Depuis vingt-quatre ans, le couple se bat contre l’engrillagement de la Sologne avec leur association Les Amis des Chemins de Sologne, sise à Brinon-sur-Sauldre, dans le Cher. Une lutte qui l’emmène devant tous les médias, et parfois même devant les tribunaux. Depuis quatre ans en effet, les époux Louis ont davantage d’audience sur une cause qui finit par ne laisser personne indifférent.
« Si vous aimez la Sologne, non aux grillages ». Le slogan sur fond rond et vert foncé n’est pas une interrogation mais bien une affirmation. Le leitmotiv de Raymond et Marie Louis, tous deux Solognots, est immanquable lorsqu’ils sillonnent le territoire au volant de leur véhicule floqué. Un message sans aucun doute qui progressivement trace son chemin, à compter les nombreux médias qui se déplacent dans le Cher pour suivre Raymond, entrepreneur souriant et passionné par son territoire, déplorant les grillages qui se sont invités dans ce paysage naturel qu’il connaît bien depuis son plus jeune âge. Impliqué dans diverses structures (conseil d’administration de l’office de tourisme intercommunal Sauldre et Sologne à Aubigny-sur-Nère, élu au comité régional équestre, etc.), en sus donc de présider l’association des Amis des chemins de Sologne qu’il mène avec son épouse, Marie, il sait parfaitement guider les journalistes leur indiquant telle clôture, tel grillage doublé et/ou enterré, telle nouvelle installation enfermant les animaux sans chance ni échappatoire. En ce moment, il donne quasiment 18 interviews par semaine ! Contrairement aux idées reçues, Raymond, 70 ans, n’est pas ni vegan ni écolo. C’est plutôt un chasseur qui s’assume, de type classique et modéré, qui consomme le gibier prélevé et surtout, avec respect du vivant et bon sens. Ce qui ne l’empêche pas de dénoncer une pratique déviante et insupportable de chasse pour lui, qui se pratique en Sologne derrière d’imposantes clôtures qu’il dénonce et nous montre en bord de routes, ici et là. «Un cervidé pris dans ce grillage est mort, a agonisé à cet endroit. C’est une honte ! ». Raymond Louis évoque alors la France qui depuis 60 ans, a perdu 250 000 km de chemins ruraux. « À cause de ces gens engrillagés qui les privatisent en quelque sorte. Je ne parle pas des maladies liées à la trop grande concentration d’animaux, comme celle d’Aujeszky (infectieuse des suidés, hautement contagieuse pour les chiens de chasse, non transmissible à l’homme, ndrl), ou les difficultés si un incendie prendrait dans ces espaces si clos…. » détaille-t-il. « J’ai repris l’entreprise de terrassement familiale à la suite de mon père; deux de nos cinq enfants m’épaulent aujourd’hui et je me refuse à travailler dans des propriétés engrillagées avec ces chasses-là. » Comprenez la chasse en enclos. «J’appelle cela du ball-trap sur cibles vivantes, et cela ternit l’image de la chasse en général. C’est une chasse criminelle!» explique-t-il encore, après nous avoir gentiment disposé dans une assiette à notre attention quelques biscuits de Nançay, pour tenir le temps de la balade.
Des lanceurs d’alerte, de longue haleine
Mais d’où vient cette manie si nous pouvons la dénommer ainsi? Raymond Louis date le phénomène à partir des années 1965-1967, sous l’effet des réformes fiscales impulsées par le ministre des finances de l’époque, Valérie Giscard d’Estaing. Se sont ajoutés des changements de culture (introduction du maïs), des arrivées de nouvelles fortunes remplaçant les bourgeois d’antan, la disparition des garde-chasses en conséquence et des élevages de gibier, etc., qui ont participé à l’avènement d’un autre mode de chasse. Il commente. «Avant, le sanglier en Sologne, c’était la bête noire à abattre dès qu’on en voyait un pour qu’il n’y en ait pas d’autres. Puis cela a changé… Ce fut rapidement la course à la propriété qui réalisait le plus beau tableau; les nouveaux riches ont apposé des grillages pour garder le gibier, et la folie a démarré ! Marie et moi, nous ne faisons pas de politique, nous sommes des lanceurs d’alerte. Au début de notre association, nous étions juste un groupe de copains. Notre seul but est d’éviter l’engrillagement excessif et la tuerie qui va avec. Il y a vingt-quatre ans, les élus croisés me tapaient sur l’épaule en me disant de ne pas m’inquiéter, qu’ils s’en occupaient, mais rien ne bougeait, et les magouilles et ententes continuaient. Le premier à nous avoir entendu, c’est le député du Cher (LREM), François Cormier-Bouligeon qui n’est ni écolo ni chasseur. Il a d’ailleurs déposé une proposition de loi (PPL) en 2021 qui est radicale. Le cinéaste Nicolas Vanier nous a approchés il y a quatre ou cinq ans également. Nous avons aussi été auditionnés au Sénat avant le dépôt et l’adoption de la PPL du sénateur Jean-Noël Cardoux (LR) en 2022 mais ce dernier n’a malheureusement pas tenu compte de nos remarques sur les sanctions sur le délit d’intrusion notamment. Nous avions de plus suggéré au sénateur concernant les règles de nouvelles clôtures prévues dans son texte législatif, de porter le délai de mise en conformité à deux ans seulement. Il l’a finalement rejeté, et l’a réduit de dix à sept ans. C’est énorme, c’est encore trop !» En somme, ce combat n’est pas un long fleuve tranquille, ni une petite maison paisible dans la prairie de Sologne. Pour preuve, les procédures pénales lancées depuis l’année dernière envers l’association et les deux époux par un grand propriétaire (Le Petit Solognot a été gratifié de la même lettre en septembre 2021; quelques autres médias ont reçu aussi depuis, ndrl). Autre exemple, l’avortement de la convention qui devait être signée en mars 2022 avec une autre association qui milite pour le droit des animaux, One Voice. « Ce fut un premier contact mais le discours était trop extrémiste. Nous restons néanmoins à l’écoute, nous n’avons pas fermé la porte. Il faut toujours maintenir le dialogue,» laisse espérer Raymond Louis. Peu importe les obstacles finalement, le couple demeure porté par une cause qu’ils jugent juste pour la biodiversité et l’avenir des vrais chasseurs, soutenu par ses 969 adhérents (chiffres de la fin 2021) parmi lesquels une première commune, celle de la Ferté-Imbault.
Émilie Rencien
Téléphone : 02.48.58.52.40
Site web :
lesamisdescheminsdesologne.com
Mail :
lesamisdescheminsdesologne@sfr.fr
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Vu sur LCP
Président d’association dynamique et médiatique, Raymond Louis est le 26 mars intervenu dans le nouveau magazine de LCP, « Vues de France ». La chaîne parlementaire (13 sur la TNT) dresse chaque semaine dans un format concis un portrait de la France de 2022. Ce numéro de mars, réalisé par Clément Perrouault, sur le thème « Chasseurs et promeneurs : cohabitation sous tension », aborde selon ce journaliste, “un sujet qui passionne les Français autant qu’il les divise et qui revient à chaque campagne présidentielle. Alors que plusieurs accidents mortels ont émaillé l’actualité des derniers mois, la chasse est plus que jamais montrée du doigt. Dans le Loiret, nous nous sommes plongés au cœur d’une battue au chevreuil pour voir comment sont appliquées les consignes de sécurité et comment les chasseurs vivent leur passion malgré les critiques. En Sologne, nous avons rencontré les promeneurs qui doivent composer avec les nombreuses chasses privées organisées chaque week-end dans les forêts. Certains, terrorisés, n’osent plus s’aventurer dans les bois. D’autres randonnent désormais en groupe et s’organisent pour éviter de croiser les chasseurs. Alors que plusieurs candidats demandent davantage de jours d’interdiction de chasse, la cohabitation entre chasseurs et promeneurs n’a jamais semblé aussi compliquée.” Voilà pour le pitch. Pour celles et ceux qui auraient manqué les diffusions des 26 mars et 2 avril, le reportage est programmé samedi 9 avril à 16h15 et lundi 11 avril à 15h15. À noter qu’il est également disponible en replay sur LCP.fr.
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La langue du sénateur Prince aurait-elle fourché ?
Lors d’une réunion macroniste à Romorantin le 26 mars dans le cadre de l’élection présidentielle d’avril, Jean-Paul Prince (Modem) a pointé du doigt, nous citons, “Le Petit Solognot qui fait beaucoup de pub sur le désengrillagement.” Puis le sénateur, maire honoraire de La Ferté Saint-Cyr, a enfoncé le clou devant l’auditoire en dressant un constat. “La chasse est quelque chose d’important pour nous. Nous travaillons sur la valorisation du gibier plutôt qu’il soit jeté et pourrisse dans les poubelles des péages. Nous aurons du mal à déconstruire les clôtures maintenant qu’elles sont installées, je vois mal comment on pourrait faire sur des propriétés privées où les gens sont chez eux. Nous travaillons pour voir comment avancer à ce niveau mais cela me semble compliqué.” Certes,le droit de propriété demeure inaliénable. Rappelons tout de même que les députés François Cormier-Bouligeon (LREM) et le sénateur Cardoux (LR) ont déposé à l’automne 2021 des propositions de loi (texte adopté en janvier 2022 pour le second) pour faire évoluer ces clôtures, sans oublier avant eux le Zemmouriste Guillaume Peltier et l’Insoumis Bastien Lachaud.
É.R.