Poulets de grain et confiture de fraise
Les habituels lecteurs du billet d’humeur du Petit Berrichon seront peut-être surpris, courroucés, enthousiasmés, choqués, bouleversés, iconoclastés, énervés, et tout un tas de qualificatifs plus ou moins appropriés par le libellé qui suit. Afin de ne pas perturber ou choquer nos lecteurs par une succession de mots crus ou insultants, l’auteur a décidé unilatéralement de remplacer le mot con par poulets de grain et merde par confiture de fraise. L’auteur s’excuse par avance de mettre à contribution la totalité des neurones des poulets de grains et des confitures de fraises qui buteraient éventuellement sur ces lignes. De la même manière il s’excuse auprès des grainetiers, des fermiers, des volaillers, des fraisiers, des fosses septiques et des vidangeurs qui vont avec.
Votre serviteur réclame ainsi le droit à ne pas être comme tout le monde. Dans une société prompte à ranger les individus dans des cases, il ne veut pas entrer dans celle que l’on voudrait lui attribuer. Donc, s’il fallait avoir des a priori, ce qui n’est pas une obligation, ou avoir un gros préjugé, l’anti « poulet de grainisme » paraît un bon substitut. Un préjugé anti-poulet de grain classique, basique même. Comme l’écrivait Audiard « Les poulets de grains ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît » et nous sommes en plein dedans. Un grand philosophe du siècle dernier, trop tôt disparu, Pierre Desproges, avait constaté que « la caractéristique vestimentaire du poulet de grain consiste en un besoin irrésistible de s’habiller comme tout le monde ». Ce à quoi il convient d’ajouter que c’est pour cette raison qu’on ne les distingue pas au premier coup d’œil mais à leurs premiers gestes (voir citation plus avant).
Que l’on ne vienne pas nous dire que les poulets de grains le deviennent en raison de leur niveau social. Que nenni ! Par contre, de leur inculture certainement. La démonstration en est régulièrement faite avec Donald, le président actuel de la plus grande nation du monde, capable de qualifier d’autres pays, d’autres personnes, de confiture de fraise. Les représentants de ces confitures de fraise ont d’ailleurs fait connaître leur courroux. Cependant, on peut être inquiet de savoir qu’un poulet de grain, au nom de son pays de confiture de fraise est en possession du bouton atomique… même si c’est pour balancer des bombes sur un autre pays de confiture de fraise !
Pour preuve que les poulets de grain sont nombreux, près de 80 % de la population française croit à une ou plusieurs théories du complot, telle que la terre est plate – 20 % des moins de 20 ans, par exemple, comme preuve que la nouvelle génération de poulets de grain est déjà en place – ou que Nicolas Sarkozy a été Président de la République. Certains vont même jusqu’à dire que Dieu existe tandis que d’autres disent exactement le contraire. Qui croire et qui est le poulet de grain de l’autre ? What is the question aurait lancé Shakespeare, un Grand-Breton qui n’écrivait pas que de la confiture de fraise en son temps.
Il faut par ailleurs ranger parmi les poulets (tes) de grains, tous (tes) les hygiénistes de l’uniformité d’esprit, de la pensée unique des bacs à sable et du féminisme de confiture de fraise. L’adage qui veut qu’il n’y ait pas de fumée sans feu est tellement ancré que le moindre pet de travers devient une agression scatologique. Et malheureusement, le lynchage médiatique peut tuer tout aussi efficacement qu’un couteau ou une balle, perdue ou pas. S’il fallait aller au bout de la démesure des poulets (tes) de grain, il conviendrait aussi de vider nos bibliothèques de tout son contenu pour pervers en devenir. L’autodafé débuterait par la suppression de toutes ces histoires à dormir debout qui polluent le cerveau des plus jeunes. Tel un Fahrenheit 451, au bûcher, le Prince charmant, tout beau qu’il fut, qui commet un acte totalement sexiste en embrassant, de force puisque sans consentement, la Belle au bois dormant. Aux Prud’hommes, Cendrillon, esclave domestique dans une maison bourgeoise et qui entre largement dans le champ d’application du code du travail, même remanié. Sept hommes matures, certes de petites tailles, mais barbus, qui chantent Heigh-ho, Heigh-ho et cohabitent avec une jeune fille innocente, ne serait-ce pas une explication des tournantes ? Pour Peau d’âne, l’inceste est annoncé d’entrée ! On ne parle même pas d’Alice aux pays des merveilles qui devrait se retrouver au mitard. Pour rencontrer un lapin en retard, toujours en retard, un jeu de carte qui marche sur tranche et un chat du Cheshire, la gamine a dû sniffer de la colle, fumer du crack, de la beuh et s’avaler plusieurs comprimés d’ecstasy pour un même trip, sinon ça vaut pas… Quant à la princesse qui embrasse un crapaud faut qu’elle soit une vraie poulette de grain pour croire que la zoophilie transforme les animaux en princes charmants. Au nom de l’anti-sexisme et du conformisme que les Grimm, Perrault et consorts passent donc au pilon !
Finalement, dans mon droit à la différence et comme nous sommes tous, individuellement, le poulet de grain, ou la confiture de fraise, de quelqu’un d’autre, laissez moi être parfois, souvent pour les plus exigeants d’entre vous, le ou la vôtre. Pour ceux qui continuent à suivre, à l’occasion du prochain billet, nous parlerons de casquette à carreaux et de chocolat en poudre…
Fabrice Simoes