« Je t’écris, c’est moi… J’ai dessiné ton nom et ton adresse. Là, sur le côté ça fait comme une promesse…» La mélodie Juliette Armanet-Julien Doré résonne dans la salle à côté, réveillant notre côté romantique, pendant que fume le café posé devant nous sur la table du restaurant dans lequel nous venons de nous réfugier. La pluie tombe dru en écho avec les éclairs zébrant le ciel, le vent retourne les parapluies des passants à la fois bronzés et trempés jusqu’à l’os. La météo semble sonner l’heure qui indique qu’est venu le moment de reprendre ses valises pour replonger non pas dans la Méditerranée mais dans le bain du train-train quotidien. Avant le départ, au moment de s’adonner à un exercice peut-être désuet mais empli de charme suranné, – celui de rédiger les dernières cartes postales,- les questions angoissantes s’esquissent déjà : à quelle rentrée s’attendre après un été tout feu tout flamme ? Quasiment au rythme des vagues balayant incessamment la plage, le flot des mauvaises nouvelles n’a pas cessé pendant les congés, entre deux nuages gris d’incendies, de rodéos urbains, d’inflation, de polémique d’homme enceint, de pétition contre la chasse en période de sécheresse, d’Aymeric Caron contre la corrida et de Salman Rushdie poignardé. À croire qu’il ne se passe vraiment rien de positif dans ce monde, le mode drama queen s’avérant plus prolifique en termes d’audience. Cependant, nous avons une chance dans ce trou noir, c’est que cela a stoppé la plume chiffrée trempée dans l’encrier Covid. N’en doutons pas néanmoins, le babillage sanitaire reviendra à nouveau, tel un marronnier dans les news en continu avec l’arrivée de la rentrée, des cahiers d’écoliers et des feuilles mortes qui vont commencer à tomber. Alors, bien que de retour à la rédaction, pour prolonger le parfum d’été et redémarrer en douceur, restons un temps suspendu la tête dans nos heureux souvenirs de vacances. Car oui, la joie existe encore ! Notre esprit vagabonde et il nous reste une carte postale à terminer, habillée d’un des derniers timbres de couleur rouge imprimés par la Poste qui lui préfèrera en 2023 l’e-lettre. Notre stylo noircit l’espace cartonné : « Ici il fait très chaud. Nous mangeons bien, nous dormons bien. Nous allons nous baigner tous les jours. Les goélands ont parfois des aiguillages de vols surprenants, nous manquant de peu, surtout si nous avons de la nourriture en main, mais ils sont si cute ! Sinon, nous sommes donc bien arrivés. Enfin, nous avons encore connu quelques footings contraints et offerts par le train. Notre chef de bord, Stéphane selon sa présentation, a donné de sa personne pour le mea culpa : «Le train numéro X va partir avec dix minutes de retard. La SNCF vous prie de l’excuser pour ce désagrément. Croyez-le bien… Moi-même, je suis déçu de ce retard lors de la préparation du train. » Comme quoi, le monde déraille mais l’humour n’est pas en voie de disparition ! Nous avons également ri aux éclats avec la jeune génération. Toujours sur les rails et dans le wagon, puits d’étude sociologique des rapports humains en vase clos, nous avons croisé deux lycéens, embarqués à Marseille, qui avaient créé leurs propres repères. «Impossible de manquer notre descente à Saint-Raphaël, expliquait le premier au second, c’est à ce moment-là tu verras, que tous les riches descendent. » Embrayant, le second rétorquait au premier. «Faut vraiment pas qu’on loupe. Ma copine veut que je lui rapporte un souvenir. Déjà qu’à Bordeaux, je n’ai pas croisé Alain Juppé. Je suis déçu. Je l’ai cherché derrière chaque statue. Oui, il n’est plus maire mais quand même, Bordeaux quoi ! J’ai vu ces remplaçants visiblement, une certaine Jeanne d’Arc au look rétro bizarre.» Ah oui, nous avons appris un terme marrant également, en vogue à Paris, croulant sous les rats : le surmulot. Un truc d’écolo ? Pas hâte de reprendre le boulot, mais à bientôt au bureau ! Nous, nous serons rentrés pour croiser d’autres animaux au campus d’été du PS à Blois, avant d’autres feuilletons politiques à bâbord comme à tribord. Un horizon moins ensoleillé mais qui peut laisser des coups de soleil… Au milieu de moult sujets d’engrillagement, d’environnement et espérons-le d’initiatives culturelles, associatives et de créations d’entreprises. De libertés d’expressions !» De retour sur le quai, la missive postée et les batteries rechargées, bonne rentrée à vous aussi, fidèles lectrices et lecteurs.
Émilie Rencien