Billet d’humeur de Fabrice Simoes


On se lève tous pour Jean-Claude

J’aime bien Jean-Claude Van Damme. Jean-Claude c’est le genre de mec qui pose un pied sur le rebord de la fenêtre d’un camion et l’autre pied sur le rebord de la fenêtre d’un autre camion qui roule en parallèle et qui te fait ça au prix d’un grand écart. Si ça ne mérite pas une forte dose de considération on ne voit qui pourrait être susceptible d’être reconnu autant à sa juste valeur. En plus, Jean-Claude ne mâche pas ses mots. Il a appris à causer l’américain tout seul, comme un vrai immigré de là-bas. Et un Belge capable de parler le langage local de la côte Est, et Ouest aussi, que l’on arrive à comprendre, ça c’est aussi quelque chose de balaise. Jean-Claude est « aware ». Il fait du Cantona dans le texte, pas aussi poétique, et nettement moins bon avec un ballon dans les pieds. Pour l’activité cinéma, on laissera le lecteur cinéphile juger par lui-même. Une certitude cependant, ni l’un ni l’autre n’ont encore rencontré Spielberg ou Coppola, ou alors à l’occasion d’un gala de charité.

Jean-Claude, c’est Clint Eastwood version inspecteur Harry. C’est Steven Seagal en moins enrobé et l’accent de Bruxelles en plus, une fois. Jean-Claude aime les vrais hommes politiques. Vladimir Poutine est une de ses idoles. Depuis que quelqu’un a dit à Jean-Claude que Donald Trump aurait écrit un livre intitulé « Pépé a bobo quand il fait pipi sur le popo », il en a fait son maître à penser. Les hommes de poigne et de réflexion, c’est son kif à Jean-Claude.

Donc j’aime bien Jean-Claude. C’est un sauveur de la veuve et de l’orphelin dans l’âme – dans les films c’est comme ça et y a pas de raison que Jean-Claude soit autrement dans la vraie vie- et c’est aussi un philosophe à sa manière. On ne sait pas si c’est Lao Tseu, Bouddha, Krishna, « Jeveor » (la version vinicole de Jehova) ou un autre Dieu, prophète, Messi argentin, ange ou démon qui le guide mais ses pensées spirituelles, et drôles à la fois, sont profondes. On est souvent très proche de l’abîme. C’est vrai aussi qu’avec deux neurones il faut savoir creuser dur !

Preuve que mon héros Jean-Claude n’a peur de rien, il s’est permis d’interrompre la prise de parole de notre secrétaire d’état chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, dans une récente émission de télé où le buzz est devenu une nécessité de production. En substance, Jean-Claude a tenu à exprimer sa version du rapport que peuvent avoir les personnes de sexes opposés dans le domaine de la vie de tous les jours. En parfait adepte non reconnu de l’intelligence primaire, il a déclaré : « tu es une femme, je suis un homme. Il y a des femmes qui aiment travailler comme toi et qui savent faire deux choses : s’occuper des enfants et travailler. Il y a des femmes qui aiment et qui veulent rester à la maison. Elles aiment bien les enfants. Si toutes les femmes travaillent, qu’est-ce qu’ils font les enfants à la maison ? »

Ben, ils regardent la télé et les films avec Jean-Claude dedans, aurait pu lui répondre Marlène si elle ne s’était pas perdue en un anglicisme tel que « mansplaining » (quand un homme explique à une femme d’un ton paternaliste, sur un sujet qui la concerne, qu’elle a tort de penser ce qu’elle pense ou de dire ce qu’elle dit.) Pourtant, Jean-Claude exprimait en mots simples son désarroi face à un monde qui évolue plus vite que les modifications génétiques du cerveau de Jean-Claude. Marlène n’a pas été sympa sur ce coup-là. Si elle avait été si maligne elle aurait copié sur Philippe, son patron chef des ministres, celui qui nous dit que le 80 km/heure c’est pour notre bien tel un Kaa, le serpent du livre de la jungle, entre deux sifflements, qui susurre « aie confiance, aie confiance… » Elle pouvait juste asséner « Jean-Claude, j’aime beaucoup ce que vous faites, surtout les passages où vous citez Claudel et Valéry, les deux Paul, pas Camille et François ! » Cloué le bec à Jean-Claude, il aurait été alors.

Là, l’acteur-scénariste et producteur, mais pas dialoguiste – une multiplicité des métiers qui lui permet d’éviter toutes polémiques potentielles sous le hashtag MeToo. Ici, l’acteur principal couche effectivement avec le producteur mais c’est simplement que c’est la même et unique personne. Et si Jean-Claude fait preuve de souplesse, il ne faut pas exagérer quand même : « Si tous les hommes se marient ensemble et si toutes les femmes se marient ensemble, comment on va faire des enfants ? » a-t-il répondu à la veille du défilé de la Marche des Fiertés. Il est cash Jean-Claude. Il se pose des questions et demande des réponses et pas qu’on l’envoie sur les roses, même si on en a retiré les épines.

Marlène a botté en touche et n’a pas su se connecter au niveau du génie de Jean-Claude. La rencontre entre le dinosaure du cinéma et la fée, pas de la maison, mais du gouvernement ne s’est pas faite. On aurait pourtant aimé rencontrer les petits, s’ils en avaient eu…

Avec tout ça, à la maison, je ne sais toujours qui va essuyer la vaisselle ce soir… Comme c’est la Coupe du monde de foot, même sans être au niveau, je vais faire du Jean-Claude ! On va dire que ce n’est pas mon tour…

Fabrice Simoes