Entre abîmes terrestres et extravagances positives, la 32e édition du Festival international des jardins divertit et interroge, comme à son habitude, les visiteurs dans un monde au climat changeant, via une vingtaine de créations végétales inédites qui déroulent un fil thématique « source de vie », depuis le 24 avril et jusqu’au 3 novembre.
L’an passé, à Chaumont-sur-Loire, il était question de balade au jardin résiliente. Les parcelles végétales étaient, selon notre point de vue, de fait assez sombres, monochromes, peu colorées, faisant la part belle notamment aux troncs d’arbres calcinés et aux eaux rouge sang. Cette fois, bien que la préoccupation principale reste l’environnement et le changement climatique, le thème s’attarde sur les sources de vie; le vivant en constitue le credo. L’ensemble jardinier, toujours aussi instructif, est ainsi plus lumineux et … vivifiant par conséquent. Voire davantage, au-delà des lignes emplies de sève. “Ce festival est esthétique, conceptuel, un mix végétal et intellectuel, avec beaucoup d’humour,” a commenté Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine régional. “Il pose également beaucoup de questions avec finesse et élégance.” L’événement multiplie, à l’instar des nouveaux jardins, les contradictions et paradoxes, démontrant que rien n’est manichéen. Que rien n’est forcément foutu. Avec poésie aussi, au fil des allées, les sources d’énergies vitales se déclinent au gré de pièces d’eau, de fleurs, de flore, de graines, d’hôtels à insectes, de cercles et spirales, d’auberges à papillons, de pollinisations, de renaissances autour d’une souche d’arbre, de laine de mouton à l’apparence de couverture neigeuse devenant paillage vertueux, d’oasis et de pergélisol, de plants cultivés et d’autres plus sauvages, de cité de demain… Le public découvre par exemple que la chute d’un arbre mort, colonisé par des insectes, des plantes, etc., est bien souvent génératrice de vies, contrairement aux idées reçues. Sans oublier des cartes vertes qui laissent libre courts aux pierres de tuffeau travaillées sous l’impulsion de la fondation Hermès, aux ceintures fléchées tissés par des canadien(ne)s
ou encore aux céramiques du toujours très vif architecte paysagiste, Bernard Lassus, du haut de ses 95 printemps, qui possède déjà dans les prés du Goualoup une oeuvre installée de façon pérenne. Et, puisque dans toute vie, il y a la mort, la carcasse d’un animal “monstre” non défini (tous les fantasmes peuvent de cette manière être possibles) s’est même échouée sur place. Tous les pans de la vie sont ainsi représentés. Un théâtre du rideau blanc en est également une parfaite illustration avec sur scène, au pays des hommes, des conifères acteurs de diverses tailles et morporphologies, tout comme son sol foulé qui craque sous les pieds, entre forme saline et aspect de grêle hivernale, fait sourire en faisant songer que décidément, il n’existe plus de saison !
Des fenêtres de possibilités autour du vivant
À Chaumont, les jardins, conçus cette année 2024 par des agronomes, artistes, architectes, paysagistes, horticulteurs, ingénieurs, designers, étudiants du monde entier (France et école du paysage de Blois, Suisse, Singapour, Italie, Belgique, Pays-Bas, États-Unis, Corée du Sud…), deviennent alors des sites idéaux de connaissances sur toutes les sources de vie, et les regards s’inversent ainsi de temps à autre pour sensibiliser sur une planète dont la vitalité est, elle, en danger. Invitant chacun(e) à prendre conscience que pour ne pas péricliter, chaque être doit effectuer sa part de salut. Pour terminer de manière ludique, après avoir appris et compris un certain nombre de choses, la promenade peut se conclure dans le jardin dit de la déclaration, créé ici par les équipes de jardiniers du Domaine, pour celles et ceux qui veulent immortaliser en photo leur amour, un pur moment de source de vie “Instalove” ! En résumé, le Domaine de Chaumont-sur-Loire parvient, comme chaque édition, à se renouveler sans lasser, à ouvrir des horizons et portes qu’on aurait pu penser totalement obstrués, et autant de fenêtres de possibilités autour du vivant. Sa méthode de culture sait, à chaque édition de semis artistique et culturel, créer des ponts continus entre l’homme et la nature, qui n’ont plus ensuite qu’à mieux déployer leurs ailes de félicité.
É.R.
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