ça se discute, encore et toujours


SOCIÉTÉ Ca y est, on y est. La limitation de vitesse sur les routes départementales a été abaissée de 10 km/h le 1er juillet. Bon gré mal gré.

En France, tout augmente… sauf la vitesse !

Stéphane de Laage

A propos des 80 km/h, qu’on le veuille ou non, l’argument de la vitesse est imparable. Le préfet de Région Jean-Marc Falcone en a fait la démonstration, chiffres à l’appui.
Inutile d’être physicien pour comprendre qu’en réduisant la vitesse, on réduit l’inertie du véhicule et donc le risque d’accident. Durant le temps de réaction du cerveau, la distance parcourue est plus longue à 90 km/h qu’à 80 km/h. La distance de freinage est elle aussi plus longue. Pas besoin de sortir de la cuisse de Jupiter pour comprendre ça. Ensuite, on peut discuter de la relativité de cet argument au regard des autres risques que l’on prend en téléphonant, en se droguant, en s’alcoolisant…
Jean-Marc Flacone, préfet de la région Centre-Val de Loire et préfet du Loiret a rappelé cette vérité, chiffres à l’appui. « Sur les 25 accidents mortels constatés depuis le début de l’année dans le Loiret, 7 sont imputables à une vitesse excessive ou inadaptée ». Et le préfet de rappeler que les premiers mois de l’année 2018 sont particulièrement préoccupants. « Le nombre de tués est doublé par rapport à la même période en 2017 ». Sept morts sont liés l’inattention (sms ou téléphone), trois à un malaise, deux à l’alcool, deux aux stupéfiants et deux au non-respect du code de la route. Quant à la limitation de la règle aux routes à double sens non pourvues de séparateur central, il semble là aussi que l’évidence s’impose : un véhicule en difficulté a moins de risque de traverser la voie ».

Mais que fait la police ?

S’agissant du degré de tolérance des forces de l’ordre, il incombe à chaque préfet de département. Le préfet de région, également préfet du Loiret n’a donc donné d’instruction qu’à ses forces de gendarmerie et de police locales. Le message est clair : « tolérance zéro ». Depuis l’entrée en vigueur en date du 1er juillet, les radars sont bien réglés sur 80 km/h. Et même si tous les panneaux n’indiquent pas encore la nouvelle limitation de vitesse, la loi est la loi, elle a été publiée au Journal officiel, et nul n’est sensé l’ignorer. « Les usagers sont avertis depuis suffisamment longtemps, rappelle J.-Marc Falcone. J’ai demandé aux forces de l’ordre de verbaliser et de transmettre les procès-verbaux au procureur de la République ». Qu’on se le dise, juridiquement, le contrevenant est punissable. Jean-Marc Falcone fut autrefois directeur général de la police nationale, sans doute cette mission lui a-t-elle donné quelques raisons de penser que la rigueur est salvatrice.

Pour vous, la carte des radars

Le gouvernement s’était toutefois engagé à publier une carte officielle des radars pour donner aux usagers de la route une information fiable et actualisée sur l’emplacement des 3 275 radars fixes en service sur le territoire métropolitain et Outre-mer.
Ouvert depuis le 2 juillet sur le site de la Sécurité routière
(https : radars.securite-routiere.gouv.fr), ce portail permet de visualiser instantanément le nombre de radars en fonction dans chaque région.
Méditez cette maxime : « le plus tu roules moins vite, le moins t’avances d’avantage » (Coluche).

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Deux vitesses, deux mesures ?

Les excès des uns pénaliseraient-ils les autres ? Moins 10 km/h au compteur, les esprits ont le loisir de s’échauffer. Les noms d’oiseaux fusent, le moteur à l’arrêt. « Ca me gonfle ! Et l’argent ira à l’hôpital, comme la Pentecôte, journée de solidarité, et on se moque de qui ? Ressortons nos 2 CV ! A 80, au moins, on a le temps de regarder ses sms, se faire les ongles… »  Pendant ce temps-là, l’argument sécuritaire est à nouveau avancé pour faire avaler la couleuvre restrictive. « Dans l’Auto Magazine de 1973, lors de l’annonce de l’entrée en vigueur de la limitation de vitesse, la tribune était déjà enflammée, » relate le préfet de Loir-et-Cher, Jean-Pierre Condemine. « Et on se souviendra de l’accident qui aura coûté en 1960 la vie à Albert Camus en empruntant la N6, pour finir contre un platane… Et vous savez, en Norvège, on roule à 70 tout le temps ! »

Le problème ne daterait par conséquent pas d’hier, en France en tout cas. Rappelons que jusqu’en 1972, les automobilistes circulaient sans ceinture, le regard bien loin du compteur, avec un petit verre éventuellement dans le nez. La liberté ! Assurément. Oui, mais voilà, un monde révolu. Car les temps ont changé, le nombre de véhicules, plus performants, sur les routes se veut exponentiel et les distracteurs, c’est-à-dire téléphone portable, musique, GPS, ont élu logis dans l’habitacle. Sans oublier l’alcool, les stupéfiants et la vitesse. Alors, répéter, rabâcher, seriner.  Les acteurs concernés, services de l’Etat et forces de l’ordre, doivent inlassablement faire preuve de pédagogie, les chiffres d’accidentologie sur notre département ne baissant pas. En 2015, 27 morts, 29 en 2016, 34 en 2017 et déjà, 14 depuis le début de l’année 2018… En première ligne de mire, jeunes et seniors. « Si vous souhaitez rouler vite, il existe des circuits prévus pour,» ose suggérer Frédéric Chevallier, procureur de la République de Blois.

Adaptons-nous et apprenons la patience, malgré les chevaux accordés par les constructeurs sous nos capots… D’aucuns riposteront : « de fait, pourquoi passer le permis, achetons une voiturette dans ce cas ! » Il est naturel de se demander si l’effet sur la mortalité sera vraiment perceptible, à constater ici et là les dépassements récurrents depuis le 1er juillet, les voitures à tout-touche et les poids lourds collés à nos pare-chocs. Ou si, soyons impertinents, ce ne serait pas plutôt a contrario les caisses de l’Etat qui vont se remplir et les portefeuilles s’abaisser, les moteurs fumer et toujours les mêmes vaches à lait ? A suivre, à vitesse modérée sur l’asphalte évidemment.

Emillie Rencien