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Carpe diem

Nous pourrions palabrer sur les cinq phrases retenues par le journal espagnol El Païs du discours de victoire électorale du 24 avril d’Emmanuel Macron, débattre du rachat du réseau social Twitter par Elon Musk, re-causer du satané poison d’avril à coronavirus toujours dans la place, pronostiquer la cohabitation qui sera engendrée (ou pas) par les prochaines échéances législatives, dégoiser pour rire sur la nouvelle pizza Buitoni aux Kinder Schoko-Bons.

Mais parfois, arrivent à vos oreilles des nouvelles en proximité, lesquelles dans une même journée vous coupent le sifflet. Qui modifient les couleurs du ciel ce dimanche-là. Qui forcent à réfléchir et prendre du recul sur des pugilats qui nous prennent la tête pour un rien. Et qui, à l’inverse des commerces fermés lors des confinements Covid-19, paraissent d’un coup d’un seul moins essentiels. Ils apparaissent bien ridicules face à l’indicible : une jeune consoeur battante qui injustement s’éteint sous le sceau du sort imprimé par la maladie, ou encore un collègue qui doit surmonter le choc d’un deuil impromptu… Et finalement, à ce moment précis – même si on l’oubliera sans doute d’ici une poignée de semaines comme à chaque fois – la vie envoie cette piqûre de rappel sur l’importance de profiter. Du présent, de ses proches, de son chien, de sa nouvelle robe. D’oser dévoiler les choses aussi, qu’il s’agisse d’un sentiment amoureux ou d’une rancoeur. « Carpe diem », selon la formule latine du poète Horace consacrée qui nous était bien souvent répétée lors des cours de latin au collège, bien qu’à cet âge-ci, il est parfois difficile de saisir la résonance exacte d’une telle expression philosophique. C’est un peu plus tard que vous mesurez le degré de sa dimension, ténue mais réelle. D’une association d’idées à la suivante, cela crée écho dans cette foulée avec l’émission « La Grande Librairie » qui avait invité en avril sur ses fauteuils, deux femmes de lettres; celle que nous lisons personnellement avec délectation, Leïla Slimani, et celle que nous ne connaissions pas du tout, Delphine Horvilleur. Ce qui nous aura le plus marqué pendant cette conversation télévisée du duo menée par le journaliste à la présentation sur France 5, François Busnel, ce sont l’évocation des fantômes (pas le personnage vêtu d’un drap blanc ou à la mignonne frimousse de Casper). Non, ceux que nous connaissons tous plus ou moins, que chacun croise et porte dans chaque vie, qu’il s’agisse d’histoires intimement vécues ou de conflits mondiaux qui ressurgissent au sein de l’Humanité. Il fut en sus mention du poids de certains diktats et jugements tenaces pesant sur la condition féminine (soit la femme est forte, soit elle est soumise, pour résumer grossièrement leurs intéressants propos). « Beaucoup de gens ne se rendent pas compte du prix à payer pour la liberté, » ont-elles avisément résumé. Une réflexion qui aura fait raccrocher notre cerveau à une phrase d’une autre littéraire en vue, Amélie Nothomb, qui expliquait récemment à un magazine grand public qu’elle n’aurait « peut-être jamais ressenti le besoin d’écrire sans (ces) tourments.» Alors non, nous n’allons pas tenir café du commerce là et balayer les sujets d’actualité précités en préambule que tout le monde parmi les vivants commente déjà sans discontinuer. Bien qu’en filigrane, tous ces dossiers ont un lien avec le fil présentement déroulé, imbriqués. Car ce sont autant de signes qu’il faudrait être en capacité de capter au bon moment… Le verbe ici bas n’est guère teinté de sinistrose, mais interroge plutôt avec joie et vivacité : certes c’est très humain, certes la vie est un éternel recommencement, mais fichtre, et si enfin, nous arrêtions de nous bouffer des curseurs de vies pour des broutilles ? Après deux années de pandémie, d’entraves entre quatre murs telles des volailles touchées sans cesse par le mal de la grippe aviaire, cela aura déjà dû nous tilter mais non, il faut encore visiblement une guerre en Ukraine pour ouvrir les yeux du commun des mortels, entre flipper et roulette russe… Une dernière citation de Stephen King, pour la route. « Écrire est l’eau de la vie au même titre que n’importe quel art. L’eau est gratuite, alors buvez. Buvez, buvez à satiété.» Sur une note définitivement emplie d’âme et de vie, il paraît même que le régime de jouvence en effet pour atteindre 118 ans se résumerait à consommer un verre de vin tous les jours plus du chocolat (pas Kinder!). Carpe diem, n’est-ce pas. Et ce, dans toutes les acceptions du terme !