« Pour que nos apprenti(e)s ne deviennent pas une marchandise en Centre-Val de Loire ! ». « Pour qu’on mesure le drame qui se joue dans la désertification des centres-villes ! » Le président de la Chambre de métiers et de l’artisanat (CMA) de Loir-et-Cher tape du poing sur la table à Blois.
L’apprentissage, tout le monde reconnaît qu’il s’agit d’une voie d’excellence, du CAP au niveau d’ingénieur, mais entre les belles paroles et l’action, il y a parfois du grain à moudre et une lourde machine à bouger de son socle bien ancré. On se souvient de Bernard Cazeneuve, Premier ministre de l’époque, accueilli en janvier 2017, pour inaugurer l’extension du CFA BTP de Blois. L’intéressé avait religieusement écouté les plaintes des élèves et des professeurs relevant certaines aberrations du système, tout en prenant note des difficultés rencontrées… et sans que rien ne change. Un an plus tard, le gouvernement d’Edouard Philippe semble vouloir faire se déplacer enfin les lignes, oui mais… Dans le vent de cette réforme, le Medef souhaite devenir le seul et unique pilote de l’apprentissage partout en France, voulant voir cesser le droit de veto régional quant à l’ouverture des centres de formation des apprentis. Ce qui n’est pas pour plaire à tout le monde. A Blois, Stéphane Buret, président de la CMA 41, s’inquiète et s’insurge. « Nous ne sommes pas contre le fait de réformer, c’est nécessaire mais il ne faut pas opérer n’importe comment ! » explique ce dernier. « Ce n’est pas un problème politique car tous les conseils régionaux, qu’ils soient de droite ou de gauche, sont unanimes. Nous ne pouvons accepter que l’avenir de nos jeunes soit demain le fruit d’une marchandisation des grandes branches nationales. Chez nous, la Région Centre-Val de Loire a prouvé son efficacité en matière de gestion et de financement ; elle tient bien sa place, elle fait correctement son travail en la matière. Le financement des CFA est quelque chose de très technique. Et surtout, la Région connaît parfaitement son territoire. Si demain, le Medef est aux commandes, quid des petites spécialités de métiers ? Des secteurs entiers tels que les métiers de bouche, ceux du bâtiment, les métiers rares (horlogerie, maroquinerie, joaillerie, ébénisterie…) ou encore ceux de l’agriculture, n’auraient plus les moyens de former des jeunes et ce sont autant de savoir-faire qui disparaîtraient. Or, ce sont de formidables leviers d’emploi ; l’apprentissage est une voie d’excellence pour relancer l’économie. Et Emmanuel Macron est le premier président de la République à en parler. Donc oui à la réforme, mais pas de cette manière, voyons. Nous ne sommes pas contre le fait de réformer mais il faut garder ce qui fonctionne ! »
Conséquences en cascade, à prévoir
Des compromis seraient en cours de tractation, en coulisses, entre Medef et régions. En attendant, une table ronde a déjà eu lieu à Tours en présence notamment du président du conseil régional, François Bonneau, et une autre est annoncée le 23 février à partir de 15 heures à Blois dans les locaux de la CMA 41, en compagnie du député Marc Fesneau. « La pétition en ligne attire les signatures. Nous croyons au dialogue, nous devons nous faire entendre avant le vote de la loi en juin, » martèle Stéphane Buret. « Nous voulons garder la Région dans son rôle auprès des CFA ! » Ce d’autant plus, qu’à terme, le projet de sortie de terre d’un nouveau CFA interprofessionnel à Blois pour la rentrée 2 022 serait directement impactée par cette nouvelle donne, l’aspect formation dépendant encore une fois de cette même Région. « L’appel d’offres est lancé, même s’il nous manque encore un million d’euro pour boucler le budget mais c’est le dossier de mon mandat que je défendrai coûte que coûte avec mon équipe, » insiste encore le président. « Cela me tient à coeur. Nous gagnons chaque année des indices de vétusté, il est temps d’agir pour continuer d’accueillir les élèves dans de bonnes conditions. » Il répète. « Conservons par contre ce qui fonctionne et qui a déjà fait ses preuves. »
Inquiétudes autour du dimanche aussi
Autre sujet, autre angoisse : tout le monde ou presque a parlé du fait qu’une grande surface de l’agglomération blésoise a décidé d’ouvrir tous les dimanches ses rayons alimentation, d’autres se demandent déjà s’ils ne feront pas de même. Stéphane Buret monte là aussi au créneau en rappelant qu’il s’agit « d’un débat de société ». Il précise que « c’est en tout cas une mauvaise réponse » car selon lui, « l’ouverture d’une grande surface a toujours eu un impact négatif sur les commerces à proximité. A chiffre d’affaires égal, l’artisanat et le commerce de proximité créent 3 fois plus d’emplois. Changement de mode de consommation ? Cette ouverture ne répond pas à une demande non satisfaite puisque les consommateurs ont la possibilité de se rendre chez leurs commençants et artisans de proximité, en boutique ou sur les marchés, pour faire leurs courses alimentaires. Il est temps de prendre toute la mesure du drame qui se joue dans la désertification des centres-villes. Alors que se mettent en place des plans d’action, certains proposent de continuer à détruire les emplois et les services de centre-ville pour créer des jobs d’étudiants à temps partiel… » Pot de fer contre pot de terre ?
Emilie Rencien