De nos jours…
Notre société hypermédiatisée, internetisée, irrespectueuse, ironique, médisante, délatrice, violente… offre de nombreuses bizarreries, de multiples paradoxes qui gâchent un peu notre vie quotidienne. Je vous en soumets quelques-uns.
De nos jours, il est une invective que l’on entend depuis peu et qui se glisse souvent dans des tweets offusqués et rageurs : « spéciste ». Nouveau qualificatif rédhibitoire qui succède aux « fasciste », « raciste », « sexiste », « islamophobe » peu reluisants qui souvent clôturent, de façon péremptoire et définitive, un semblant de débat. Si ces derniers noms d’oiseaux ont de bonnes raisons d’être classés parmi les attitudes détestables lorsqu’elles sont avérées, l’intégrisme aveugle et parfois violent des « anti » tout ça a abouti à un ras-le-bol, voire une banalisation de ces causes. Mais revenons aux spécistes, donc aux antispécistes. Les animaux ont-ils des droits ? Voilà une question beaucoup plus complexe que d’aucuns ne le pensent ! Si on concède au lion le droit de vivre, on le retire à l’antilope qu’il va manger. Donc le lion ne peut plus se nourrir. Idem pour la mangouste qui avale le cobra ou pour le boa qui englouti la musaraigne… Le problème est qu’un écosystème sans prédateurs est condamné à disparaître. Les animaux sont spécistes par nature avec des règles clairement établies. Il y a les prédateurs, et il y a les proies. Ce n’est ni un droit ni un devoir, c’est une réalité, pour l’un comme pour l’autre.
En conclusion, assumons-nous spécistes tout en affirmant une humanité et une éthique luttant pour des conditions d’élevage respectueuses, contre la maltraitance inadmissible avec des lois, donc des punitions, qui d’ailleurs existent déjà (l’empathie de Brigitte Bardot). L’antispécisme est une façon paradoxale et symbolique pour notre société en perte de repères de se rapprocher des animaux en leur accordant des attributs humains (la connerie d’Ayméric Carron) ? Ne serait-ce pas là le comble du spécisme ! Nous sommes souvent déçus par ce monde qui est comme une jungle où les hommes, par orgueil dépassent souvent les bornes, où les loups dévorent les agneaux, les lions les gazelles… Nous sommes parfois déçus de nous-mêmes parce que cette violence nous la reconnaissons parfois en nous-mêmes avec le rêve de nous raccrocher à la belle utopie chrétienne : « Le loup habitera avec l’agneau, et la panthère se couchera avec le chevreau ; Le veau, le lionceau, et le bétail qu’on engraisse, seront ensemble, Et un petit enfant les conduira. » (Livre d’Isaïe, chapitre XI). Ah, l’amour et l’eau fraîche… La bientraitance des animaux est un devoir humain pas un droit animal.
De nos jours, s’indigner pour des causes qui n’en valent pas la peine est monnaie courante… Après Rouletabille par deux fois, Bruno Podalydès adapte à nouveau un personnage de fiction : Bécassine. Le réalisateur s’est emparé du sujet en se replongeant dans les albums de la petite bretonne et a redécouvert le personnage : « Bécassine n’est pas la fille un peu niaise et stupide qu’on croit, expliquait-il au moment du tournage l’été dernier dans Les Inrocks. Elle est naïve, certes, et candide, mais aussi curieuse et inventive. Elle a une âme d’enfant dans un corps d’adulte… Dans ce film, je voulais montrer Bécassine telle qu’elle est : fidèle, sincère, spontanée, innocente, tendre, rêveuse, enthousiaste. »
Des militants anarcho-gauchiste-indépendantistes bretons ne l’entendent pas ainsi. Indignés, ils appellent au boycott du film « insultant » de Bruno Podalydès, qui sortira en salle le 20 juin. Ils jugent ce film rétrograde et raciste. Le collectif reprend la rhétorique de la lutte des classes, en estimant que le film caricature l’image des jeunes filles bretonnes venues se faire embaucher à Paris comme bonnes à tout faire, forcées de fuir la misère des campagnes du XIXe siècle : « cette comédie est une insulte en termes d’identité et de mémoire ». Rien que ça ! Bon jusque-là pour ridicule que soit cette réaction, ils ont parfaitement le droit de l’exprimer. Ce qui est beaucoup plus grave c’est cette volonté : « pour les salles récalcitrantes qui voudraient tout de même le diffuser nous annonçons une campagne de boycott ACTIF qui ne prendra fin qu’avec la déprogrammation ! ». Cela porte un nom : Censure…
De nos jours, ignorer des causes qui pourtant en valent la peine est monnaie courante… Censure toujours mais qui ne semble pas avoir déclenché un déchaînement médiatique et institutionnel extraordinaire. Pourtant ce fut une bien belle atteinte à la liberté d’expression concernant la Une du point qui titrait : « Le Dictateur, Jusqu’où ira Erdogan ? » Des partisans du leader turc ont de suite exercé des pressions, intellectuelles, physiques et coercitives, pour faire retirer cette Une des panneaux publicitaires devant les kiosques à journaux. Je vous en mets un peu plus : ils ont aussi proférés des menaces à l’encontre du rédacteur en chef de la revue. En Turquie ? Que nenni, en France, mon bon monsieur ! Nous fûmes nombreux à être « Charlie » avec raison et enthousiasme. Nous ne fûmes pas nombreux à être « le Point » !
Le succès littéraire de François Hollande, la présidente de l’UNEF en hijab, le pain au chocolat versus la chocolatine à l’assemblée, les clowneries de Donald Trump, le regard bovin de nos gouvernants au passage du bateau de migrants voguant de l’Italie vers l’Espagne… De nos jours, l’avenir s’annonce radieux !
Gérard Bardon