Dans une chaude météo de désobéissance civile, à l’heure de la tenue d’une COP numéro 27 en Égypte jusqu’au 18 novembre, qui ne s’annonce pas forcément comme une panacée mais qui va tenter de colmater des dommages déjà particulièrement visibles en Afrique, question quasi philosophique, autour d’un café corsé : au fil de crises biodiverses, une présidence normale est-elle encore possible ? Vous vous en rappelez évidemment, c’est ce fameux terme à la mode en 2012 par l’amateur de roses, François Hollande. À l’époque, il pleuvait beaucoup.« Un président normal peut connaître aussi un jour sans pluie », avait d’ailleurs, de son trait d’humour habituel, déclaré cet ancien Président de la République. Il y a dix ans, la formulation pouvait prêter à sourire. En 2022, à un moment où la britannique Kate Winslet nous apprend dans un documentaire accessible gratuitement sur Youtube que « manger nous mènera à l’extinction » et que la française Marion Cotillard « se fiche des moqueries sur ses actions écologistes », une journée sans eau est devenue chose moins rigolote, même si en passe peut-être de devenir banalement dramatique. D’autant plus après un été incendiaire et un mois d’octobre le plus chaud de l’histoire de l’Europe, en dépit de mesures prises dès 1945. Ce qui amène une seconde interrogation, une deuxième tasse de petit noir fumante sur la table, sans sel ni sucre, avec gel et masque anti-Covid à portée de sac : dans une atmosphère de reproche récurrent concernant la léthargie de la classe dirigeante, lequel de nos locataires de l’Élysée est / était le plus éco-friendly ? La génération climat éclot sous l’ère d’un François, Mitterrand ici, à la fin des années 1980, en écho avec le terme anglo-saxon « global change » qui émerge. « La détérioration de l’atmosphère est aujourd’hui certaine, son traitement ne peut être que mondial, » déclarait jadis l’élu de mai 1981. Avant lui, aussi, Valéry Giscard d’Estaing passait pour le précurseur des politiques environnementales. Dix-points sur ce sujet (de la participation démocratique des citoyens et des associations aux procédures d’urbanisme et d’environnement, en passant par l’octroi de crédits substantiels aux énergies solaires et géothermiques) figuraient notamment dans son programme de campagne présidentielle de 1974. Sans oublier douze lois pendant son septennat (loi fondatrice sur les déchets, directive européenne sur les oiseaux, etc.). Précédemment encore, Georges Pompidou, adorant rouler en Porsche, traînait a contrario la réputation d’un piètre élève au bonnet d’âne climatique. En 1970, avant le choc pétrolier, la flambée du prix des carburants, la guerre du Kippour (ça ne vous rappelle rien ?) et la construction d’une série de réacteurs, ce dernier demandait tout de même : « Tel l’apprenti sorcier, l’homme du XXe siècle ne risque-t-il pas finalement de périr par les forces qu’il a déchaînées ? Il faut créer et répandre une sorte de morale de l’environnement imposant aux États, aux collectivités et aux individus le respect de quelques règles élémentaires, faute desquelles le monde deviendrait irrespirable. » Et au passage, qui se souvient du four solaire de 1969, en Occitanie, sous De Gaulle, système vantant déjà une énergie gratuite et non polluante ? Les préceptes du XIXe siècle donnés pour tendance et innovation partent d’une base passée existante, le quidam depuis n’a rien inventé ni résolu ! Pour ne pas dire, que l’Homme a tout accru. De retour en l’an 2016, quelqu’un nous a en effet dit que Nicolas Sarkozy, ce fan de Rolex, adepte du « au début, je fonce, ensuite, j’accélère », a nourri en parallèle quelques ardeurs de vitesse limitées puisque pour lui, «il faut être arrogant pour penser que c’est l’Homme qui a changé le climat ». Le premier quinquennat d’Emmanuel Macron fut quant à lui chaotique, entre marche ou crève, macarons au glyphosate et DS7 Crossback. Une partition différente de son prédécesseur socialiste sans tulipes, qui préférait le train et la consommation de Flamby. Entre du mou et du flou, un scooter et des graphiques, le vivant est cocu, assurément, depuis bien plus longtemps. La planète, également. Est-ce normal ? En philosophie, la norme est plutôt un concept humain, et par essence, non propre à la nature et son fonctionnement. Dans l’émission de France 2, « Aux arbres citoyens », à une heure de grande écoute, le 8 novembre, dans une sorte de Téléthon un peu creux au chevet de la Terre, le chanteur Yannick Noah, parmi les invités soi-disant experts, assurait qu’il n’existait plus, c’est sûr, de débat s’agissant du climat. Les climatosceptiques, pour lesquels il y a pourtant encore matière à palabre, s’écrieront que ces cycles météo sont normaux, quoi. Pour les autres, plus convaincus de l’urgence, pris au dépourvu par les atermoiements des gouvernements, au gré des épisodes récidivants de vents mauvais, une telle inertie paraît finalement… paranormale. Alors, un cap est nécessaire pour une COP 27 qui doit enfin aboutir sur des actes, après les paroles, paroles, paroles.
Émilie Rencien
