Entretien avec Denis Sieffert directeur de l’hebdomadaire Politis


denis sieffer vierzon
Venu à Vierzon dans le cadre du Café Repaire du mardi à l’auberge de jeunesse, le directeur de Politis a bien voulu s’entretenir avec le Petit Berrichon.
Le rêve d’une autre Europe
Vous avez récemment publié les cinq mensonges concernant cette construction européenne.
La construction européenne a longtemps été présentée comme une expérience réussie de démocratie supranationale d’Etats et de citoyens. Cette vision idyllique a certainement des adeptes mais elle apparaît toutefois de plus en plus irréelle. Le bilan de la construction européenne est peu flatteur : Absence de transparence, technocratie, mépris des différences nationales. C’est donc ce que l’on peut appeler le premier mensonge. Le deuxième c’est sur la garantie de paix entre les peuples. Cette idée apparaît comme une mystification surtout en ce moment. On peut certes croire en la bonne foi de ceux qui ont relayé cette promesse du moins au début. Le troisième mensonge concerne l’assurance d’une réelle convergence. La promesse d’un euro moteur de l’harmonisation économique et sociale des Etats membres s’est révélée illusoire dés 2008 avec la crise financière. Le quatrième mensonge concerne la protection. Ni les emplois, ni le niveau de vie des citoyens européens ne sont protégés. Au contraire, il existe au sein de l’union une véritable concurrence. Où sont les convergences sociales, l’uniformisation sociale par le haut, un SMIG européen par exemple ? Au lieu de cela nous assistons à un dumping social terrible qui déchire cette Union en permanence. Regardez ce qui se passe entre l’Allemagne et la France, entre les pays de l’Ouest Européen et de l’Est. Le cinquième mensonge concerne la grande puissance politique que devait l’être l’Union. Cette puissance qui devait la placer comme contrepoids face aux Etats Unis d’Amérique et à la Chine. Voilà une baliverne qui n’a plus grand crédit même s’il y a une illusion d’une représentante Européenne. Nous n’avons même pas un discours commun notamment sur notre politique étrangère.
C’est pour cela que je crois que les enjeux de ces élections européennes vont se réduire à un enjeu de politique nationale qui annonce de nouveau une belle raclée pour le pouvoir en place. L’Europe n’est plus protectrice, le discours européen d’origine est continuellement contredit, la démocratie est absente, la négociation sur la vie quotidienne est opaque voire secrète et se passe en dehors de tout débat public.
Vous avez employez une phrase qui mérite d’être expliquée : la lutte des classes des entreprises ?
C’était un petit clin d’œil mais ce que je voulais dire c’est qu’il est anormal que les grosses entreprises qui font des profits gigantesques soient aidées au même titre que les PME qui elles, se saignent pour conserver les emplois et qui se sentent abandonnées. Le problème d’Alsthom c’est qu’il n’y a plus de solutions et on fait mine de découvrir l’étendue du problème. Il faudrait même que l’on trouve une solution maintenant tout de suite. On vit dans le court terme souvent par rapport aux mandats électoraux ce qui est insupportable. On est en pleine contradiction car on devrait avoir des stratégies réfléchies sur des décennies alors qu’aujourd’hui, nous avons le couteau sous la gorge. C’est tout le problème de la transition énergétique qui est posé. Je crains bien évidemment le démantèlement de l’entreprise car malgré un discours volontariste nous allons capituler.
Voilà bien posé l’indépendance de la presse ?
Oui tout en sachant qu’indépendance  est un terme très complexe à définir car nous sommes, qu’on le veuille ou non toujours dépendant de quelque chose. Ainsi, un journal est dépendant de ses lecteurs avec bien des embuches parfois. Mais à tout prendre, je préfère cela à une dépendance vis à vis d’actionnaires ou de groupe comme Lagardère par exemple.
C’est ainsi que nous nous quittons avec le sentiment que l’indépendance du Petit Berrichon est vraiment un trésor à garder comme une pierre précieuse.
J.F.