D’un préfet à un autre, histoires de représentations de l’État


Le premier s’en va, l’autre arrive. Jean-Pierre Condemine a cédé les clés de son bureau à Yves Rousset vendredi 3 mai. Conclusion du chapitre qui se ferme et présentation de la page qui s’ouvre.
Ballet préfectoral classique. Jean-Pierre Condemine raccroche les gants laissant son fauteuil à un nouveau visage, et ainsi va la vie de représentant de l’État. Arrivé à Blois en 2016, il aura navigué en France et en Navarre, au gré de ses affectations depuis 42,5 années. Inutile d’ennuyer le lecteur avec une litanie de dates et de noms de communes. Ce que l’on retiendra du préfet Condemine, c’est bien sûr une vie au service de l’État mais aussi et surtout son côté foncièrement humain. C’est sans doute la première fois depuis nos débuts dans la presse écrite que nous avons pu autant échanger en toute décontraction avec un préfet. Y compris lorsque tout juste arrivé sur un reportage, un voyant se sera inopinément allumé sur notre citadine un weekend ! Jean-Pierre Condemine, fan (et le mot est faible) de belles automobiles et également de belles lettres, aura été de bons conseils. Cette humanité sincère provient peut-être tout simplement de ses racines aux valeurs fondamentales qu’il n’oublie pas : grand-père conseiller municipal, parents instituteurs en Saône-et-Loire. Et puis, déjà, dans la cour de récré, il jouait… aux petites voitures. Évidemment ! Autre signe avant-coureur : l’étal de légumes de ses aïeux maraîchers dans le Mâconnais se situait au pied de la préfecture de Saône-et-Loire. Aujourd’hui, de nouvelles aventures attendent Jean-Pierre Condemine, assurément, derrière le volant, en famille, et de surcroît sur le terrain, car il s’apprête à effectuer une mission consacrée au volontariat des jeunes sapeurs-pompiers, avant une retraite bien méritée.

Nouveau visage, nouveau style
Valises prêtes d’un côté, cartons débarqués de l’autre. Sur son CV, Yves Rousset, qui saisit le flambeau préfectoral, affiche un cursus somme toute classique : Institut d’études politiques de paris, élève de l’ENA, administrateur civil affecté au ministère de l’Intérieur, secrétaire général de préfecture, sous-préfet, Belfort, Côtes d’Armor, etc. Là où le nouveau préfet de Loir-et-Cher (après un précédent poste similaire en Haute-Loire, sur fond de gilets jaunes virulents) détonne, c’est qu’il possède un CAP de cuisine, en plus d’être féru de BD ! Son autre bagage d’originalité est d’être parfois, souvent, surnommé « monsieur radar ». À tort, que les chaumières véhiculées se rassurent, et finalement, cela rallie la boucle déjà amorcée par le préfet Condemine qui aura regretté de n’avoir pu inverser “la tendance calamiteuse de l’accidentologie routière” durant les 44 mois en Loir-et-Cher. Yves Rousset y parviendra-t-il ? « La sécurité routière, la prévention, c’est important. Douze morts en 2017 en Haute-Loire, 29 en 2018… Voir des jeunes se tuer sur la route, voir des chiffres d’accidentologie augmenter, quand on est préfet, on ne peut pas ne pas agir,» nous aura-t-il expliqué, ajoutant. « Je ne suis pas pour autant un fou de la répression ! Cette réputation est partie d’une retranscription erronée dans la presse qui aura enflammé les réseaux sociaux ; nous étions en Haute-Loire un département pilote pour le déploiement de radars tourelles, juste après le passage aux 80 kmh. On m’aura imputé 80 ou 100 radars de plus pour endiguer la mortalité routière, alors qu’il s’agissait non pas d’installations supplémentaires mais bien de politique d’expérimentation et aussi de remplacement de l’existant, une substitution de 35 au total ! Ma consigne aux forces de l’ordre est souvent la suivante : traquer les grands excès de vitesse plutôt que les petites infractions à 82 km/h au lieu de 80 par exemple. » La suite des autres dossiers et sujets à venir se mesurera à l’usage, si l’on peut l’exprimer ainsi. Et comme une phrase d’arrivée de ressentant de l’État maintes fois entendue par nos oreilles, Yves Rousset a conclu. « Je suis un homme de terrain. »
É. Rencien