L’amphithéâtre de la CCI de Bourges était quasi complet pour le lancement officiel de la plateforme collaborative Territoriale HUB TECH Centre-Val de Loire avec comme invité Philippe Dessertine professeur, économiste reconnu.
HUB TECH CVL est un lieu virtuel d’échanges permanents, semblable à une place de village, c’est un lieu digital de rencontre entre les entreprises matures du département, les jeunes pousses et tous les acteurs majeurs du développement local. L’objectif de cette startup est de créer du lien par les échanges entre les entreprises, les établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche, les startups, les porteurs de projets, les institutions et les experts pour initier une dynamique durable de développement du Territoire et de l’Entrepreneuriat.
Pourquoi créer une plateforme collaborative territoriale ?
Créer du lien est un mot clé énoncé dans les objectifs de cette startup ; il est donc logique que son développement passe par une création d’interconnexions et de rencontres créatives sur le territoire. Ce territoire qui est, bien que minoré parfois par les « grandes consciences parisiennes » un territoire d’une grande richesse, culturelle et technologique (ce qu’à magnifiquement rappelé Philippe Dessertine lors de sa conférence : le nouveau monde commence dans le Cher, un nouveau modèle économique au service du territoire). De surcroit, c’est un territoire de faible densité donc propice aux coopérations par la proximité. HUB TECH CVL contourne donc les fragilités identifiées de notre territoire en capitalisant sur les richesses et l’expertise de ses adhérents. Cet outil numérique permet de déconcentrer les réseaux et de s’affranchir des distances.
HUB TECH CVL est une association composée de sept membres et présidée par Alain Brunaud PDG de Renault Trucks et président de la CCI. Un comité de pilotage représentant de nombreux acteurs volontaires du territoire, propose des actions, oriente et teste régulièrement l’usage de la plateforme. La région Centre-Val de Loire et Bourges Plus participent financièrement au projet.
Concrètement ça se passe comme à HUBTECH CVL ?
Quatre cas concrets étaient évoqués lors de cette soirée inaugurale :
– Deux étudiants collaborent avec un chef d’entreprise sur un projet commun. Avec HUB TECH CVL ils échangent rapidement et efficacement des idées et des documents à distance. Réunions virtuelles, gestion de projet, soit une collaboration efficace et pertinente.
– Un chef d’entreprise cherche des prestataires en graphisme et impression. Il vient lancer une consultation. Il envoie avec sa demande, son cahier des charges pour les candidatures. S’ensuit un suivi d’actions et l’étude minutieuse des messages.
– Un chef d’entreprise qui souhaite recruter une collaboratrice originaire de Lyon. Se pose la question de l’emploi de son conjoint. Il joint le CV et la lettre de motivation du dit conjoint dans un dossier : CVthèque. S’ensuit le même processus que vu précédemment.
– Une chef d’entreprise cherche un local pour s’installer en nom propre. Deux experts en immobilier d’entreprise et développement économique vont prendre en charge cette demande et apporter tous les conseils à la personne en l’aidant par exemple, sur les réseaux sociaux territoriaux, sur la communauté de collaboration. Des demandes qui ne resteront jamais sans réponses.
Le fonctionnement est sous forme d’adhésion avec les prestations qui s’y rapportent.
Jacques Feuillet
Pratique :
Association HUBTECH CVL 6 rue Maurice Leroy Bourges
Tel : 07 86 49 76 31 / 02 46 08 10 69 – Contact : contact@hubtech.fr – Site : www.hubtech.fr
Rencontre avec l’économiste Philippe Dessertine
Fraude fiscale, fiscalité, économie nouvelle, un grand livre est en train de s’écrire, des grands défis seront à mettre en place, un monde nouveau est en route et dans ce monde nouveau, la fiscalité doit être repensée.
Le Petit Berrichon : La lutte contre la fraude fiscale doit-elle être une priorité ?
Philippe Dessertine : « Lorsqu’il y a eu la crise dès le premier G20 (2008), la question du financement des Etats s’est posée donc, la question de la fraude. En disant cela, la fraude est insupportable quelques soient ses origines ; entreprises ou autres. Il est clair que pour fonctionner, les démocraties ont besoin de capitaux et ce n’est pas supportable que l’on utilise ces démocraties en ayant des approches frauduleuses. Lorsqu’on regarde l’histoire américaine par exemple, les Etats-Unis d’Amérique se sont construits sur un refus de l’impôt, il faut s’en souvenir. La révolution en France, c’est le refus de l’impôt. Néanmoins, la question de l’impôt doit être pensée pour qu’il soit supportable, donc la fraude est insupportable ».
L.P.B. : Et en France dans tout cela ?
P.D. : « Lorsque vous avez une fiscalité tellement élevée, vous êtes en train de rendre l’impôt insupportable et c’est dangereux. L’élément de base pour l’Etat devrait être de réfléchir à un impôt supportable puisque dans la constitution, il y a « adhésion à l’impôt » et les droits de l’homme supposent cette adhésion. La France a connu à plusieurs reprises dans son histoire, un impôt insupportable et l’indicateur fraude devrait inquiéter les dirigeants politiques.
Un autre élément à retenir est que dans ce nouveau monde qui est commencé, la fiscalité d’aujourd’hui est totalement inadaptée. Notre façon de présenter l’impôt sur la création de richesses à l’ancienne est obsolète. L’impôt doit être repensé de A jusqu’à Z et là, vous êtes dans des situations où l’impôt n’est pas perçu parce que le mode de calcul est totalement inadapté. C’est le cas pour ces entreprises du nouveau monde, la représentation des valeurs est de plus en plus compliquée. Par exemple, lorsque vous êtes une entreprise qui a aujourd’hui 500 millions de ventes, elle en vaut 17 milliards sur la base actuelle de calcul, ça ne va pas.
L.P.B. : Comment peut-on s’adapter à cette nouvelle problématique dont nos candidats à l’élection présidentielle ne parlent pas beaucoup ?
P.D. : « Bien sûr et c’est ahurissant. Nous avons un système fiscal tellement complexe, tellement archaïque, inadapté et c’était déjà le cas voilà quinze ans. Nous sommes avec les Etats-Unis d’Amérique, les pays de la niche fiscale et cela démontre bien qu’il y a un problème. Nous, Français, il nous faut tout remettre à plat et au niveau mondial repenser à la logique de l’impôt ».
L.P.B. : Quelques pistes ?
P.D. : « Nous avons des dépenses publiques inadaptées par rapport à nos besoins d’investissements par exemple. Une perception d’un système fiscal qui est un énorme problème pour les citoyens français avec énormément d’effets pervers. Les diagnostics sont faits par tout le monde et très précis comme ceux qui émanent de Berçy depuis des années. La révolution qui arrive devrait nous amener à poser les éléments qui devront être au cœur du débat politique.
Si on parle d’impôts, les gens vont prêter l’oreille mais on n’en parle jamais si ce n’est pour dire que l’on va diminuer l’impôt mais ça ne veut rien dire. Mettre en face des éléments qu’on estime essentiels, comme les services publics par exemple, des financements cohérents et non par la dette mais par l’impôt et que celui-ci soit acceptable. On nous parle de réforme fiscale et pour donner l’illusion, on va faire le prélèvement à la source mais en Europe, ça existe depuis plus de trente ans et nous sommes les derniers à la faire, justement à un moment peu propice. On est vraiment à l’arrière garde de tout ça ».
Cette entrée dans le nouveau monde économique qui bouge à une vitesse vertigineuse, la France qui est tout de même un pays cohérent, un des plus vieux du monde, pays qui a une vraie culture à savoir gérer la fiscalité ; des experts français sont même envoyés en Grèce notamment mais tout cela est du passé comme l’explique Philippe Dessertine, aujourd’hui, cette spécificité il faut la regarder en pensant avenir et savoir écrire ce grand livre qui nous fera entrer dans ce nouveau monde économique et il y a urgence. La fiscalité actuelle est une gangrène et rester arc-bouté sur des ressorts anciens, ce n’est certes pas le bon moyen pour effacer le résultat de nos folies passées. Etre lucide, ce n’est pas être découragé : il est important de parler aux jeunes avec un discours positif et de leur donner des clés pour changer le monde ».
*Philippe Dessertine : Economiste, professeur en sciences de gestion université de Paris Panthéon Sorbonne, spécialiste de la finance et directeur de l’Institut de Haute Finance.
Ouvrages : En tout espoir de causes (le monde de demain a déjà commencé). Philippe Dessertine Ed : Anne carrière. Le Gué du Tigre : Philippe Dessertine : Ed : Anne carrière