Cela faisait un moment qu’une exposition ne s’était pas épanouie dans les murs du monument historique de la ville de Blois. L’absence et l’attente, générées par une pandémie Covid, permettent d’apprécier encore plus la Renaissance des femmes qui y est narrée depuis le 9 avril et jusqu’au 10 juillet.
Depuis 2019, nous étions restés à la Renaissance, avec des enfants. C’était le dernier thème déroulé par les équipes du château royal de Blois. Un virus est survenu et vous connaissez la longue suite pour l’avoir vécue. Le printemps 2022 marque justement une nouvelle (re)naissance pour le site historique, après la pause forcée : près de 100 œuvres (peintures, émail, mobilier, dessins, livres, documents d’archives, etc. dont un prêt exceptionnel du musée du Louvre) agrémentent à nouveau les trois salles du premier étage qui d’ailleurs ont été durant les confinements et contraintes sanitaires repensées, repeintes, toilettées, allégées de leurs moquettes, dotées d’écrans. Ce nouveau départ culturel met surtout en exergue 34 femmes (parmi lesquelles Catherine de Médicis évidemment, Diane de Poitiers et Marguerite de Valois) qui se racontent au premier étage du château de Blois. Qu’elles furent régentes, reines, princesses françaises et étrangères, dames de la Cour, artistes, écrivaines, elles affichent toutes un point commun : un certain nombre de facteurs a bloqué leur ascension. Entre sexe faible, objets de désir et paraître, la nouvelle exposition démontre le potentiel, notamment politique, des femmes dès la Renaissance, une période française singulière où la gent féminine fut au cœur du pouvoir, dirigeant dans l’ombre ou en pleine lumière, négociant pour la paix dans une époque troublée par quarante années de conflits civils et religieux. Une influence qui n’aura guère duré. « Il ne s’agit pas d’un propos féministe, mais d’une réflexion, » commente Élisabeth Latrémolière, directrice et conservatrice des lieux, devant la robe immaculée et tachée de sang du film La Reine Margot, exposée à Blois. « Les femmes étaient très valorisées dans la littérature du XVIe siècle, elles écrivaient, étaient publiées mais étaient interdites dans tout ce qui touchait aux domaines du juridique et du clergé. Elles ont subi une perte continue de pouvoir jusqu’à nos jours. »
Un sexe “faible” …?
L’exposition souhaite en effet, comme indiqué sur le papier, « réhabiliter l’Histoire des femmes pendant la Renaissance. » Le terme est peu heureux et malheureusement, symbolise parfaitement le combat passé et très actuel, que doivent encore mener les femmes d’hier et d’aujourd’hui, cantonnées aux rôles de mère ou d’amante… Les nus féminins -”érotiques” d’après les rares hommes journalistes qui ont découvert l’exposition le 8 avril en primeur, “magnifiques” pour les femmes présentes – dévoilés à Blois (la Vénus de Luca Penni; le portrait anonyme de Gabrielle d’Estrées et une de ses sœurs, la duchesse de Villars, partageant une baignoire, etc.) enfoncent le clou d’idées fixes qui ont su tenacement traverser les siècles et perdurer. En parlant de genres, une dernière raison de ne pas manquer cette exposition : les vêtements d’apparat cousus de bijoux, surmontés de fraises (synonymes de rang social), ainsi que les robes présentées, dont certaines à la taille corsetée, issues parfois de tournages de cinéma (La princesse de Clèves, la Reine Margot, etc.), sont tout bonnement somptueuses ! C’est peut-être là la seule “faiblesse”, le seul péché féminin que nous concèderons … Craquer devant les vitrines, même historiques !
Émilie Rencien