Mardi 19 juin 2013, Le Petit Berrichon a rencontré François Claude, Directeur d’Equinoxe, lieu culturel situé au cœur de Châteauroux inauguré en 1994 et qui bénéficie depuis 2000 du label Scène Nationale.
Le petit Berrichon : François Claude, pouvez-vous présenter à nos lecteurs votre parcours, jusqu’à votre arrivée à Châteauroux en 1993 ?
François Claude : Originaire du Nord, j’ai pratiqué dès le lycée le théâtre en amateur et le mime. Après le bac, j’ai fait deux années de Droit, avec comme objectif d’être juge pour enfants, mais je suis finalement entré à l’École Normale. Au bout d’une année, j’ai démissionné car il y avait toujours ce virus du théâtre qui me tenait. J’ai alors intégré la Compagnie de l’Oiseau-Mouche, qui venait d’être créée et dont le projet était de former des personnes en situation de handicap mental au métier de comédien. Aujourd’hui, la Compagnie de l’Oiseau-Mouche existe toujours à Roubaix et s’est fortement développée avec une salle de spectacle et deux restaurants d’insertion qui ont pignon sur rue. Après trois années passées au sein de cette structure devenue en 1981 le premier Centre d’Aide par le Travail artistique de France, j’ai travaillé dans plusieurs Scènes Nationales autour de Lille, puis j’ai eu envie d’aller travailler ailleurs pour me prouver que…Je suis ainsi arrivé à Evry, dont la Scène Nationale présente la particularité d’être située dans un centre commercial, avec donc un un télescopage très curieux entre le monde de la consommation de masse et des exigences culturelles. Ensuite, je suis retourné dans le Nord, pour travailler notamment à Lille au Centre Dramatique National pour l’enfance et la jeunesse, ou encore au Ballatum théâtre.
En 1993, j’arrive à Châteauroux, en milieu semi-rural, en sachant que j’allais sans doute être plus utile à Châteauroux qu’à Lille, où l’offre culturelle était déjà abondante.
LPB : Diriger une Scène Nationale, c’est assurer la promotion et la diffusion de spectacles vivants, c’est aussi encourager la création artistique contemporaine. Quelles sont, dans ce domaine, vos priorités ?
F. C. : On ne perd jamais de vue que l’objectif d’une Scène Nationale, c’est mettre le pied à l’étrier à de jeunes auteurs, à de jeunes compagnies, à des écritures d’aujourd’hui et donc au patrimoine de demain. Si on était dans une entreprise privée, on parlerait de recherche-développement. Dans les arts de la piste par exemple, on arrive aujourd’hui à produire des chefs d’œuvres sur 1 heure, 1 heure 30 de spectacle, devant un public émerveillé. Notre mission, c’est donc d’inclure dans chaque saison culturelle, des productions contemporaines à côté de spectacles plus classiques. Dans la saison culturelle 2013/2014, on oscillera ainsi entre des textes classiques, comme « La Mouette », d’Anton Tchekhov programmée à Équinoxe en janvier 2014 , et des textes très sociétaux, comme « Invisibles », pièce écrite et mise en scène par Nasser Djemaï, présentée à Châteauroux en décembre prochain : le témoignage de « travailleurs immigrés, écartelés entre les deux rives de la Méditerranée, qui ont vieilli ici, en France et qui sont devenus des fantômes ». Ou encore entre l’humour, avec « La fin du Monde est pour Dimanche », écrit par François Morel, spectacle présenté en mars 2014, et « Lendemains de fête », programmé en janvier 2014, un spectacle de théâtre où l’on traite de l’amour au sein d’un couple dont le mari ressent les premières manifestations de la maladie d’Alzheimer : deux acteurs prodigieux sont sur scène, entourés de quatre circassiens et d’une chorale d’amateurs, une très belle métaphore entre deux corps flétris et quatre jeunes corps pleins de vie. Voilà un spectacle qui me fascine car on est dans le croisement des disciplines : théâtre, art de la piste et chant choral classique.
LPB : La saison culturelle 2012 / 2013 d’Équinoxe a été une saison record en termes de fréquentation. Cela doit être une satisfaction pour vous ?
F. C. : Oui, c’est vrai que nous avons vendu plus de 35 200 billets en 2012 et atteint 2250 abonnés sur la saison 2012/2013. C’est donc une grande satisfaction. Mais au delà des chiffres, j’attache beaucoup d’importance au public. Car notre rôle, c’est également d’éduquer le regard du spectateur et pour cela, il faut absolument prendre la main du nourrisson et ne plus la lâcher jusqu’au CM2 afin de le familiariser avec la sortie au théâtre. Ne plus la lâcher non plus au Collège, ni au lycée, mais là, nous avons la chance de bénéficier de dispositifs institutionnels qui facilitent la rencontre des jeunes avec le spectacle vivant : ainsi l’opération « Collégiens au théâtre », menée par le Conseil Général de l’Indre et qui permet à des élèves des collèges du département de venir assister gratuitement à des spectacles diversifiés de théâtre, danse, art de la piste,…Je pense aussi aux dispositifs proposés par la Région Centre, telle que l’opération « Lycéens et théatre contemporain », ou encore le chéquier CLARC, à destination des lycéens et apprentis. L’action culturelle, la pédagogie, le fait d’aller parler aux élèves des collèges de Saint Gaultier ou de Sainte Sévère a autant d’importance que le choix d’un spectacle, l’un ne va pas sans l’autre.
Propos recueillis par Sophie Krupa