J’veux encore des bizz-bizz
Ce XXIe siècle, celui des penseurs du net et des censeurs des réseaux sociaux, de l’évolution vers l’inhumain, celui des normalisateurs, est décidément une imposture. Comment pourrait-on le qualifier autrement quand on passe sans modération du « ne tirez pas sur une ambulance » à « descendez-moi cet hôpital » ?
Les services de santé se meurent pour cause de rationalisation des bénéfices, pour raisons de potentielles captations d’argent frais. Santé de riche pour satisfaire de futurs fonds de pension, un futur partage actionnarial. Sous couvert de meilleure santé financière, de déficit de l’État, la meilleure santé des malades est mise à l’encan.
Tel des pères jésuites à la théologie fumeuse on veut peut-être appliquer le précepte de vouloir en sacrifier quelques-uns pour en sauver le plus grand nombre. Calcul rapide, on sait depuis longtemps que les richesses du pays sont aux mains du plus petit nombre. De fait l’argument technocratique est irrecevable, votre honneur. Surtout que personne n’a demandé à ceux qui seront les prochains martyrs de l’arène hospitalière ce qu’ils en pensaient. Dans notre société qui veut que pour les problèmes il est souhaitable d’aller voir ailleurs si on y est, et de déresponsabilisation individuelle, il serait intéressant de connaître le nombre de volontaires…
Dans le Sud, sous le soleil évidement, on mourra donc sous le regard docte, averti et bronzé d’un médecin local. Comme à 80 km/h les deux minutes perdues pour aller à l’hosto le plus proche peuvent être fatales, on crèvera donc au bord de la route dans le Nord et le Centre, ces régions où les médecins qui sont encore là ont fait le serment d’Hippocrate et pas celui d’hypocrite. On crèvera dans les champs, ou dans le village d’à côté. Alphonse Allais voulait construire les villes à la campagne. Il a été rattrapé par la patrouille des nouveaux maîtres du monde 4.0. Et en Macronie on a décidé de construire les villes en ville. C’est plus facile et ça laisse de la place pour une autoroute, une ligne TGV, un aéroport du futur. Comme les apiculteurs d’aujourd’hui, on s’apercevra bien vite que ces nouvelles ruches sont vides comme un coquillage de Bernard-Lhermitte en rupture de contrat de location.
Les hôpitaux sont à la vie sociale ce que sont les abeilles à la nature, une nécessité que l’on supprime au nom de la rentabilité et des lobbys. De faux semblants en fausses bonnes décisions, on décime. Dans le même temps où l’on écarte du chemin les candidats aux soins des zones rurales on tue les petites travailleuses – que les esprits malsains veuillent bien quitter cet espace- et on opprime leurs reines. En janvier 1791 l’étêtage avait fait de la royauté une République à la recherche d’un avenir meilleur. La mort des Queens des Apis ne changera pas autant la face de gouvernements désormais conduits par des espèces de roitelets égocentriques imbus de leurs méconnaissances et de leurs suffisances. Au fil des ans et des saisons, le constat est déprimant, on perd les uns et on gagne les autres. Les ruchers se ramassent à pelle comme les infirmières en phase de burn-out. Une vraie maladie professionnelle que les députés du groupe LREM – Pour nos lecteurs qui lisent à haute voix, il est utile de préciser qu’il ne faut pas confondre les uns avec les autres du groupe de rock américain REM. La sonorité est presque identique mais… Ces derniers sont les auteurs de Everybody Hurts, un morceau de musique qui les range à la seconde place des slows les plus efficaces de l’univers en ce qui concerne le maintien à un niveau raisonnable de la population de salariés solvables, parfois, corvéables, toujours, juste après Hey Jude des Beatles – ont voulu revisiter à la manière de ces chefs de cuisine qui revisitent la recette des éclairs au chocolat pour en faire des pâtés en croûte. On aime les deux mais pas dans la même bouchée. Venus de la société civile, ils avaient oublié que le cirage de pompe, c’est un boulot prenant et qu’ils n’avaient pas été formés à celui-ci. Venus de l’intelligencia, ils avaient oublié que pour lire un livre, il faut que quelqu’un l’ait écrit bien avant. Vénus des formations politiques, ils ne savaient pas que secouer la tête en signe d’approbation, pour un oui, pour un non, pour tout et rien, c’est physique et ça peut créer des céphalées à répétition. Une cure à base de gelée royale aurait pu s’avérer suffisante pour tout ce petit monde du palais Bourbon. Tant qu’il en reste… on parle bien sûr de la gelée ! Comme le glyphosate a encore de beaux jours devant lui, la dépollinisation en sera d’autant plus rapide, tellement En Marche que la bande de godillots de Not’Manu a déjà des difficultés à suivre.
Il n’est pas certain que les faiseurs du monde de demain nous laissent assez de latitude pour entendre encore longtemps le bourdonnement des abeilles autour de nos oreilles ! On demande simplement un petit effort pour celles qui ramènent le nectar. Un moratoire suffirait. Pour les hôpitaux, on sait que bien que c’est déjà mort… depuis que la santé a été désignée marchandise comme les autres !
Fabrice Simoes