À la campagne, et surtout en campagne. Après le gentil grincement au CFA de Blois une semaine auparavant, le ping-pong assassin des élus s’est poursuivi le 20 mai avec le déplacement à Blois de Jean Castex. Officiellement, pour parler déconfinement, au sein des commerces, mais sans doute aussi pour parachever la partie politisée.
Revers de la médaille ? Balle de match ? En Loir-et-Cher, en ce moment, c’est chaque semaine son convive ministérielle et sa polémique officielle, puisqu’il faut bien matraquer le plan de relance de l’État quoiqu’il en coûte, en toile covidée de fond. Le 20 mai, le lendemain du déconfinement des terrasses, monuments et salles de spectacle avec jauges prudentes, l’allégresse aura dû couler à flots dans les rues de Blois. Et pourtant. C’est l’amertume qui flottait passablement dans l’air ligérien, avant l’arrivée de Jean Castex Ier, place Louis XII pour un café-croissant (sans Manu cette fois mais toujours avec caméras et médias). Les socialistes Christophe Degruelle, président de la communauté d’agglomération blésoise Agglopolys, et François Bonneau, actuel président du Conseil régional du Centre-Val de Loire, ont fendu ladite place tels des boulets de canon, en mode tontons flingueurs, précédant le cortège ministériel en retard. Une semaine plus tôt, le 12 mai, replay : la pose de la première pierre du nouveau CFA interprofessionnel de Blois avait navigué entre truelles au béton gentillet et discours assaisonnés. Le maire de Blois, Marc Gricourt (PS aussi), avait lu un mot où le Monsieur Agglopolys précité déplorait, nous résumons, la date mal choisie et la non inscription de son nom sur le carton d’invitation, (alors que cette même collectivité met de l’argent sur la table pierrée), puis avait un brin chahuté ministre et préfet conviés (Cf. notre édition du 18 mai). Le ministre des PME, Alain Griset, n’avait manqué de faire remarquer à l’édile qu’il avait des amis dans cette région et qu’il reviendrait… Promesse tenue et à la vitesse grand V !Une visite retour retors qui aura carrément dégainé le 20 mai carrosse renfermant Premier ministre et candidat ministre. Alain Griset n’aura pas réalisé les choses à moitié. Les princesses effarouchées du 41 n’auront guère apprécié. Et donc, Christophe Degruelle aura pesté contre un manque d’informations et d’invitations se répètant à son égard (le porte-parole Gabriel Attal, puis le ministre au CFA puis Jean le Premier, selon ses dires agacées, ajoutant : “Le coronavirus les arrange bien pour interdire l’accès!”. Eh oui, les journalistes le savent bien et l’éprouvent souvent également…), pendant que François Bonneau dénonçait l’absence de respect républicain ainsi que le mélange des genres et des moyens financiers du fait de la présence ce jour-là de Marc Fesneau, ministre chargé des relations au Parlement et en sus prétendant déterminé à lui ravir son fauteuil régional en juin, en criant à l’envi “ne pas vouloir jouer le pot de fleur!”. Détonant…
Entre marmotte, chocolat, fleur et piment
Heureusement, le chocolat de l’artisan Stéphane Buret (lequel aura bien joué et réussi entre deux gorgées sucrées à récupérer la balle sur le court et réitérer sa demande de financement pour son gymnase CFA) aura adouci sans faire davantage broncher tous ces messieurs (où sont les femmes parmi ces mâles supposés alpha?), favorisant la langue de bois et levant les coudes à l’unisson, tous sourires, aux côtés de Jean Castex dans une Cène moderne. Quelle histoire pour une brindille, alors que certains n’en sont pas à leur première campagne électorale où ce jeu n’est pas nouveau, non ? Cela aura eu la vertu de pimenter un déplacement gouvernemental qui somme toute aura donné peu d’informations et généré beaucoup d’images de communication. L’ensemble ponctué par la bonne humeur de Jean Castex qui, après avoir rencontré un souci de pantalon (chut!) aura parlé PGE (prêts garantis par l’État) et sursis éventuellement accordé avec le président des Vitrines de Blois, Philippe Bahu et Sabine Ferrand, présidente de l’UMIH (Union des métiers de l’hôtellerie). Il aura visité une poignée de commerces : Le Clipper (et son café), puis les boutiques Chez Georgette, La Manufacture française (et des chaussettes rouges et jaunes à petits pois); les Chaussures Crochet, Au Coureur des Bois (avec l’ex-présidente des commerçants, Marie Jolly). Et même Yves Rocher (pour le lissage brésilien de Marlène Schiappa?). Le Premier ministre, de surcroît, aura appelé face au virus persistant à “la discipline collective” et pour finir, conseillé, avant de rallier (en van et non en Falcon ici) le train nocturne Paris-Nice, à Marc Gricourt et François Bonneau de “ne pas diviser”… Si l’énervement constaté fut un peu exagéré et exacerbé, sûrement du fait d’un dernier sondage France Bleu-France TV ne plaçant pas François Bonneau gagnant au scrutin de juin, pas folle la guêpe presse : de la communication, des commerçants à rassurer et contents, et il faut le concéder, une visite officiellement élyséenne évidemment pas du tout anodine en plein campagne des régionales ! Marc Fesneau, cigarette en main à la fin, aura laconiquement commenté. « François Bonneau est président et candidat, tout comme je suis ministre et candidat. Pourquoi Blois ? Jean Castex avait envie de découvrir le Centre-Val de Loire et il a trouvé l’idée bonne de venir le découvrir chez moi.” Avec la marmotte qui met le chocolat dans le papier d’alu ? En tout cas, ce n’est pas fini pour les courroucés car le ministre Fesneau a accompagné le 28 mai le ministre des comptes publics, Olivier Dussopt, à Blois et Vendôme là plus de doutes… Allez, pour détendre chacun, les commerces déconfinent et le shopping est à nouveau permis, et ici, les amateurs peuvent vraiment sortir ceintures noires, princes et reines … de la carte bleue !
Émilie Rencien