Rencontres :
Cette fois François Jolivet est député de l’Indre
A l’automne 2016 François Jolivet était encore seul contre tous. Huit mois plus tard il entre à l’Assemblée nationale. Le résultat de cinq ans de persévérence.
« Député de l’Indre, quelle aventure. » François Jolivet a répété à plusieurs reprises cette exclamation. Au soir du premier tour d’abord, avec un maximum de points d’interrogation, car le score était réconfortant mais il fallait un second tour pour ratifier cette élection. Au soir de ce deuxième tour justement, au milieu de ses amis venus fêter sa victoire au château des Planches à Saint-Maur. Et puis, en compagnie de son collaborateur Dorian Da Silva, lorsqu’il a marché dans l’allée de la Présidence du Palais Bourbon, avec la sacoche contenant, entre autre les symboles de sa fonction : l’écharpe, la cocarde à mettre derrière le pare-brise… Cette fois il y était. Il a avoué avoir des frissons.
François Jolivet est un affectif. Pas dans ses décisions, mais il a besoin de l’affection des gens qui l’entourent pour être bien. Le parcours, qui vient de faire de lui un député de l’Indre a débuté voici un peu plus de cinq ans, lorsqu’il s’est présenté face à Jean-Paul Chanteguet épaulé par Michel Sapin juste après l’élection de François Hollande. C’était ingagnable et personne ne s’était précipité pour mener bataille. Peut-être finalement l’envie remontait-elle aux premiers contacts de François Jolivet avec la vie parlementaire, voici vingt-cinq ans. Il était alors attaché parlementaire d’un autre François, Gerbaud celui-là, sénateur de l’Indre. En tout cas au soir de sa défaite il avait fait sienne la maxime de Louis Pinton « La première candidature c’est pour voir, la deuxième c’est pour gagner. » Et rien ne pourrait l’empêcher d’être candidat.
C’était tout sauf un rêve d’enfant, l’accomplissement d’un homme qui avait eu un parcours politique : maire de Saint-Maur depuis 1995, conseiller régional à deux reprises, vice-président de la communauté d’agglomération de Châteauroux. Un parcours politique mené parallèlement à une brillante carrière professionnelle qui l’a amené à la tête de La Sablière, la société qui gère la parc immobilier locatif de la SNCF. En entrant au parlement, il quitte une situation financière beaucoup plus confortable que ce que lui rapporteront ses indemnités parlementaires, pour se mettre au service de ses concitoyens et défendre son territoire au plan national.
Alors oui, cette journée d’accueil des députés était d’abord chargée d’émotion pour le Berrichon, abordant avec la modestie du « bleu » ce nouveau monde. Un monde dans lequel les élus de la Nation bénéficient d’un accueil très professionnel du personnel de l’Assemblée. Des huissiers bienveillants soucieux de mettre les élus dans les meilleures conditions pour faire leur travail.
Cette journée d’accueil c’est le parcours découverte de tous les services dont bénéficient les élus : financiers, transports, communication, mais aussi découverte des lieux de l’assemblée nationale : les différents salons, l’hémicycle où sa place n’est pas encore définie. Le mardi suivant il a siégé pour la rentrée du parlement et l’élection du président à une place provisoire puisque les 577 députés y étaient installés par ordre alphabétique. « Ce qui m’a le plus marqué c’est la beauté de la bibliothèque. Je sens que j’irai souvent y travailler. »
La folie médiatique Mélenchon
Le « bleu » qu’il est, a aussi pu mesurer la différence qui existe entre les députés. Les Jolivet traversent incognito la masse des journalistes, ne retenant l’attention que de leurs médias locaux, accrédités pour une journée au milieu de la presse parlementaire. Ces journalistes spécialisés faisaient le siège d’un grand costaud au crâne rasé qui passa une heure à répondre aux questions des uns et des autres. Des journalistes qui pariaient sur son élection à la tête du groupe « EnMarche ». En fait Stéphane Travert, puisque c’est de lui qu’il s’agissait, a été nommé le lendemain ministre de l’agriculture ! Il y eut aussi les séquences people, les arrivées d’un Ciotti réclamant haut et fort la démission de Bayrou et surtout de Mélenchon avançant, toujours en représentation, au milieu d’une vingtaine de caméras et de soixante journalistes dans le jardin des Quatre Colonnes et posant poing levé sur l’escalier menant à la salle des Quatre Colonnes. Des emballements démontrant à notre député berrichon que toutes les voix n’ont pas le même poids. Dans l’hémicycle en revanche, les votes des seize élus de la France Insoumise ne vaudront que seize alors que la sienne se mêlera aux trois cent cinquante de La République en Marche pour faire passer un projet de loi !
En ce mardi, vis à vis du personnel du Palais Bourbon en revanche, François Jolivet avait droit au même traitement que tous ses collègues : maquillage pour la photo officielle prise dans l’hémicycle mais aussi pour la photo d’identité qui figurera sur le site de l’Assemblée… et sur le trombinoscope que les huissiers auront mémorisé au bout de quelques semaines !
Le jour de l’accueil, aussi important soit-il sur le plan administratif et émotionnel n’est qu’un début. L’important, c’est ce qui va se passer au sein des groupes parlementaires. Et le député de la première circonscription de l’Indre sera devenu un député En Marche lorsqu’il aura suivi le séminaire de son groupe au cours duquel auront été répartis les rôles de différents députés. Ce séminaire a occupé son premier week-end parisien.
Une ambition et une règle
« Je n’ai pas envie de rester député de base, annonçait François Jolivet avant ce séminaire. J’aimerais intégrer la commissions des finances et, à l’intérieur de cette commission, être le rapporteur du logement, un domaine où j’ai une vraie expertise. » Au cours de ce week-end aura été notamment élu le président de groupe et, François Jolivet, comme ses collègues se sera vu attribuer une place dans l’hémicycle et un bureau.
Dès lors il sera fin prêt pour la grande rentrée, le 28 juin au cours de laquelle seront élus le président de l’Assemblée et tous les présidents de commissions (comme c’est le cas pour toute assemblée démocratique, conseils municipaux compris). « Je voterai sans état d’âme pour le président proposé par mon groupe parlementaire. Néanmoins je reste un homme libre et j’utiliserai cette liberté pour contester tous les textes qui ne sont pas favorables à mon territoire. »
Au delà des formules le nouveau député a une stratégie : « m’appuyer sur les acteurs locaux pour vérifier que mon vote va dans le bon sens. » La seule position susceptible de lutter contre la désaffection des citoyens pour la démocratie, car le chiffre de l’abstention est resté gravé dans sa tête. Par acteurs économiques il pense autant aux agriculteurs rencontrés en début de campagne, lors d’une réunion mémorable à Lureuil, qu’aux habitants de Saint-Jean avec qui il a passé plusieurs soirées après la rupture du jeune. Des moments encore plus forts de la campagne que les meetings destinés d’abord a redonner du tonus aux militants. « Je compte sur vous pour me rappeler à l’ordre si je m’écarte de mes engagements, avait-il lancé à ses supporteurs, en fêtant la victoire au soir du deuxième tour. Il n’avait pas changé de discours en répondant aux questions du journaliste de Médiapart ou de France 3 attirés par ce bleu qui arborait son écharpe tricolore « à porter avec le rouge côté cou » précisait le bon élève, sur les escaliers de la salle des Quatre Colonnes pour répondre aux sollicitations de sa presse locale.
Pierre Belsoeur
Nicolas Forissier, un « constructif » chez les « historiques »
Le maire de La Châtre retrouve, cinq ans plus tard, son siège avec un souci d’ouverture, mais reste dans l’opposition, avec la majorité du groupe Les Républicains.
Lorsqu’il est arrivé au Palais Bourbon, le mardi 20 juin, pour effectuer le parcours d’accueil des députés, Nicolas Forissier n’avait évidemment pas la même émotion que François Jolivet, il rentrait « à la maison ». Pour renverser une situation compromise au premier tour il avait grappillé voix par voix, en campagne pour annuler son retard dans les villes, sur la candidate En Marche, récupérant au passage les voix socialistes et front national. Heureux, évidemment, il était un rien agacé par le fonctionnement de son parti « Les Républicains ». « Nous sommes convoqués pour demain matin à dix heures pour élire notre président de groupe sans avoir eu le temps de débattre. » Le député de l’Indre était aussi amer d’avoir eu très peu de contacts pendant sa campagne avec les ténors du parti. « On retrouve la précipitation parisienne, mais je n’ai pas l’intention de me taire. » Fort de son ancienneté (il a siégé à l’assemblée de 1993 à 2012 et fut brièvement secrétaire d’Etat à l’agriculture) et de sa volonté « de ne pas faire de l’opposition systématique », Nicolas Forissier a certainement reçu les réponses qu’il attendait puisqu’il n’a pas rejoint les « Constructifs » le groupe constitué par Thierry Soler rassemblant des Républicains et des UDI. « J’ai décidé de rester fidèle à ma famille politique. Ceux qui s’intitulent constructifs réinventent en fait l’UDI. Je me situe fermement dans l’opposition. Je ne voterai pas la confiance, à la limite je m’abstiendrai. Je reste un homme libre, je ne ferai pas de l’opposition systématique mais je mettrai en tête l’intérêt de mon territoire. »
Pierre Belsoeur
Les trois nouveaux députés du Cher ont fait leur entrée au Palais Bourbon
François Cormier-Bouligeon, 1er circonscription
C’est un jeune quadragénaire père de deux enfants, une fille et un garçon. Il occupait dernièrement le poste de conseiller au développement économique et à l’engagement, auprès du
ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick Kanner après avoir été chef-adjoint de cabinet du ministère de l’Economie et des finances dirigé par Emmanuel Macron. Auparavant il avait été directeur de cabinet du maire de Cosne-sur-Loire Alain Dherbier, et ancien attaché parlementaire du député de la Nièvre Gaëtan Gorce. Enfant des Gibjoncs, un quartier de Bourges, il a effectué ses études secondaires à Bourges, au Lycée Alain-Fournier. Il est titulaire d’un DEA de droit public et de sciences politiques de l’Université de Tours.
Vos premiers pas à l’Assemblée ?
Ce n’était pas une découverte pour moi, c’est une maison que j’ai déjà connu en tant qu’assistant parlementaire de Gaëtan Gorce. Cependant, ce n’était pas la même émotion, pas les même responsabilités. C’était une semaine plutôt administrative qui s’est achevée par un séminaire de notre mouvement En Marche. Ce qui m’a frappé c’est la diversité des ages, des métiers. C’est quelque chose qui montre que la politique française a changé de profil. Cela donne de l’énergie et c’est à l’image de notre société. Nous n’avons plus à faire avec des professionnels de la politique mais a des personnes qui ont des expériences dans la société civile avec une approche moins rigoriste et plus proche du terrain.
Quel sera le premier dossier sur lequel vous vous pencherez ?
Ce sera la loi de moralisation de la vie publique. On ne peut pas vivre dans une démocratie où quelques uns profitent du système. La défiance s’est installée, c’est l’une des raisons du manque d’engouement pour les dernières élections, face à un manque d’exemplarité, même si la plupart des élus sont exempts de reproche. Nous nous devons d’être irréprochable. Je crois que c’est un besoin impératif.
Nadia Essayan, 2e circonscription
Elle est née en Côte d’Ivoire, où elle a vécu une partie de sa jeunesse, puis au Maroc, et enfin au Liban. Elle est arrivée dans l’Hexagone à l’age de 25 ans. Cette presque sexagénaire est installé à Vierzon depuis de nombreuse années où elle s’est investie dans la vie politique locale. Après avoir été maire-adjointe à l’enseignement, elle a été conseillère nationale du Mouvement Démocrate, et vice-présidente du MoDem du Cher. Elle est mariée a un médecin et a quatre enfants. Elle était jusqu’alors conseillère municipale d’opposition à Vierzon. Elle a été déléguée nationale au sein de l’ACI (Action Catholique des Milieux Indépendants).
Vos premiers pas à l’Assemblée ?
Mes premiers pas à l’Assemblée, je les ai vécus avec ma sœur qui venait du Canada pour l’occasion. Je suis arrivée en même temps qu’une des candidates malheureuses à la présidentielle, devenu députée. Des huissiers nous ont guidé d’un bureau à l’autre pour un parcours facile et rapide. Nous avons pu visiter l’hémicycle et prendre des photos, mais nous n’avions pas le temps d’aller voir la magnifique bibliothèque, en raison d’un rendez-vous d’embauche d’une assistante parlementaire. Durant ce week-end, formation avec le MoDem, et moment d’échange avec le groupe des députés LREM. Je souhaiterais être intégrée dans la commission des affaires sociales où beaucoup de sujets sont majeurs : l’emploi, la santé, les personnes handicapées, le financement de la sécurité sociale, la famille, l’insertion, l’égalité des chances et la formation professionnelle.
Quel sera le premier dossier sur lequel vous vous pencherez ?
La première question que nous travaillerons sera celle de la moralisation de la vie politique pour restaurer la confiance entre les citoyens et leurs élus. Ce que je souhaite dans cette mandature c’est, avec mon groupe, ne pas seulement bien faire le boulot mais aussi faire bouger les choses, apporter des innovations dans les pratiques parlementaires. Permettre qu’il y ait moins de lois, mais qu’elles soient mieux comprises par les citoyens, mieux appliquées, mais aussi plus bienveillantes.
Loïc Kervran, 3e circonscription
33 ans, a grandi à Contres et à Bourges. Il est diplômé de Sciences Po Paris et de la London School of Economics. Après avoir travaillé avec les Nations Unies en Amérique latine sur des questions de lutte contre la corruption et de développement des territoires. Il a occupé différents postes dans le secteur financier dans des fonctions d’audit (protection du consommateur, lutte contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme), a été directeur adjoint de l’inspection générale dans le groupe HSBC où il a travaillé durant huit ans. Engagé pendant dix ans au sein de la Croix Rouge française, il est aussi régulièrement tuteur d’élèves des Internats d’Excellence. Créateur et responsable départemental d’En Marche dans le Cher, c’est son premier mandat.
Vos premiers pas à l’Assemblée ?
De par mon parcours, ayant grandi dans un petit village du Cher de 30 habitants, mon premier contact avec l’Assemblée était chargé d’émotion. J’ai eu le sentiment de faire entrer au Palais Bourbon à la fois notre Cher rural et une certaine idée de la méritocratie à la française. Je suis extrêmement fier de représenter mon département et au-delà le peuple français.
Quel sera le premier dossier sur lequel vous vous pencherez ?
Mes premiers dossiers seront à la fois nationaux, avec notamment la loi de moralisation de la vie politique, et locaux avec par exemple le suivi d’entreprises en difficulté ainsi que la rencontre avec de nombreux élus pour continuer à échanger sur leurs problématiques. Je souhaite être un député de proximité, très présent sur le terrain, qui apporte son soutien chaque fois que nécessaire.
Fabrice Simoes