La saison d’art contemporain devait s’élancer ce mois-ci dans l’enceinte du Domaine régional, mais un troisième confinement aura imposé un tempo moins enlevé. Le château restera vide de visiteurs dans l’immédiat, renfermant cette année encore des oeuvres aussi éclectiques qu’ébouriffantes. Teasing, en patientant donc.
Comme nous tous et toutes, Chaumont broie du noir en silence. Seuls les chats qui vivent sur le Domaine naviguent les moustaches en liberté. Même sa directrice Chantal Colleu-Dumond, d’ordinaire vêtue de coloris vifs à la hauteur de la flamboyance des expressions artistiques régulièrement accueillies à Chaumont, arbore des habits de teinte ébène, face aux mauvaises nouvelles depuis l’an dernier. “Nous espérions ouvrir avec l’art mi-mars, puis le 22 avril. Une nouvelle fois, nous croisons les doigts pour réouvrir le 2 mai, voire le 1er,” confie-t-elle. “Nous prévoyons de plus l’inauguration de notre nouvelle édition du festival international des jardins début mai. Heureusement, notre chance veut que nos expositions s’étendent et sont visibles jusqu’en novembre.” Passé ce moment de blues, place à l’émerveillement car il ne faut pas pour autant se laisser abattre. Tant qu’il y a de la vie et des bouffées d’art, l’espoir est permis ! Au château, dans le parc, dans les salles, granges et écuries de Chaumont, les oeuvres sont en place, et la presse a eu le privilège de pouvoir les découvrir en avant-première début avril, lors d’une visite privée en compagnie d’élus dont le président du Conseil régional, François Bonneau. Coup de foudre pour les toiles de Paul Rebeyrolle, si criantes de vie, de couleurs et de matières, qu’elles contrastent parfaitement avec l’actualité immédiate à l’arrêt. Une branche et des graviers ici, un champignon et de la terre là, un animal reproduit et des plumes en contrebas, quatre saisons symbolisées plus haut, etc. Il paraît que le sculpteur expressionniste disparu en 2005 était révolté. Face à ces matériaux figés, nous y percevons plutôt une puissante fureur de vivre; une humanité et animalité crues, nues, transformant un brin de végétal en vivant palpitant à portée d’oeil, qui frappe et attrape le visiteur sans agression mais aussi sans concession dès le premier regard qu’il est impossible de détourner !
Tête dans des nuages d’avenir
Autre incontournable, il conviendra de ne pas manquer les créations de verre du plasticien Pascal Convert; une chambre d’enfant cristallisée, sans omettre ses trois personnages aux yeux fermés gravés sur un impressionnant et déroutant panneau de verre qui fait tourner les têtes au sens propre comme figuré lorsque vous tournez autour. Que dire sinon des lianes en céramique poétiques de Safia Hijos, des fils arachnéens de Chiharu Shiota, des arborescences de fils et de plumes de Carole Solvay formant arbre à palabre et corail d’un genre inédit. Sans oublier la subtilité et sensibilité des dessins oniriques et philosophiques de Fabien Mérelle. Après une tête dans les nuages quasiment Parnassiens de François Réau. En somme, à Chaumont, le ciel bien qu’assombri s’avère prometteur d’éclaircies, d’avenir ! Et davantage de trésors supplémentaires à découvrir à l’envi, dès que possible; le plus vite possible. Ils et elles (des “anges, géants, et revenants” selon Chantal Colleu-Dumond) n’attendent plus que vous… et le feu vert de Manu, enfin surtout du virus…
Émilie Rencien