Les années se succèdent mais ne se ressemblent pas. Le Domaine régional arrive une nouvelle fois à éveiller tous les sens des visiteurs avec une exposition d’artistes tous plus envoûtants les un(e)s que les autres.
Si le Festival international des jardins a débuté le 25 avril sur la thématique de la résilience, le Domaine de Chaumont-sur-Loire propose en parallèle comme d’habitude, depuis le 1er avril, une saison d’art. Au total, quinze styles et talents, dans ce cadre, se dévoilent. Certains patronymes sont connus à force par le public qui arpente régulièrement les allées du site régional, comme Pascal Convert, qui présente, après ces fameux livres de glace, de majestueux candélabres, d’une teinte blanche monochrome, sur la table de la salle à manger du château. “Leur silhouette est presque fantomatique, entre fête et célébration funéraire, “ commente la directrice des lieux, Chantal Colleu-Dumond. Hormis ces noms familiers, la rétrospective d’Alechinsky, connu pour sa passion pour le papier et l’imprimerie, son amour aussi de la peinture et de la littérature, est une jolie entrée en matière, avec 274 oeuvres (estampes, dessins, gravures, lithographies) datées de 1948 à 2020, avec ici et là, des bleus chromatiques incroyables, dans sa lithographie “Persistance,” ou encore le conte de Guillaume Apollinaire qu’il a (de son prénom Pierre) savamment illustré. Quelques pas plus loin, difficile de savoir par quel bout prendre le travail philosophique de Lee Ufan dans la tour du Roi, qui fascine, intrigue et permet même de se refléter dans un miroir posé sur le sol donnant une impression à la fois de vertige et d’infini avec un fil de vie qui imprime son trait, simplement au-dessus de la surface. Ne loupez pas non plus, dans et hors du château, au cours de votre visite, Stefan Râmniceanu et notamment ses tronches géantes emplies de tranches littéraires, les installations aériennes et à plumes de Claire Morgan, les collages-décollages d’Yves Zurtrassen, les pierres consistantes de Denis Monfleur, et celles plus précieuses de Vladimir Zbynovsky, les figure spectrales de Christian Lapie, les forêts très colorées de Fabrice Hyber, les brindilles et fleurs dorées de Sophie Blanc, les coeurs végétaux qui battent du regretté Bernard Schulze…
Lionel Sabatté à Chaumont, et à Chambord
En sortant du monument encore, direction les écuries, et les céramiques de Grégoire Scalabre. Celle sous l’auvent, en forme de boule-amphore aux pointes blanches et vertes, est un hommage à la Néréide Thétis, épouse du mortel roi Pelée, mère blessée par la fin tragique de son fils, Achille, entre métamorphose et renaissance. Dans le parc, changement d’ambiance avec une sorte d’hôtel pour martinets, oiseaux en voie de disparition, fruit de la force créatrice de Bob Verschueren suite à un défi que lui avait soumis Chantal Colleu-Dumond. Plutôt réussi ! Coup de coeur, enfin, dans le parc historique, pour notre rencontre avec le sympathique Lionel Sabatté qui aime créer de ses mains et s’intéresse à tout ce qui est vivant. Son impressionnante installation de plusieurs mètres de hauteur, à l’intérieur de laquelle chaque visiteur peut cheminer, mêle force et fragilité, ciment et filasse végétale. Cerise sur sa toile, outre Chaumont-sur-Loire, cet artiste exposera également, entre oeuvres de rêves et de réalités, au Domaine national de Chambord dès le mois de mai ! Et en ces temps tourmentés, Lionel Sabatté tombe à point nommé en offrant ce songe éveillé fort séduisant…
Émilie Rencien