Est-ce l’effet confinements ou l’univers d’après ? Le sensationnalisme est omniprésent, la culture du clash également. En même temps, si nous voulons examiner de plus près, le buzz, c’est-à-dire “une forme de publicité, un retentissement, ce qui est à la pointe de la mode,” selon Larousse, en somme ce qui crée de l’attraction, c’est quasiment vieux comme le monde : quelle fille n’a jamais préféré le bad boy du collège et ses montagnes russes au moins une fois, en dépit du danger de potentiel brisement du coeur du jouet, au lieu de considérer le gentil garçon et son trop-plein d’égards à la guimauve, pas assez la main dans le buzzeur ? Et puis, ça passe, on devient raisonnable parce que la société juge et affecte des cases de bien-pensance. Ou on reste à rebours, et on aime se brûler les ailes, car le jeu et le feu attirent. “La routine est mortelle,” dixit Paulo Coelho. Par conséquent, comme le classique ennuie et le frisson exalte, il convient d’être dans la provocation; il faut être clivant sur les réseaux sociaux, les plateaux TV, ou dans les médias en général, pour capter l’attention et passer des idées, même si ce sont les pires âneries. Plus la ficelle est épaisse, plus la couleuvre passe. Pour preuve, certains candidats, enfin surtout des candidates à l’élection présidentielle, peinent à se faire entendre au-dessus de la mêlée beuglante. Un problème de phallocratie, sans doute. Une femme qui réfléchit, enfer et damnation voyons. Pourtant, «une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère.» (Simone de Beauvoir). Mais une réalité bien accrue par d’immuables modèles qui formatent et conditionnent dès l’enfance esprits féminins et masculins; un buzz depuis des générations. “Le machisme est l’ADN de la culture politique. Les hommes ont peur de perdre leur monopole, chaque femme est considérée comme une intruse, une voleuse d’emploi politique,» selon Mariette Sineau, sociologue, auteure du livre «Femmes et République». En définitive, en ce moment particulièrement, cela donne des campagnes politisées entre chimères, mythologie, allégorie et parabole. Une cacophonie sans nom où tout le monde invective tout le monde, chacun enregistre le voisin et jette le tout sur la place publique, et la surenchère n’est jamais loin, alimentant sans discontinuer le moulin à vent. Parfois pour de bonnes raisons, sous couvert de bienveillance. Mais l’enfer est régulièrement pavé de bonnes intentions. Au milieu de ce brouhaha buzzy, qui a réalisé que la chanteuse, gagnante de la Star Academy 1 (TF1) en 2002, Jenifer, présidente du jury Eurovision France 2022, a été distinguée ce mois de février, le 14, non pas avec des coeurs mais un titre de Chevalière des arts et des lettres ? Car visiblement, le fait ne choque personne. Rien à reprocher pour autant à cette artiste, jolie, souriante et sympathique, au public fidèle et nombreux, aux chansons divertissantes et… au buzz commercial. Or, littéralement, cet ordre Arts et Lettres, attribué par décret, met à l’honneur « les personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde ». Les insignes show et business lui ont été remises lors d’une cérémonie officielle par Roselyne Bachelot, actuelle ministre de la culture. Laquelle a antérieurement pour sa part participé aux “Reines du shopping” (M6). Alors… A ce niveau, pourquoi pas après tout dans une société où ça se lamine autant que ça brille. Un buzz tendance aussi inextricable et incompréhensible qu’un souci de réseau mobile signalé à votre opérateur qui vous envoie un courriel expliquant qu’il n’a pas réussi à vous joindre pour un suivi… CQFD, non ? Mais “aimez-nous vivants”, comme l’entonne l’illustre François Valéry. À ne pas confondre avec Paul Valéry, arts et lettres … En attendant l’éclair connecté d’après, après, après, dans cette France définitivement bien tourmentée.
Émilie Rencien