Cathé, cathé, cathédrale…


« Il est foutu le temps des cathédrales. La foule des barbares est aux portes de la ville. Laissez entrer ces païens, ces vandales. La fin de ce monde est prévue pour l’an deux mille… » Bruno Pelletier l’a chanté avant que ne s’écroule la flèche de Viollet le Duc, très longtemps avant que « la forêt »* embrasée ne se soit totalement écroulée dans la nef ?

Doit-on pour autant  attribuer au Québecois l’incendie de Notre-Dame de Paris ? Doit-on attribuer la mise à feu à des Black Blocs hirsutes infiltrés dans une foule de gilets jaunes, grimpés dans les échafaudages ? Doit-on avoir en tête l’intervention de la DGSE dans le port d’Auckland et le lier au discours attendu de Not’Manu de président ? Ce sont ces questions, ou sensiblement les mêmes, que les réseaux anti-sociaux ont posé, et étalé, sur les écrans au lendemain de l’incendie spectaculaire du monument parisien. Et le bon peuple, si mécréant habituellement, de se retrouver une âme de bon chrétien. Et le bon patronat de retrouver son âme de protecteur des arts et des lustres, pardon, je voulais dire des lettres. Et les athées, les non croyants, les agnostiques, les païens, les hérétiques, les incrédules, les impies, les sceptiques, et tous les autres, de pleurer sur les marches de Pierre, Paul, Jacques. Tous de se rejoindre pour parler de ce grand malheur… pour l’architecture seulement ! Pour la religion, c’est une autre affaire. L’histoire est emplie de cathédrales qui sont bâties, s’écroulent, et sont reconstruites. Les plans sont parfois différents mais les voies du Seigneur sont impénétrables et les églises interchangeables. Les mêmes gens sont pourtant aussi réticents à des fouilles préventives sur un chantier d’autoroute, un parking, un supermarché. Du temps de perdu… Ne pas effacer son passé c’est cependant se donner un avenir. Ou alors faisons table rase de ces anciens temps à la manière d’un technocrate macronien face à la politique de la Ve République. La République est un concept qui peut, si on le désire, revenir à son état originel (soit dit en passant, nous n’en prenons pas le chemin le plus direct). Pas un bâtiment historique.

Au-delà de l’aspect cultuel, l’incendie de Notre-Dame met l’accent sur un sujet de réflexion plus profond. ND, ce sont des pierres façonnée voilà huit cent ans, même si le bâtiment n’est redevenu important que voici un peu plus de deux siècles seulement. Il faut avoir le QI d’une huître perlière, voire d’un bulot, pour ne pas reconnaître que ND est autre chose qu’une cathédrale pour cathos, intégristes ou pas. Des voix se sont élevées pour fustiger les mannes financières qui sont tombées du ciel comme une pluie de printemps. Il est vrai que le ruissellement attendu après la suppression de l’ISF n’était pas celui-là. Certes… Le débat est exactement identique entre les pendants d’un budget plus conséquent dans le domaine de la culture, ou de l’éducation, que dans celui de la défense ! À chacun ses choix, selon son niveau de réflexion. Force est de constater que plus un peuple est cultivé, plus il a une ouverture d’esprit sur le monde et connaît son histoire, moins il est enclin à faire la guerre… ou alors c’est qu’on est venu lui causer des soucis directement sur son palier !

Quand se multiplie les autodafés dans les bibliothèques et que l’on brûle des livres, c’est la culture que l’on brûle ouvertement. Quand une cathédrale s’embrase c’est aussi un pan de cette même culture qui risque de s’effondrer.

Est-ce que tu le sais ? Comme dirait le Dick, celui de Nice baie des anges – à quelque chose malheur est bon – Notre-Dame qui brûle et ce sont les ventes des livres de Victor Hugo qui s’enballent. Comme quoi, en une seule nuit, pas mal de monde a, semble-t-il, appris à lire… Si en plus, ces nouveaux lecteurs là comprenaient ce qu’ils auront  lu, « la forêt » ne serait pas morte pour rien !

*La forêt c’est l’appellation généralement donnée à la charpente de Notre-Dame.