages en les associant aux images d’actualité d’animaux calcinés en Australie. C’est en insistant sur le fait que les clôtures présentent un danger réel et cruel pour les animaux en cas d’embrasement des forêts qu’il a annoncé la réunion prochaine des services départementaux d’incendie et de secours du 41, 45 et 18 pour la création d’un « plan de prévention Sologne ». En s’appuyant sur l’exemple des départements du Sud-Est et des Landes, le préfet a clairement indiqué qu’il voyait dans les clôtures un frein pour la prévention et la lutte contre les incendies. Du fait du réchauffement climatique, la Sologne devrait devenir aussi inflammable dans 20 ans que la forêt des Landes aujourd’hui. Par ailleurs, si la modification du climat nous fait craindre le pire, elle a déjà facilité la croissance de la population de sangliers. Mais il n’y a pas que le climat en la matière ! Les représentants des fédérations de chasse ont insisté, lors de cette séance plénière contre les enclos, sur l’importation illégale, mais toujours d’actualité, de « cochons », dont ceux de souche Attila, destinée à certaines grandes propriétés. « L’Attila », aussi appelé sanglier des Carpates, peut peser jusqu’à 350 kg et faire la taille d’un petit poney (taille au garrot jusqu’à 1,10 m) ! Ce sanglier est bien entendu fertile et sait très bien féconder les laies de Sologne, contribuant ainsi un peu plus au mélange génétique d’animaux que les spécialistes appellent « cochons » du fait des hybridations nombreuses et continues avec le porc. Cela donne déjà aujourd’hui des records de chasse de bêtes abattues pesant de 130 kg à 180 kg ! Un véritable danger pour les automobilistes et motards, danger qu’invoquent les riches propriétaires pour vanter l’utilité de leurs clôtures comme autant de protections contre des chocs de véhicules avec leur gibier. Ils oublient de mentionner que les sociétés d’autoroutes, avec des moyens plus importants que les leurs, n’arrivent pas à éviter que des autos percutent ces animaux. Qu’en sera-t-il avec la progéniture d’Attila ? En espérant ne pas en arriver là, François Bonneau a rappelé en fin de cette réunion où 95 % des acteurs présents étaient contre l’engrillagement, qu’en décembre 2019 a été voté le nouveau schéma directeur d’aménagement du territoire régional qui permettra désormais la régulation de ces mailles d’acier qui vont à l’encontre de la biodiversité, de notre sécurité, de la chasse et du tourisme. Ce schéma s’appliquera d’autant mieux aux collectivités si les candidats au mandat de maire se prononcent dès maintenant sur son application dans leur commune !
Emmanuel Régent

 

En ordre de bataille…
Le président du Centre-Val de Loire annonce une première victoire face au combat des clôtures en Sologne. Par voie de communiqué, François Bonneau persiste et signe : “ce merveilleux patrimoine est aujourd’hui directement menacé par l’engrillagement qui se développe à marche forcée, particulièrement en Sologne, qui compte aujourd’hui plus de 4000 km de clôture et multiplie les espaces fermés allant jusqu’à 4 000 hectares. Parce que de superbes territoires sont de plus en plus menacés par ce phénomène d’engrillagement qui s’apparente aujourd’hui à une véritable privatisation des espaces naturels de notre région et favorise la pratique de chasse sur des animaux prisonniers, j’ai souhaité convoquer les énergies afin que le travail collectif engagé aboutisse à des mesures concrètes. Une première étape a ainsi été franchie avec la publication d’un Rapport des Ministères de l’environnement et de l’agriculture sur l’engrillagement et ses effets. Il pointe les risques majeurs que l’engrillagement génère sur la biodiversité, les paysages, le tourisme, la gestion de la forêt, l’éthique de la chasse, l’urbanisme, la sécurité incendie. Il préconise des mesures fortes pour rendre à la Sologne sa nature et sa biodiversité. J’engage désormais une forte convergence des associations de chasseurs, des forestiers, des élus, des associations de randonneurs, pour demander que très vite, soit « interdit de chasser dans les espaces où les animaux n’ont pas la possibilité de s’enfuir » comme le plaide le cinéaste Nicolas Vanier.”
É.R.

 

Toujours en ligne de mire
« Un minima de 4000 km de clôtures visibles des voies publiques: certaines de plus de deux mètres de haut, surmontées d’un ou plusieurs rangs de barbelés, enterrées avec un second grillage à mailles plus petites, apposé sur le premier grillage! Il y a aussi les doubles clôtures, espacées de 2 mètres avec à l’arrière plan des merlons sans oublier des cours d’eau barrières , des grilles canadiennes sur des chemins ruraux……. tout cela dans un seul objectif : délimiter les territoires et enfermer le gibier pour le chasser. » Le constat effectué par l’association Les amis des chemins de Sologne ne laisse pas les élus de tous bords indifférents entre le Loir-et-chérien Guillaume Peltier, conseiller régional et vice-président des Républicains, à la recherche de crédibilité électorale de terroir, à François Bonneau, le président PS du Conseil régional Centre-Val de Loire, souvent à la pointe des revendications locales. Cette fois ce sont les élus de la majorité présidentielle, François-Cormier Bouligeon, député LREM du Cher et Richard Ramos, député LREM du Loiret, ainsi que Nadia Essayan, députée Modem du Cher, qui sont montés à l’assaut des grillages solognots.
C’est au milieu d’une longue ligne droite, sur la route qui mène de Sainte-Montaine et Aubigny-sur-Nère, sur l’un des rares chemins de randonnée accessible à tous dans le secteur, entre deux rangs de haut, très haut, trop haut, grillages que le rendez-vous avait été fixé pour expliquer que l’engrillagement excessif, ce sont « des chasses à 300 sangliers tués dans une journée, un danger sanitaire dû à la surpopulation des animaux » mais aussi une potentielle catastrophe écologique si un incendie se déclarait de part son inaccessibilité. Surtout, ils voulaient souligner que ces grillages sont autant de balafres qui défigurent la Sologne. Symboliquement, c’est sur un chemin blanc, encadré par deux rangs de clôtures, que les trois élus ont lancé médiatiquement leur combat. Un combat qui ne « sera pas simple … » Chacun à sa manière, a expliqué qu’ils sont des « combattants de la liberté du gibier. » «Voilà plus de 20 ans que la Sologne agonise à cause des clôtures tandis que l’on n’a plus d’éthique de chasse. » assurait l’un. « Ce n’est pas seulement une affaire cynégétique. Ces clôtures détruisent les magnifiques paysages de Sologne alors qu’on souhaite développer le tourisme, sans parler des risques sanitaires puisque ces propriétaires n’hésitent pas à importer des sangliers d’Europe de l’Est. » confortait le suivant. « La liberté du gibier, c’est comme l’eau, la forêt. le pognon ne donne pas tous les droits. Il ne donne pas le droit de confisquer le bien commun » ajoutait l’autre. Et, ensemble, de poser la question « les puissants sont-ils plus forts que les élus ? »
Les trois députés s’inscrivent dans une démarche légaliste. Ainsi, ils ont décidé de demander trois interdictions, à travers une loi d’initiative populaire : celle de la chasse dans les propriétés closes qui ouvre le droit dérogatoire à la chasse toute l’année, celle de l’agrainage systématique et celle de l’import de gibier.
En Wallonie, la législation a changé. Le partage de la forêt, de la campagne s’est accompagné de clôtures moins hermétiques, moins hautes. La nouvelle réglementation laisse au gibier la possibilité d’aller là où il lui semble bon, surtout la cohabitation des usagers des territoires se déroule plutôt bien.
Fabrice Simoes