Blois : L’Hôtel-Dieu, vendu, continue de déchaîner les passions


Ce dossier coince toujours pour une poignée d’irréductibles Blésois. Fin septembre, la réunion publique, organisée par Histoire et Patrimoine, le groupe parisien, désormais propriétaire de l’Hôtel-Dieu, et spécialiste de l’investissement dans la rénovation de bâtiments de prestige, fut plus que tendue.
Est-ce vraiment une histoire de projet prétendument mal ficelé, ou en vérité, plutôt un règlement sous-jacent de comptes politiques avec la mairie ? La question était légitimement posée fin septembre à Blois, puisque depuis le début, ce n’est pas vraiment le propriétaire, quel qu’il soit, qui pose souci, mais le manque de dialogue avec la municipalité du socialiste Marc Gricourt, à écouter les récriminations de l’association des Amis de l’Hôtel-Dieu, née en 2019 et présidée par Michel Géant, un ancien conseiller municipal de droite. Pour planter le décor, pour rappel, l’Hôtel-Dieu, qui nourrit particulièrement le débat depuis quatre ans au moins, est un édifice qui, au 13ème siècle, faisait office d’abbaye avant d’être réduit en ruines durant les guerres de religion. Il fut reconstruit au 17ème siècle, se transformant en hôpital, avant de ne plus être utilisé. Les équipes du groupe Histoire et Patrimoine, qui l’ont acquis et sont chez eux depuis juin 2023, après une vente de la Ville et le départ de ce bâtiment de certains services de l’État qui l’occupaient jadis (ex- DDT/DDE), avaient choisi le 29 septembre 2023 d’organiser une réunion, in situ, rue Saint-Laumer, entre l’église Saint-Nicolas et le quai de l’abbé-Grégoire en bords de Loire, à Blois, « pour que chacun puisse faire part de ses interrogations ». Mais la discussion fut plus que hostile du côté de la salle composée de citoyens, et notamment de membres de la fameuse association précitée. Il faut aussi reconnaître que l’un des Slides du diaporama d’Histoire et Patrimoine, accablant les « Amis » pour leurs recours déposés depuis 2022, dont plusieurs encore en cours, qui retardent le démarrage du chantier et lui font perdre de l’argent, n’aura pas aidé non plus. Pourtant, le début de la présentation était plutôt posé et calme, avec une volonté de réhabilitation du bâti acquis, détaillée, sérieuse et très professionnelle, qui semble sur le papier d’un bel acabit pour une ville comme Blois : toujours 97 appartements (entre une et cinq pièces, sur lesquels des acquéreurs intéressés et/ou des mécènes se sont déjà positionnés) prévus, sans oublier des espaces extérieurs re-végétalisés, plus un commerce, et deux musées (l’un, nouveau, consacré au peintre blésois Bernard Lorjou, et l’autre, transféré, dédié aux arts religieux; un bouton poussoir permettra au public l’accès à ces zones non privées). Les travaux sont estimés d’une durée de 24 mois; l’investissement total s’élève à 25 M€ et dans cette enveloppe, ce chantier, qui n’a pas encore commencé, pèse à lui seul plus de 16 millions d’euros. Une visite de l’endroit, à l’architecture intérieure qui impressionne par sa beauté et son élégance, entre ogives, voûtes de tuffeau et poutres en bois massif, a en sus été proposée le 29 septembre dernier, pour plus de transparence.

L’échange n’est pas rompu mais…
Il n’empêche que les opposants n’ont pas changé leur avis d’un iota : ils ne veulent pas de ce destin pour l’ancienne abbaye Saint-Laumer ! Ils rejettent tout, ou quasi : pour eux, le nombre de logements est trop élevé, les 111 places de parking ne leur plaisent pas davantage, et compagnie. Juste avant le début de l’entrevue, le 29 septembre, ils étaient déjà dans un esprit négatif :”un petit déjeuner et du café prévus ? Pour nous passer de la pommade alors qu’on va priver les Blésois de leur patrimoine ?” maugréaient ces rangs. “C’est surtout un problème de politiciens qui est mélangé au reste qui n’a rien à voir. Cette réhabilitation prévoit deux musées; c’est une chance qui relèvera le niveau de la Fondation du doute qui existe à Blois !” chuchotaient d’autres habitants, s’étonnant toutefois au passage de l’absence de représentants de la mairie ce jour-là. “Ce sont des combats d’un autre lieu et d’un autre temps,” a appuyé le directeur général d’Histoire et Patrimoine, Pierre Olivier Thibaut. “Nos propositions (comme celles de créer un pôle multimédia ou encore un centre d’interprétation de la Renaissance, ndlr) n’ont jamais été prises en compte,” ajoutait pour sa part Xavier Anquetin, secrétaire de l’association des Amis, des feuilles sous le bras, compilées dans une pochette de coloris vert pomme. Alain Courtois, ancien président de la Chambre et de commerce d’industrie de Loir-et-Cher, présent également dans l’audience, le 29 septembre, a frappé plus fort en assénant carrément, à haute voix courroucée, un « votre projet, c’est zéro ! On n’est pas à Paris ici ! ». Etc. De quoi rendre livides les visages en face, notamment celui de l’architecte indépendant du patrimoine, Benjamin Monchecourt. Malgré ces vents, Histoire et Patrimoine, qui a patiemment tenté de comprendre les protestations et a même parfois concédé des excuses, tout en démentant certaines informations parues dans la presse, a promis une nouvelle rencontre à ces réfractaires.

Émilie Rencien