Confinement et Covid-19 ne sont malheureusement pas un poisson d’Avril. Dans la famille Bourdillon, à Soings-en-Sologne, d’une voix unie, Marie, Sébastien et Bruno témoignent et expriment leurs interrogations par téléphone, face à ce contexte si atypique, aux conséquences non négligeables. « Nous comprenons la politique de sauvegarde sanitaire en cette période de Coronavirus. Le confinement est sûrement nécessaire pour responsabiliser une partie des concitoyens, mais l’arrêt total du réseau de commercialisation de nos produits horticoles éphémères en cette période de fort débit pour nous, va conduire notre jeune entreprise de trois ans à une cessation de paiement puis à sa mise en liquidation avec le licenciement de ses six techniciens. Nous allons perdre 50% de notre chiffre d’affaire et ce ne sont pas les aides de prêt garantie de l’État qui pourront nous sauver puisque les banques demandent quand même des garanties ! » La situation des professionnels similaires à l’entreprise Terres de Sologne est très particulière car elle repose, en ce moment, sur l’activité très saisonnière du muguet. Le muguet du 1er mai 2020 est le résultat d’un processus de production qui remonte à 2018. Le trio explique. « Oui, il faut trois ans de culture pour que le muguet produise une fleur ! La culture de forçage 2020 est déjà en place depuis plus d’un mois et sa commercialisation est prévue à partir du 15 avril. Elle n’aura plus aucune valeur le 2 mai. Elle partira à la poubelle ! Ce sera une perte sèche ! » 50% du chiffre d’affaire dû à cette culture est donc très fortement compromis.
Commandes annulées, livraisons stoppées
Actuellement, les clients (jardineries, fleuristes, grossiste sur Rungis…) annulent leurs commandes et réservations, ayant l’obligation d’être fermés. Le printemps (jusqu’à juin) représente également un potentiel de vente d’autres plantes (10% du chiffre d’affaire) qui ne peuvent plus être livrées. « Quelle entreprise en France peut vivre avec 60% de chiffre en moins et garder presque le même niveau de charge ? Si l’État demandait aux agriculteurs de ne pas moissonner en juillet 2020, que se passerait-il ? Si nous n’avons pas cette trésorerie qui rentre en cette période, comment pourrons nous investir dans les autres cultures d’automne pour continuer ? Notre assurance couvre la catastrophe naturelle et notre perte d’exploitation en cas d’incident. Cependant, il n’existe aucun mécanisme pour contrer une telle crise qui va se transformer en très forte crise économique pour l’ensemble de notre profession horticole. Pourquoi les consommateurs ont le droit d’acheter du tabac, de l’alcool ou des produits de bricolage mais pas de production locale horticole pour jardiner et fleurir leur habitation protectrice à cette heure. On doit pouvoir vendre nos produits qui apportent du bien-être, nos fleuristes et jardineries doivent pouvoir vendre avec les mêmes règles sanitaires. Les grandes surfaces doivent se montrer responsable et vendre plus de produits locaux et favoriser le tissu social local. » À Soings-en-Sologne, Marie, Sébastien et Bruno, depuis les murs de leur entreprise Terres de Sologne, émettent néanmoins un voeu d’espérance, le souhait que les horticulteurs puissent être indemnisés sur la perte réelle de production imposée par l’État. Un décalage dans le temps des aides apparaît selon eux illusoire, sans capacité à sauver les entreprises et leurs collaborateurs. Le muguet en fleurs, annonciateur des beaux jours, leur portera peut-être bonheur.
Fabien Tellier