EVENEMENT Les vignerons sont à pied d’œuvre ici et là, en ce mois de septembre. Le monument historique se joint cette année à l’effervescence viticole.
Emilie Rencien
Impossible de ne pas se souvenir des vignes royales replantées il y a trois ans dans les environs de la ferme de l’Ormetrou, à quelques pas du monument historique que l’on aperçoit depuis cet endroit, sous les flashs des photographes, avec des élus les mains dans la terre pour la postérité. Parmi les cépages oubliés sous le feu des projecteurs, quatre hectares de Romorantin issus de plants pré-phylloxériques issus du Domaine Marionnet à Soings-en-Sologne, de l’Arbois ou menu Pinot, ainsi que du Pinot noir et du Gamay pour faire du Cheverny en assemblage, et enfin du Sauvignon. Puis en 2016, on aura trinqué et posé des plaques dorées dans ces mêmes vignes renaissantes en compagnie d’un bus de ministres européens accompagnant le ministre français de l’agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, dans le cadre d’un séminaire sur la réforme de la PAC. Après le passage de tout ce petit monde, deux ans plus tard, les raisins peuvent enfin être prélevés et la récolte a débuté lundi 10 septembre pour une dizaine de jours. Les premières bouteilles seront commercialisées en mars 2019, tombant à point nommé pour marquer l’anniversaire de la Renaissance et les 500 bougies de la sortie de terre de Chambord que s’apprêtent à souffler le département et la région Centre-Val de Loire.
Patience pour la dégustation
Pour la petite histoire, entre 1518 et 1519, François Ier avait fait venir en Val de Loire, depuis Beaune en Bourgogne, 80 000 pieds d’un cépage qui prit ensuite le nom de Romorantin et qui subsiste uniquement en appellation Cour-Cheverny. Il est même attesté qu’au XVIIIe siècle, le château possédait une vigne d’au moins six hectares, qui devait s’étendre jusqu’à 36 hectares mais qui disparut le siècle suivant à cause du phylloxera, comme ce fut le cas pour de très grandes autres surfaces de vignes en France. En 2018, Chambord renoue donc avec son prestigieux passé avec ce premier cru d’exception qui s’annonce… en quantité limitée. Oui, car si le prix du précieux élixir est annoncé « raisonnable », il est bien compliqué dans l’immédiat de donner un nombre de contenants disponibles. Les raisins noirs sur les ceps sont sucrés mais petits, moult caprices de la météo oblige. La qualité devrait toutefois être au rendez-vous, la vendange choisie étant manuelle. «Sècheresse en 2015, gelées tardives lors du printemps 2016, inondations suivies de gelées tardives au printemps 2017… Les raisins auraient dû être plus beaux. Les pieds ont souffert, le Pinot par exemple,» énumère Pascal Thévard, responsable de l’exploitation viticole, directeur des bâtiments et jardins, chapeau de paille vissé sur la tête, sous un soleil de plomb. «Ce sont des premières vendanges depuis 200 ans, une première production, nous allons bien voir. » Réponse dans le verre, incessamment sous peu. La dizaine de vendangeurs (agents du château, volontaires, Woofeurs) s’affaire actuellement de 8h à 12h et de 13h à 16h, sécateur en main, une caisse estampillée « Chambord » à côté d’eux, pour relever le défi de satisfaire les palais. Des bâtiments ont été assignés du côté de la ferme de l’Ormetrou, avant un chai digne de ce nom. Un pressoir a été acquis, des cuves ont été louées. « C’est une belle expérience, nous contribuons à la première cuvée,» confient Sandra et Valérie, deux agents du Domaine, concentrées, accroupies au pied des vignes. «Cela crée du lien aussi, nous discutons, nous n’avons pas toujours l’occasion d’échanger et de nous connaître tous et toutes pendant le travail. » Pendant ce temps-là, un hélicoptère se posait à proximité du château de feu François Ier, Thomas Hollande qui s’est marié en Corrèze le weekend du 8 septembre, venant en voyage de noces dans le gîte précédemment loué par le président de la République, Emmanuel Macron… ? Le mystère reste entier. En attendant, « boire du vin, c’est boire du génie, » selon Baudelaire, alors par avance, santé !