La fin du mois d’août a à nouveau marqué la rentrée politique. Depuis 2020, le Campus d’été du Parti Socialiste a occupé les pourtours de la Halle aux grains, entre discours, tables rondes, bal populaire et personnalités. Avec un leitmotiv : l’espérance récurrente d’une nouvelle vague rose à l’Élysée. Il faudra pour cela encore quelques compromis sans doute.
« La vie en rose ». Sur le parvis de la Halle aux grains de Blois, la traditionnelle boutique d’objets souvenirs « goodies » du PS annonçait la couleur 2023 d’un rendez-vous politique qui pose chaque fin du mois d’août, depuis quatre années, ses militants et idées dans le Loir-et-Cher. En effet, du 25 au 27 août 2023, le PS a tenté de le dire avec des fleurs. Poussant l’exercice au paroxysme, jusqu’à diffuser le tube « Flowers » de Miley Cyrus, avant l’entrée en scène de son Premier secrétaire national, Olivier Faure, comme à l’accoutumée accueilli avant son grand discours par un tunnel enthousiaste de drapeaux. À Blois, ville « rose » de Marc Gricourt, le temps d’un weekend, le pari d’un Campus annoncé « plus populaire que jamais » a-t-il été relevé ? L’évènement était cette fois placé sous l’égide de la convention « Retrouvons le peuple » et les préoccupations quotidiennes des Français(es). Les rangs semblaient timides le vendredi. «C’était plus fréquenté hier au Havre, aux Journées d’été des écolos, » confiait un photographe pour la presse nationale. Puis la foule le samedi s’est gonflée, entre rayons de soleil et averses. « François Hollande est passé jeudi,» s’amusait un groupe sur la place Jean-Jaurès. «On se dépêche, on va voir Ségolène Royal ! ». Parce que ce Campus blésois aura permis de retrouver aussi des amis du présent et du passé. Comme cette figure historique, ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2007, qualifiée jadis de « Macron compatible », aujourd’hui surnommée « plan Royal pour LFI». Ségolène Royal, conviée à Blois par les jeunes socialistes, dans le cadre d’une controverse sur « faut-il manger des graines? », n’aura pas été applaudie par les vieux de la vieille. Son annonce fracassante, la veille lors de l’Université d’été Mélenchoniste dans la Drôme, de mener une liste unitaire d’alliance de gauche aux européennes de 2024 aura soit fait grogner, soit fait glousser les éléphants. «Je viens là dans une sagesse de transmission, si je peux encore être utile,pour une génération qui n’a pas envie de vivre dans un monde qui n’a plus de sens et où la gauche aura disparu, » a déclaré Mme Royal, souriante, vêtue d’une robe longue blanche aux motifs bleutés, face à la presse dans l’enceinte de la maison des Provinces. « J’avance avec toutes celles et ceux qui m’ont sollicité, qui ont vu la dégradation cet été des relations entre les partis de gauche. Il fallait reprendre une initiative. Je suis au-dessus des appareils politiques libres de leurs stratégies, je n’en fais pas partie. Moi, je pense aux gens.»
Objectif européennes, mais surtout, 2027
L’initiative se fera ou ne se fera pas, mais il s’agit là d’un énième symptôme des querelles de la gauche et de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES) qui peine encore à trouver son récit. Frédéric Dabi, directeur général Opinion du groupe Ifop, spécialiste en sociologie politique et en analyse des comportements électoraux, l’a confirmé lors d’une table ronde à Blois sur les retraites : la crise politique actuelle demeure favorable au Rassemblement national en embuscade. Pendant son discours public puis en aparté avec les médias le 26 août à Blois, Olivier Faure a crevé l’abcès sans sourciller. «Je n’ai pas d’acrimonie. Ni envers François Hollande que je retrouve aux obsèques régulièrement. Ni pour Bernard Cazeneuve; il ne tweete que des messages de condoléances et ne parle dans la presse libérale que pour dire que la gauche est mortelle.» Il cite encore la présidente d’une région du Sud-Ouest, qui aimerait « aller à la présidentielle mais sans personne». Comprenez Carole Delga en Occitanie. Il aura pu évoquer le maire du Mans, Stéphane le Foll, qui criait à Blois à l’envi en 2020, « le PS est mort ». Mais il a choisi sa position : « Le libéralisme est dans une impasse, la fable du ruissellement n’a jamais existé. La Nupes est le cadre pour ramener la gauche au pouvoir. Nous nous référons tous à Jaurès. Je suis un croyant. Et un partisan du rassemblement.» Ce qui n’empêche pas M. Faure d’être favorable à une liste autonome du PS aux européennes, tout en maintenant le cap du regroupement, s’appuyant sur l’exemple de la résistance de la gauche espagnole. L’adage indique que l’union fait la force, mais parfois, pour la NUPES française, ce n’est pas sans ronces. Cette mêlée, nostalgique de la victoire de François Mitterrand en mai 1981, souhaite, bien plus que de briller au scrutin européen 2024, se hisser au sommet de la présidentielle de 2027. Un espoir parmi ces anciens qui aboient devant la caravane qui passe : Emma Rafowicz, présidente des jeunes du PS, adjointe à la mairie du 11e arrondissement de Paris, assoit fortement son éclosion d’une année sur l’autre au Campus de Blois, grâce à son talent oratoire, mais pas que. Une rose à suivre au milieu du fatras d’épines jetées.
Émilie Rencien