« Le château de Chambord nous appartient » n’est pas une simple formule en l’air, ce monument fait partie intégrante du patrimoine national. Et l’entretenir, l’embellir, comme ce fut le cas ces derniers mois, grâce en soit rendue à Jean d’Haussonville, coûte de l’argent à l’Etat, c’est-à-dire aux contribuables français. Comment admettre qu’une société américaine, fabricant une liqueur à Cour-Cheverny, exportée à 90 %, puisse s’opposer à une appellation « Clos Chambord » d’un vin élevé sur place ?
La marque « Château de Chambord » (lire encadré) a été développée pour préserver le patrimoine immatériel – nom et image – de Chambord et justement pour dégager de nouvelles ressources financières. L’art de vivre à la française est un fait reconnu, il a été inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco il y a peu. L’association Château et art de vivre doit booster la commercialisation de produits, en magasin et sur le net, à travers des articles de grande consommation, comme le vin par exemple. Ce qui permet de donner de la visibilité au domaine de Chambord et d’impliquer le consommateur dans la protection et l’entretien du patrimoine national. Chaque euro perçu par Chambord sur une vente d’objets frappés de la marque « Château de Chambord » est un euro réinvesti dans des chantiers de restauration et d’accueil des publics.
Et, sorti tout droit de Wall-Street, un industriel américain, Brown-Forman pour ne pas le nommer, géant des alcools, propriétaire de la liqueur royale de Chambord (lire l’encadré), arguant l’antériorité, veut nous interdire cette appellation cultivée et vinifiée au château par un grand monsieur du vin : Henri Marionnet. Est-ce vraiment sérieux ? Ou est-ce une « trumperie » supplémentaire ?
Tout juste débouté de sa requête contre Kroenenbourg, qui avait utilisé, sans accord, un cliché du château pour promouvoir son breuvage, le domaine de Chambord est attaqué par Brown-Forman, qui lui conteste le droit d’utiliser la marque Chambord sur ses futures bouteilles de vin. Il ne devrait même pas y avoir de nouveau combat judiciaire, sous peine de voir François 1er et Léonard de Vinci se retourner dans leurs tombes. La France devrait passer outre l’assignation devant le tribunal de grande instance de Paris par cet Américain.
Étiquetter « Chambord » sur des bouteilles d’un vin produit sur les terres même du château semble d’une logique et d’un droit implacable. Il y a trois ans, pour créer des recettes destinées à l’entretien du château, Jean d’Haussonville a décidé de planter des vignes dans la pure tradition de François Ier (lire le Petit Solognot N° 683) : « Est-il imaginable qu’une liqueur, – si bonne soit-elle -, nous empêche d’utiliser la marque du patrimoine national pour nos propres productions », s’insurge le directeur du domaine, qui a fait replanter des ceps de vigne en 2015 dont le fameux Romorantin, cépage unique en France. « Le combat de Chambord est un combat pour toute la France, dans le monde entier, n’importe quelle entreprise peut prendre un grand nom du patrimoine français et l’exploiter ? Voulons-nous que les autres exploitent à notre place ce qui fait la signature de notre pays ? »
La conception d’un chai a été confié à l’architecte Jean-Michel Wilmotte, dont la mise en service est prévue en 2019 comme les premières dégustations. Rien, ni personne, ne doit pouvoir empêcher cela.
Un amendement Chambord a été intégré à la loi sur le patrimoine en juillet 2016 qui précise que les monuments ont des prérogatives renforcées en matière de protection de marques, sans limite de temps et sur tous supports. Alors pourquoi Chambord n’aurait-il pas des royalties sur l’utilisation de cette marque, puisque ces produits jouissent de l’image ?
En attendant un éventuel jugement, ou un accord négocié, le premier millésime sera vendangé l’automne prochain à Chambord. Il devrait porter les marques Clos Chambord, ou IGP Chambord.
Plutôt que de philosopher sur la bonne façon de nommer une viennoiserie à base de chocolat en s’étripant sur les mots chocolatine (pays d’oc) et pain au chocolat (pays d’oil) nos responsables politiques devraient illico presto brandir cette nouvelle loi ou plus simplement renvoyer dans les cordes ce magnat américain en lui signalant qu’ici c’est Chambord… et c’est chez nous.
Questions : Si un Brown-Forman quelconque met la Tour Eiffel sur un emballage de Burger, comment devra-t-on appeler notre symbolique monument métallique ? Et Stéphane Bern, monsieur patrimoine, va-t-il intervenir ?
Gérard Bardon
Chambord liqueur royale de France
La Liqueur de Chambord est une liqueur de framboise faite dans la vallée de la Loire. Elle est composée de framboises rouges et de mûres, lui donnant une couleur pourpre foncée, de miel, de vanille malgache et de Cognac.
Cette liqueur est exporte à 90 %, en premier vers les Etats-Unis, puis la Grande-Bretagne et l’Australie. « Le site Internet laisse croire que la production a lieu à Chambord, ce qui est faux », a tenu à préciser Jean d’Haussonville. Du côté de Brown-Forman, la direction précise que la propriété de la marque est dûment constituée « depuis de nombreuses années ». La petite distillerie et sa marque ayant été acquise en 2001.
La marque « Château de Chambord »
La marque « Château de Chambord », a été déposée à l’INPI en 2011 avec pour objectif de préserver le patrimoine immatériel de Chambord (nom et image) et d’exploiter les ressources naturelles du domaine. En effet, de nombreuses entreprises dans le monde utilisent son nom et son image pour promouvoir leurs produits les plus divers, la plupart du temps sans autorisation ni lien de cohérence avec l’histoire du site et l’image culturelle qu’elle évoque.
La marque Chambord possède déjà un caractère distinctif très élevé en raison de son ancienneté historique (cinq siècles), de sa notoriété auprès du public national et international et de l’image du monument. Son exploitation permet de dégager des revenus additionnels qui participent à la réalisation de l’objectif que le domaine s’est fixé en matière d’autofinancement (100 % en 2019), qui atteint à ce jour 85,7 % sur le fonctionnement de l’établissement.