Véronik Ernest est artisan modiste rue Saint-Lubin à Blois. Unique en son genre, sa boutique qui est aussi son atelier tient lieu à la fois de caverne d’Ali baba, de salon d’essayage, d’antichambre de cérémonies de mariages… En feutre, à plumes, en paille ou en voile, elle fabrique et vend des couvre-chefs, pour toutes les têtes. On a bien essayé de lui faire porter le chapeau. Résultat.
« Tout le monde a une tête à chapeau. Ceux qui disent qu’ils n’en ont pas, c’est qu’ils ont essayé qu’une fois un chapeau qui ne leur allait pas. Mais c’est vrai que certaines têtes peuvent porter tous les styles, toutes les formes ». Au bout de la rue Saint-Lubin, dans le vieux Blois, ce quartier nommé depuis peu « quartier des artisans » se trouve l’atelier de Véronik Ernest, modiste chapelière. « Autrefois, les modistes étaient généralement les femmes qui travaillaient à la garniture. Les chapeliers étaient les hommes qui s’occupaient des moulages, car c’était plus physique. Par extension, c’est devenu le terme d’un vendeur de chapeau ».
Quand elle s’installe en février 1998 à Blois, elle arrive, avec son conjoint et ses enfants, de Paris, où elle a œuvré dans divers ateliers, dont celui bien connu de Marie Mercié. « On y avait des amis, on venait de temps en temps les voir. La ville nous a plu », dit-elle, avant d’ajouter : « on m’a regardé un peu bizarrement. Lors d’un stage d’aide à la création d’entreprise à la chambre de commerce, on m’a dit que ça ne devait pas marcher ce type d’activité, puisqu’il n’y en avait pas encore à Blois ». Mais Véronik ne se décourage pas. Blois n’est pas loin de Paris, le Val de Loire est garni de châteaux, et il s’y déroule des mariages : elle pose ses cartons (à chapeaux) dans cette rue Saint-Lubin qui n’est pas encore celle qu’on connaît aujourd’hui. « La rue est devenue aujourd’hui une référence pour les artisans ». La municipalité a en effet, il y a deux ans, baptisé ce quartier « quartier des artisans ». Des antiquaires, un barbier à l’ancienne, un bouquiniste, une tapissière, une créatrice de bijoux s’y sont depuis installés.
Plumes, fleurs, boutons, voilettes, paille… Les matériaux sont sagement rangés dans des bocaux, sur des étagères. Si le magasin de Véronik se voit d’abord de la rue pour son espace commercial, peuplé de miroirs où l’on peut s’admirer une fois coiffé d’un chapeau, ce qu’elle aime le plus, c’est fabriquer. « Je crée des modèles. Soit ça plaît tel quel, et je ne fais que quelques ajustements à la marge, soit je travaille sur mesure ». D’une heure trente à deux jours sont parfois nécessaires pour la fabrication d’un chapeau. Dans des matières premières qui n’échappent pas aux affres de la mondialisation : les feutres viennent des pays de l’Est ou d’Asie, comme les pailles. Mais les plumes utilisent plutôt la « filière courte » : « Des volaillers du marché de la place Louis-XII me fournissent en plumes de pintades, d’oies. J’utilise aussi des plumes de faisans, d’autruches, des plumes de paon… ». Côté gibier, des chasseurs – nombreux en Loir-et-Cher – lui apportent la matière à ses créations. Ses sources d’inspiration sont variées : « Parfois, un détail d’architecture peut me servir de modèle. Mais les retours des clientes m’inspirent aussi ». Le cinéma est également source d’idées, comme après la sortie de The Artist, en 2011 : « on a vu réapparaître les cloches façon années 20… ». S’il y a des modes, elles sont moins marquées que pour les vêtements. « Le mariage de Kate et William a aussi beaucoup inspiré ! » sourit celle pour qui la revue Point de vue images du monde est aussi inspirante…
Avec une cinquantaine d’artisans d’art et des métiers de bouche de Loir-et-Cher,
Véronik a participé à la création du parcours « Au fil des métiers ». 50 adresses d’artisans à découvrir, avec une carte pour se repérer. « L’idée est de transmettre le savoir-faire. Certains proposent des stages. Il y a des animations autour de ce parcours ».
La transmission… Véronik y songe, mais à qui ? « Il y a trois lycées professionnels qui proposent un CAP de modiste, dont celui de Chazelles-sur-Lyon, où se trouve aussi le musée du chapeau, à l’endroit où on fabriquait des feutres autrefois ». Mais pour embrasser la carrière, il faut être très motivé, passionné. « Certains se tournent vers ce métier lors d’une reconversion, mais parfois les difficultés de l’artisanat découragent ». Malgré tout Véronik continue son chemin au milieu de ses chapeaux à deux pas de l’église Saint-Nicolas. Pour un peu, on entendrait presque sonner les cloches des noces…
F.Sabourin
50 rue Saint-Lubin à Blois.
Tél. 02.54.78.78.08.