D’un côté le député du Cher François Cormier- Bouligeon ; de l’autre le sénateur du Loiret Jean-Noël Cardoux. Ils ont déposé des propositions de lois pour que cesse l’engrillagement sur les territoires solognots. Deux textes législatifs aucunement en opposition.
L’engrillagement est décidément un sujet qui fait parler dans les chaumières, qui fait écrire dans les journaux, qui fait des images à la télé et des prises de positions dans les médias en général. On a les partisans et les antis. On a ceux qui se disent Solognots pures souches et qui sortent de la salle, au conseil régional, au moment du vote d’une motion contre l’engrillagement. On a ceux qui se disent de bons chasseurs, comme à la « galinette cendrée », et d’autres anti-chasse purs et durs. On a des élus de territoires concernés qui s’intéressent au sujet, et d’autres pas du tout pour ne pas se couper de potentiels soutiens. On a les Pour et les Contre. On a des gens qui font des procès en diffamation et d’autres d’intention …
Voilà une quinzaine de jours, le député du Cher François Cormier- Bouligeon avait rassemblé une bonne partie des associations qui affichent leur rejet de l’amplification de « la Solognolisation », comme dorénavant on appelle le phénomène des enclos de chasse. Un savoureux mélange de propriétaires, chasseurs ou non, de défenseurs des chemins, d’élus du Cher et du Loiret, était sur les terres du Raboliot de Maurice Genevoix, le Nivernais, venu soutenir le projet de loi du député. Un texte de loi clair et précis appuyé par 80 députés qui devrait être présenté cet hiver aux cours d’une de ces « niches » dont l’Assemblée Nationale à le secret.
Dans la foulée du député du Cher, c’est le sénateur du Loiret Jean-Noël Cardoux, suivi par une cinquantaine de membres de la chambre haute du Parlement, qui vient de déposer une proposition de loi pour « réduire l’engrillagement solognot et ainsi préserver la libre circulation de l’animal sauvage. »
L’une et l’autre ont le même objectif de mettre fin à la prolifération des engrillagements délimitant les propriétés, de limiter les enclos, d’assurer la libre circulation des animaux sauvages dans l’espace naturel, d’assurer le respect des propriétés rurales ou forestières privées, entres autres. Le diable est dans le détail mais, selon Dominique Norguet, le président du comité central Agricole de la Sologne (CCAS), une association regroupant plus de sept cent cinquante acteurs, propriétaires et gestionnaires de l’espace rural solognot, sur le Cher, le Loir-et-Cher et le Loiret, « si ces deux propositions ont le même objectif, les moyens et fondements en droit sont différents. L’une pose comme principe l’interdiction de la chasse en enclos, l’autre vise à promouvoir la libre circulation de l’animal sauvage au nom de la biodiversité… » Pour l’élu du Cher, cependant, le texte du Loiretain peut parfaitement venir en complément, pas en substitution parce qu’insuffisamment précis, de celui qu’il propose, notamment une grande partie de son article 1… Il trouve même un écho favorable à la proposition de loi de Bastien Lachaud, le député LFI de Seine-Saint-Denis.
Une preuve que l’initiative parlementaire contre la chasse en enclos et l’engrillagement excessif rassemble très large.
F. S.
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“À travers les grillages”, un vieux point de blocage…
Pour rappel, nous avons été mises en examen pour “complicité de diffamation publique envers un particulier” du fait de la simple reprise d’un communiqué de la région Centre-Val de Loire portant sur l’engrillagement de la Sologne et identifiant quelques grands propriétaires. La sagacité d’un confrère orléanais nous a permis de dénicher une pépite papier datée de février 1976, relative à un sujet qui n’est finalement pas nouveau. Déjà, le curseur était focalisé sur “la Sologne des bourgeois”, selon le titre du papier retrouvé. Et ce n’est guère un conte de Noël. Plutôt une magie de comtes.
L’article est certes issu du journal (numéroté 4) de la section PCF (Parti Communiste Français) de la Source (45), dont la Une annonce les élections cantonales du 14 mars 1976. Mais il s’avère particulièrement intéressant puisqu’il évoque dans une de ses pages, l’engrillagement de la Sologne. Et le propos d’antan est riche d’enseignement, en écho avec une difficulté persistante. Attention aux âmes sensibles qui ont la gâchette d’avocats facile, des patronymes vont être cités ici… Il est donc écrit et relaté dans ce canard PCF une affaire passée qui possède une résonance très actuelle. Le temps passe mais parfois, certaines pratiques demeurent immuables. Nous citons : “Habitants de la Source, vous avez failli vous réjouir. La presse locale, qui vous informe régulièrement des “efforts” des autorités pour ouvrir une partie de la Sologne grillagée aux promeneurs, vous laissait entrevoir le bout du tunnel : on allait ouvrir le domaine de Frogère. Tout récemment donc, vous avez cru que ça y était : il allait devenir possible de se ballader (ouille, ça pique ! nous retranscrivons tel quel mais au passage, balader, c’est avec un seul “l”!, ndrl) librement dans un coin de Sologne sans se heurter aux barbelés et aux pancartes … Et quel coin ! Le meilleur site de la “Sologne des étangs” à St-Viâtre, célèbre notamment pour sa colonie de hérons, le ventre de ce que les scientifiques appellent “zone humide d’intérêt international” (…) 960 hectares, cela fait quelques bonnes heures d’oxygénation ! ” Oui, mais voilà, une histoire de mise en vente dudit domaine par la baronne Goury du Rosland, plus un projet mêlant cultures, tourisme et “ protection de l’équilibre naturel exceptionnel des marais et étangs” plus tard, et finalement, ce fut un naufrage complet. Nous citons encore ce qui est rapporté sur l’imprimé. “Cela ne sera pas. (…) On sait qu’en Sologne, l’agriculture est sacrifiée (…) Le domaine de Frogère restera privé. (…) Des “combines” aussi souterraines que secrètes ont amené la SAFER (organisme public, aide aux agriculteurs, ndrl) à renoncer à la possibilité qu’elle avait d’acheter le domaine, même le conseil général s’est, semble-t-il, attristé de la chose ! Préfet en tête. (…) Pour votre consolation, peut-être pourrez-vous, à travers les grillages, apercevoir les belles voitures de milliardaires solognots et de leurs invités. On cite Mrs Giscard d’Estaing et Poniatowski, Mrs Floirat (d’Europe 1 et de Matra), Mr Prouvost (Figaro, Match, La Lainière de Roubaix), Mr l’émir Aboudhabi, Mr Bokassa ou encore mr Roussel (pharmacie) qui dépense 100 millions par an pour la chasse dans ses propriétés de la Giraudière (640 hectares) ou de Bonneville (360 hectares). On dit aussi que la banque de Paris et des Pays-Bas et la Société Pont-à-Mousson St.Gobain possèdent des chasses fantastiques… Mais que ne dit-on pas? ” En résumé, comme l’affirmeraient les Solognots, il est compliqué de sortir ce derrière des orties. Pour Hubert Louis-Vuitton,le président de la Fédération des chasseurs de Loir-et-Cher (FDC 41), “l’issue pourrait demander encore 20 ans” …
Émilie Rencien
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D’autres perles retrouvées
Cet article ne saurait malheureusement être un texte journalistique isolé. Par ailleurs, un lecteur bienveillant nous aura communiqué la revue “Sites et monuments” (avril-mai-juin 1999, n° 165). L’auteur Claude Fortat y écrit qu’en Sologne, “nombre de propriétaires de grands ou de petits domaines boisés se livrent depuis plusieurs années à la pose de «murs de grillages» de 2 mètres de hauteur à la limite du domaine public (routes départementales, V.O. ou chemins communaux). Certaines communes voient plus de 20% de leur territoire assorti de ce type d’enclos. Qui fait penser à des camps militaires. Pis, il arrive que le promeneur chemine entre deux rangées de grillages qui font ressentir une sensation de couloir ou d’enfermement. Certes, le droit de clôture est un accessoire du droit de propriété et l’incivilité croissante de certains peut expliquer en partie les motivations des propriétaires hostiles à l’intrusion sur leurs terres. Dans l’état actuel du droit, rien ne peut empêcher que cette dérive ne se poursuive puisque les maires n’ont aucun pouvoir pour s’y opposer. Il est donc urgent de rechercher des moyens de l’arrêter, plus peut-être en cherchant à convaincre qu’à contraindre. Il importe sans doute d’encourager ceux des propriétaires qui, en renonçant à cette pratique, prendraient en compte l’appartenance au patrimoine commun – au sens global et esthétique – de leur propriété privée.” Également, en remontant plus loin, dans le Journal l’Éleveur du 16 juin 1929, il est fait état de “la Sologne (qui) s’engrillageait pour se protéger des lapins”; ledit papier mentionne particulièrement que “si le lapin cause certains dommages aux récoltes, c’est qu’il se multiplie avec une rapidité extraordinaire; aussi, de tout temps, fut-il plutôt nuisible, si l’on ne prend pas certaines précautions : battues de destruction, engrillagement des bois, etc.” Enfin, dans Le Journal du 8 août 1907, il est rapporté le propos de M. De Pressensé, député, déplorant “l’engrillagement des forêts (qui) porte préjudice à beaucoup de petites gens, qui y récoltent ou ramassent des champignons, de la mousse, du bois mort, des fleurs, etc., et aussi à des communes entières – c’est le cas de Dourdan – qui vivent des promeneurs attirés par les forêts. (…) Les tribunaux auront alors à décider si les engrillagements que j’ai l’honneur de vous signaler ne sont pas ce qu’une jurisprudence appelle des abus de droit, attendu que le droit de chasse ne confère aucun droit sur le sol”.
É.R.