« Définition des commerces essentiels et non essentiels », « interdiction de faire son jogging à plus d’1 km », « fermeture des centres commerciaux de plus de 20 000 m2 »… Autant de dispositions réglementaires qui auront suscité ces derniers mois des débats houleux. Comment interpréter ces textes pensés par des élus dans un but précis, en l’occurrence la lutte contre la pandémie, mais souvent loin de la réalité des citoyens, interpellés par cette intervention des pouvoirs publics dans leur vie quotidienne. Le bon sens pourrait permettre de les comprendre. Le bon sens, vous savez ce truc dont Descartes disait qu’il est « la chose au monde la mieux partagée : car chacun pense en être bien pourvu », serait utile dans bien des cas, tant du côté de nos gouvernants que de celui du peuple.
L’obstination de nos élus à vouloir plaquer sur la société un programme préconçu, combiné à leurs origines technocratiques, leur interdit souvent de percevoir la réalité telle qu’elle est et de mettre du bon sens dans leurs décisions. On pourrait leur souffler cette phrase de Napoléon, « La haute politique n’est que le bon sens appliqué aux grandes choses ».
Son absence est aussi à mettre sur le dos des administrés, qui, guidés par des oppositions peu constructives, en oublient la raison. Les polémiques soulevées autour de l’interprétation des textes susvisés relatifs à la lutte contre la Covid en sont une belle illustration. Si on se donnait la peine de mettre en route notre machine à bon sens, résulterait de l’essence de ces dispositions l’équation suivante : pandémie = contagiosité = éviter de se rencontrer = ne sortir qu’en cas de nécessité absolue. En pratique, ça se transforme en « sortir pour acheter le repas du soir, oui, sortir pour s’offrir un vernis à ongles, non ». Une évidence me direz-vous ? Nous avons pourtant eu droit, pendant cette pandémie, à des émissions sous forme de questions/ réponses avec des citoyens, hébétés, interrogateurs de ce que nous avions le droit de faire, et des politiques, infantilisants, essayant de répondre précisément à ces questions.
Le rôle du politique et du législateur est-il de tout régler et de tout prévoir de la vie des citoyens ? «Trop de lois tue la loi» a-t-on coutume de dire. « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! » s’écriait déjà Georges Pompidou en 1966.
Quelle idée, allez-vous me dire, de vous rebattre les oreilles avec ces problèmes, avec ces réflexions démoralisantes alors qu’on est même pas -encore – confiné ? Une certitude, la question n’est pas prête d’être réglée.
C’est pourquoi le bon sens me conseille de donner une autre orientation à ce billet déprimant et d’essayer de vous faire rire. Vous trouvez nos élus ennuyeux avec leurs lois et leurs décrets… Il leur arrive pourtant, des fois, de faire preuve d’une imagination étonnante. Si le droit apparaît très souvent comme sérieux et revêche, il peut aussi nous prêter à sourire et comme chacun le sait, nul n’est censé ignorer la loi !
Petit florilège des pépites de notre corpus législatif et réglementaire :
– Jusqu’en 2013, les Parisiennes n’avaient pas le droit de porter un pantalon. Aussi étonnant que cela puisse paraître, une ordonnance datant de la Révolution interdisant aux femmes de se travestir excepté pour tenir «un guidon de bicyclette» ou «les rênes d’un cheval», était toujours en vigueur dans la capitale.Il aura fallu attendre 2013 pour que ce texte qui faisait «encourir» l’emprisonnement aux délinquantes en culottes longues soit abrogé.
– Pas d’alcool en entreprise sauf… la bière, le poiré, le cidre et le vin ! L’article R.4228-20 du Code du travail dispose en effet qu’aucune boisson alcoolisée autre que celles précitées n’est autorisée sur le lieu de travail. À la vôtre !
– Les OVNI ne peuvent pas atterrir à Châteauneuf-du-Pape. Depuis 1954, un arrêté municipal interdit aux ovnis de survoler la commune de Châteauneuf-du-Pape, dans la vallée du Rhône. Coup de com’ génial à une époque où tout le monde voyait des soucoupes volantes.
– Il est interdit de mourir à Cugneaux. Le maire de Cugnaux, en Haute-Garonne, a pris en 2007 un arrêté municipal interdisant «à toute personne ne disposant pas de caveau de décéder sur le territoire de la commune. Les contrevenants seront sévèrement sanctionnés pour leurs actes», précise même l’arrêté. Il s’agissait là encore d’une opération de communication pour protester contre la surpopulation du cimetière de la ville et faire pression sur l’État pour qu’il lui cède des terrains militaires afin de l’agrandir. La préfecture de la Haute-Garonne, après avoir menacé de déposer un référé «pour la liberté de mourir», a finalement cédé les terrains, mais le texte existe toujours !
– Vous pensez que rien n’est plus romantique d’un baiser sur le quai d’une gare ! Pas de bol, une loi de 1910 vous interdit d’embrasser langoureusement votre partenaire dans les gares françaises, sur les quais ou encore sur les rails d’un train. La raison ? Éviter aux trains de prendre du retard lors de leur départ. Le bon sens, encore le bon sens.
– Les éléphants sont interdits sur la plage de Granville. Le maire de la commune a, en 2009, par arrêté municipal, interdit l’accès à la plage aux éléphants. Pourquoi ? Deux cirques s’étaient installés dans la commune normande lesquels laissaient leurs éléphants se baigner dans la Manche. Imaginez la qualité de l’eau après le passage des pachydermes !
– Il est interdit de faire du bruit le dimanche après-midi mais le matin, vous pouvez y aller ! Le Conseil national du bruit – eh oui, cet organisme existe- a émis un avis favorable au bricolage en semaine de 9h à 12h et de 13h30 à 19h30, le samedi de 9h à 12h et de 15h à 19h et les jours fériés de 10h à 12h. Dommage pour les grasses mat’ du dimanche.
– Selon plusieurs médias et sites internet, il serait également interdit d’appeler son cochon Napoléon. Après quelques recherches quant à la sanction encourue, il semblerait que cette interdiction, pourtant acquise pour beaucoup comme législative, ne soit en fait qu’un véto d’un éditeur datant de 1947.
– Du même acabit, un texte, a priori toujours en vigueur, imposerait d’avoir du foin chez soi. Au cas où le roi viendrait vous rendre visite sur son fidèle destrier, il est normal que vous puissiez satisfaire la faim de ce pauvre animal !
Plus récemment, en 2019, des députés, masculinité oblige, ont déposé une proposition de loi pour avoir « le droit d’uriner en paix ». En cause, des écrans lumineux diffusant de la publicité, présents dans les toilettes. « Difficile d’y échapper à moins de fermer les yeux et de risquer un accident liquide» détaille le texte. Question de bon sens…
« Le bon sens du peuple sera toujours la meilleure armée. » Thomas Jefferson.
Frédérique Rose