Jean-Claude Mailly en personne avait fait le déplacement de Châteauroux pour l’inauguration du nouveau local de Force Ouvrière dans la Maison des Syndicats.
Florent Garcia, secrétaire fédérale de Force Ouvrière depuis octobre dernier, avait invité Gil Avérous, maire de Châteauroux, mais pas son prédécesseur, le sénateur Mayet, ni ses voisins de la CGT et de la CFDT pour inaugurer les nouveaux locaux de son syndicat à Beaulieu, la cité de Châteauroux où est installée la Maison des Syndicats. Le maire de Câteauroux avait répondu à l’invitation et passa un long moment avec Jean-Claude Mailly. Le secrétaire national de FO cédera son poste à Pascal Pavageau, fin avril , lors du conseil national de Force Ouvrière, mais il avait tenu à répondre à l’invitation de ses camarades pour une inauguration pas vraiment comme les autres.
Quatorze ans de bataille juridique
« On paie nos charges, les fluides, l’entretien des locaux et les ordures, mais on ne paie pas de loyer, énumère Florent Garçia. Nous bénéficions de bureaux vastes, neufs, confortable alors que nous occupions un local qui menaçait ruine. Nous, nous avons toujours payé les charges pour nos locaux. Alors, lorsque Gil Avérous nous a proposé cette solution, comment vouliez-vous que nous refusions sa proposition. »
En cette fin d’hiver 2018 Force Ouvrière a donc rejoint ses confrères des autres grandes centales à la maison des Syndicats… comme en rêvait Jean-François Mayet en 2003. La différence c’est que le maire de l’époque n’entendait pas agrandir les locaux, mais estimait que la CGT devait faire de la place pour les nouveaux venus. Il imposait aussi le paiement d’un loyer aux syndicats, jugeant que la ville n’avait pas à loger des syndicats départementaux. Une position idéologique qui heurtait de front celle de la CGT qui entendait ne rien payer du tout, forte du privilège octroyé par la municipalité de Jean-Yves Gateaud.
Ils sont installés dans un ancien hangar qui prolonge la Maison des Syndicats, joliment réaménagé et certainement beaucoup mieux isolé que la maison, élégante certes, mais sérieusement défraîchie et carrément dangereuse de la rue Porte Neuve. La réhabilitation du nouveau bâtiment a été financée à 75% par la Région et à 25% par la ville de Châteauroux. « C’est Dominique Roullet, se félicite Kaltoum Ben Mansour – qui représentait la Région à cette inauguration – qui a débloqué la situation en proposant ce mode de financement.
Est-ce que l’arrivée de FO va provoquer un débloquage par rapport à la CGT et la CFDT ? Gil Avérous ne fait pas de pari sur l’avenir. Il a en tout cas pris conscience que la négociation avait débloqué une situation qu’aucune décision de justice n‘avait pu régler et a annoncé qu’il ne serait pas plus réclamé de loyer à la CGT et à la CFDT qu’il n’en réclame à FO.
Florent Garcia n’a pas le sentiment de briser un quelconque front syndical en signant une convention d’occupation avec la ville. « En ce qui nous concerne le différend ne portait que sur le paiement d’un loyer que voulait nous imposer monsieur Mayet. Mais il nous fallait absolument un local sinon nous nous retrouvions à la rue. Nous n’avons rien pris à personne. Ce que nous constatons en tous cas c’est que le nombre de participants à nos sessions de formation a sensiblement augmenté à présent que nous sommes décemment installés. »
Pierre Belsoeur
Retour en cour d’appel
Depuis 2004 les procédures se sont multipliées à l’initiative de la ville de Châteauroux et des syndicats. Ces derniers ont perdu la première manche, devant le tribunal de grande instance de Châteauroux, mais la cour d’appel de Bourges leur a donné raison. Un arrêt cassé par la cour de cassation qui renvoyait l’affaire devant la cour d’appel d’Orléans. Cette fois c’est la ville qui obtenait satisfaction, les juges orléanais condamnant la CGT et la CFDT à payer leurs loyers et les arriérés de charges. Une décision cassée une nouvelle fois par la Cour de cassation. Le 25 mars 2016 la cour d’appel de Paris confirmait l’arrêt d’Orléans mais les avocats des syndicats trouvaient une nouvelle faille dans cet arrêt et leur recours débouchait sur un nouvel arrêt favorable de la Cour de cassation en septembre 2017.
On en est là, depuis 2003 la ville a eu le temps de changer de maire et lors de son installation Gil Avérous espérait bien arracher cette épine du pied de la municipalité, mais ni les tentatives d’ouverture, ni les mesures coercitives (coupures de l’alimentation électrique de la Maison des Syndicats) n’ont fait fléchir les responsables de la CGT et de la CFDT qui jouent gros dans cette affaire, l’addition s’alourdit mois après mois s’ils sont condamnés un jour à régler la note. Par ailleurs, si la mairie obtient finalement satisfaction, cette décision risque de faire jurisprudence.
Le maire de Châteauroux a donc entrouvert la porte en annonçant qu’il ne réclamerait pas de loyers, contrairement à ce que revendiquait Jean-François Mayet. Est-ce que les syndicalistes considéreront que la négociation sera la meilleure voie pour sortir de l’impasse ou prendront le risque d’attendre une décision de justice qui leur soit favorable ? En cas de troisième d’arrêt de cour d’appel favorable à la Ville, l’affaire ira sans doute devant la cour européenne des droit de l’Homme. Reste à savoir si ce nouveau recours interrompt l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel. On n’a pas fini de parler de la Maison des Syndicats.
P.B.