En région : L’histoire artistique et cimentesque de Claire Boris !


Le chapeau est sa signature, les silhouettes longilignes aussi. L’artiste Boris, qui est parisienne mais possède une maison de famille et son atelier dans le Loiret, trouve son inspiration dans un matériau surprenant, le ciment. Questions, réponses avec cette figure qui est membre et médaillée de l’Académie des Arts, Sciences et Lettres s’il-vous-plaît.
D’emblée, une interrogation taraude. Elle vous a sans doute été posée très régulièrement : pourquoi le ciment ?
«Pourquoi pas ! De prime abord, les gens pensent que c’est du bronze, du métal, mais c’est bien du ciment. Je réalise des sculptures depuis que je suis toute petite. Des poteries avec de la terre quand j’étais enfant, selon ce que m’a raconté ma mère. J’étais il paraît très sérieuse lorsque je confectionnais un vase après l’école. Puis au collège, des bustes, des mains, des pieds. Dès mes 18 ans, j’ai intégré l’école des Beaux-Arts à Paris et c’est là où j’ai commencé à bifurquer et travailler le ciment dans l’atelier de Charpentier de 1987 à 1991. Nous étions peu nombreux à nous y intéresser et beaucoup depuis ont abandonné ce choix. La pierre, c’est plus courant ! J’aime le contact du ciment, l’odeur, la tenue en main. Pour ma part, depuis 35 ans, je crée, je travaille, je travaille, j’expose, je crée… Depuis mon diplôme, j’ai cette chance de vivre de mon art.»

Vous avez été gratifiée en effet par un prix des artistes orléanais dès 1998. Récemment, au château de Chambord, nous avons pu croiser le travail artistique étonnant du parisien Lionel Sabatté autour de moutons de poussières. Pour vous, il s’agit, et c’est tout aussi surprenant, de ciment. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce matériau ?
«Cela complique le travail, mais c’est ce qui me plaît. Il existe une contrainte avec la flexibilité et aussi le poids du ciment quand je dois ensuite livrer mes oeuvres, ou les exposer. Ceci implique également que je passe souvent deux mois sur une seule pièce. J’ai d’ailleurs déjà un agenda d’expositions planifiées et étalées, en France et l’étranger (Allemagne, Suisse, Italie, etc.) jusqu’en 2028 ! J’exposerai par exemple dans le Loiret, dans la commune de Saint-Privé Saint-Mesmin, du 29 septembre au 8 octobre 2023, au Domaine de la Trésorerie, aux côtés de deux peintres orléanais, Capton et Psyko. Pour le Loir-et-Cher, je connais la saison d’art contemporain de Chaumont-sur-Loire que je loupe toujours du fait de mon agenda chargé et notamment des mois que je passe pour la réalisation d’une seule œuvre, mais j’espère pouvoir un jour avoir le temps d’y participer. »

Autre particularité chez vous, ces corps humains géants, élancés, avec un couvre-chef. À la fois muets, figés et expressifs. D’ailleurs, sont-ils des hommes ? Des femmes ? Encore une fois, pourquoi ?
« Mes personnages portent en effet toujours un chapeau. C’est le petit monde de Claire Boris que je crée ! En France, le public me demande toujours pourquoi, beaucoup moins à l’étranger. Au départ, mon personnage avait une bonhomie, un peu dans le style « barba papa » quand j’avais 25 ans. Et puis, il a grandi, s’est affiné, allégé. Je peux ajouter une écharpe, des vêtements, pour plus de légèreté. Et l’incontournable chapeau sur la tête ou dans la main. J’ai toujours une image en tête, et je me laisse guider par la matière, le mouvement, une attitude. C’est mon émotion qui se fige sur l’oeuvre, en même temps que le ciment ! C’est comme un prolongement de moi-même sur l’instant. Je ne me pose pas trop de question quant à leur genre; ce sont des êtres simples face à la vie parfois tellement tortueuse. Ils ont beaucoup de présence, installés dans un parc, un jardin, à l’entrée d’une habitation. Parfois, on a même l’impression qu’ils ont toujours été là, ils occupent tout de suite l’espace. Ce qui m’intéresse, c’est le volume. Bien que cela puisse paraître paradoxal avec le ciment, je souhaite donner de la fluidité dans mes créations. Et je tiens à utiliser du ciment français, pas chinois ! »
Entretien : É. Rencien
Plus de créations à voir sur son site web : https://www.claireboris.com/
Contact : claire.boris@gmail.com