Comprendre pour éviter les loups


Je vote. Tu votes. Il vote. Nous votons. Vous votez. Ils votent. Les élections européennes auront lieu dans quelques jours. Même si aucune obligation n’en est faite, mon moi, mon surmoi, mon sous-moi et tous ceux qui vivent dans cette enveloppe charnelle qui est la mienne ont décidé d’un accord plus ou moins commun – 1972, c’était pourtant hier – qu’il ne serait pas ici question de politique. De fait, nous ne parlerons pas du petit Jordan massacré télévisuellement par le pas beaucoup plus grand Gabriel. Il ne sera pas non plus question de la petite Valérie, de Marie, de Manon, de Selma et de toutes les autres têtes de listes.
Cependant, avant d’accéder à une autre approche de nos travers, un seul conseil : allez voter et pi c’est tout. Sinon, au lendemain d’une belle gueule de bois comme celle actuellement envisagée le 10 juin pour la Démocratie en général et la nôtre en particulier, les plaignassoux du café des sports/du commerce/de la Poste/de la mairie/etc. aligneront de belles brèves de comptoir à côté de leurs verres de rosé. Alors que leurs voix ne devraient être audibles que si leurs bulletins ont été déposés dans les urnes. Mais c’est pas gagné !
Voilà, c’est fait. C’est dit. Parlons lecture… Lire, c’est bien. Comprendre ce qu’on lit, c’est encore mieux. Tout petit, juste après avoir fait l’apprentissage de la peinture sur les murs de la chambre à coucher parentale, c’est , dans la foulée, ce que tout à chacun apprend. Pourtant, quelle que soit la manière, lire mal est devenu l’une des plaies de notre société. Plusieurs raisons peuvent être évoquées. Lire simplement le titre et en tirer des conclusions hâtives. Lire en diagonale, à la va vite. Pire, lire et interpréter, parce qu’on a probablement raté quelque chose à l’école ou les mots qu’on a cependant sous les yeux. Les exemples sont multiples de ces lecteurs aux commentaires erronés sur les réseaux sociaux protéiformes. Les exemples sont tout aussi nombreux de ces textes qui demandent une réflexion plutôt qu’une réaction épidermique. Et, des fois, on se dit que la baisse du niveau scolaire a commencé bien avant le début de ce siècle.
Si on ne fait pas gaffe, si on survole, on peut passer à côté du sujet. Il suffit de découvrir, ensemble, l’une des dernières chroniques politiques de Jean-Michel Aphatie. Et le Jean-Mimi, ce n’est pas un âne puisqu’il passe à la télé. Comme Hanouna, mais pas sur la même chaîne. « Des hommes casqués et bottés débarquent en 1853. Ils font souche. Ils prennent la terre des premiers occupants. Ils les parquent dans des réserves. Ils alcoolisent les hommes, ils ne scolarisent pas les enfants … » écrit cet éminent journaliste. Quelques-uns s’étonneront là que ce chroniqueur, blanchi sous le harnais, soit aussi peu calé quant aux dates de la grande immigration en Amérique du Nord. Quelques lignes plus tard, on peut perdre d’autres lecteurs dans les méandres du colonialisme, du racisme et du Black Lives Matter avec le couplet : « La violence est dans leurs têtes, dans leurs mémoires, dans leurs récits. Pour eux, nous sommes les occupants, nous sommes les méchants. Nous sommes les Blancs. Cette réalité ne changera jamais, le temps ne l’effacera pas… » Plus loin, à l’issue du passage où il donne quelques préconisations plutôt pleines de sagesse éditoriale, les derniers peu attentionnés peuvent encore se perdre en route. « Il faut écouter, parler, proposer un pacte pour que tous vivent ensemble… Ceci passe par l’indépendance du pays. C’est inévitable, c’est écrit, pour demain ou pour dans cent ans.» Vite fait, bien fait, on pense à la bande de Gaza, à la Palestine. Un même papier, trois lectures différentes, et pas une de bonne. Alors qu’une lecture normale, sans à priori, sans sauter une ligne, sans éluder un mot, permet de comprendre que l’on a affaire aux récents événements en Nouvelle Calédonie.
Du coup (ça fait djeun’s, hein) si vous avez compris que les nouvelles dispositions mises en place par le Gouvernement, sur la baisse des droits au chômage par exemple, vont aider à atteindre le plein emploi, c’est que vous avez raté un passage, une tournure de phrase ou simplement le cheminement dans l’esprit de ses auteurs. Reprenez le texte depuis le début, vous verrez, y a un pas qu’un seul loup !

Fabrice Simoes