Bourges : la rivière Yévrette


L’Yèvrette est une dérivation de l’Yèvre, ce n’est pas une rivière naturelle, son lit a été creusé par les mains de l’homme. Ce cours d’eau a été très important pour la ville de Bourges depuis le Moyen-Age concernant son développement commercial et surtout artisanal. La dérivation débute aux environs  de la rue Charlet, c’est là qu’étaient installés les anciens lavoirs, tout le long de la rue, l’eau de l’Yévrette étant propre à cet endroit, ensuite la rivière passe par le quartier des Bouchers (rue Neuve des Bouchers), elle traverse le quartier Avaricum avec les tanneurs, les teinturiers, puis elle finit son cours avec l’Hôtel Dieu avant de se jeter dans l’Auron au niveau de l’Ile d’Or (la buse actuelle est en face du supermarché Leclerc).

Aujourd’hui, nous ne voyons pas grand-chose de l’Yévrette, elle a été busée à partir de 1954, mais il y a quelques endroits en ville où il est encore possible de voir son passage. L’idéal pour suivre son parcours est de consulter le plan du géographe Nicolas de Fer (né vers1647- décédé en 1720) édité au début des années 1700. (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84398614)

L’Yévrette alimentait le moulin Charlet, il ne reste aujourd’hui que les fondations de ce moulin qui appartenait à l’église Notre-Dame-de-Salle, église qui se trouvait à côté de la cathédrale. C’est intéressant de savoir que les moulins appartenaient à des communautés religieuses. Le moulin Charlet a fonctionné jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, c’était un moulin prospère, le cours de l’Yévrette étant assez fort à ce niveau là. La rivière franchissait ensuite le nouveau rempart que Philippe Auguste avait fait construire au XIIe siècle en complément de l’ancien rempart qui datait du IVe siècle. Ce nouveau rempart va permettre à toute la ville basse de se déplacer et c’est l’abbaye Saint Laurent  qui va favoriser le développement de l’Yévrette, le cours d’eau ayant été canalisé pour traverser toute la ville basse. L’abbaye Saint Laurent existait bien avant le rempart Philippe Auguste, elle est attestée depuis l’époque de Charlemagne. C’était une abbaye très puissante, riche en argent et qui possédait beaucoup de propriétés. Cette abbaye va aménager le cours de l’Yévrette, développant ainsi le commerce.

Au Moyen-Age, les gens s’y lavaient, il est décrit la présence d’étuves à proximité de l’Yévrette, rue des Rats, rebaptisée rue de la Thaumassière (c’est une bonne idée parce que rue des Rats…). Au XVIIe et XVIIIe les étuves sont moins bien entretenues et deviennent des lieux de plaisirs et  rencontres. Il faudra attendre les XIXe et XXe siècles pour avoir des bains publics propres et sains.

La rue de la Poëlerie était la rue des teinturiers, des tanneurs, ces artisans utilisaient l’eau de l’Yévrette. Les principaux dangers de l’Yévrette au XIXe siècle étaient les épidémies. Une épidémie de choléra a été repérée dans le quartier Mirebeau en 1864, le Maire de Bourges de l’époque, Pierre Planchat a rappelé aux habitants qu’il fallait respecter les arrêtés municipaux pris pour la salubrité publique. L’Yévrette charriait à certains endroits des ordures, une commission d’enquête hygiène mandatée par le Maire parle de présence de fumier et de sang putréfié. Ces épidémies, maladies autour de l’Yévrette ont posé de gros problèmes aux différentes municipalités, c’est ce qui va conduire plus tard à tuber la rivière sous les boulevards lors de la construction d’Avaricum.

L’Yévrette a bien été une rivière très importante pour le développement de la ville, son économie, mais elle a été aussi une grosse épine dans le pied pour les municipalités après la révolution. Avant la révolution, les communautés religieuses devaient entretenir la rivière.

Au départ de son histoire, à l’époque de l’abbaye Saint Laurent, donc du temps de Charlemagne, l’intérêt de l’Yévrette était d’avoir du poisson frais à proximité, c’était une rivière très poissonneuse. Mais lorsque les artisans, commerçants se sont installés à côté, tels les teinturiers, les tanneurs, les verriers, nous trouvions aussi les bouchers à l’entrée de la ville, l’eau de cette rivière est devenue de plus en plus malsaine. A la sortie de la ville, elle servait d’égout, l’Yévrette avait d’ailleurs été baptisée le « Merdouillon », la rivière sentait très mauvais dans le quartier derrière la rue Mirebeau jusqu’au Cours Avaricum.

Voilà terminé ce bref aperçu de l’histoire de ce cours d’eau et nous comprenons tous plus facilement la raison de son busage dès les années 1950 sur toute la traversée de la ville.

Des visites guidées dédiée à l’Yévrette, organisées gratuitement par la ville de Bourges et commentées par Isabelle Renault, conférencière pour le service du patrimoine de la ville ont lieu régulièrement. N’hésitez pas à vous renseigner. 

Dominique AUTHIER