La structure ultra-moderne inaugurée à Jeu-les-Bois est avant tout un centre de recherche. Jean-Paul Girault y tient par dessus tout.
Jean-Paul Girault voit le bout du tunnel. L’inauguration de la structure d’engraissement le 20 juin à Jeu-les-Bois est le résultat de cinq années de casse tête pour le vice-président de la Chambre d’Agriculture de l’Indre qui est d’abord éleveur à Chasseneuil. Cette mission menée à bien il pourra transmettre son entreprise à son fils et revenir à son premier amour : le foot. « J’y ai joué pendant trente-cinq ans et à présent que l’heure de la retraite a sonné j’ai bien l’intention de consacrer une partie de mon temps aux équipes de jeunes de Saint-Gaultier. » Pas question d’engraissement cette fois-ci, la silhouette de Jean-Paul Girault est d’ailleurs celle d’un sportif, ses multiples activités, avec une présence physique sur le terrain, ne sont peut-être pas étrangères à cette allure de jeune homme.
En accueillant les élus et partenaires qui l’ont aidé à mettre sur pieds ce superbe outil, il y avait, à l’évidence, de l’émotion dans les mots du président de la ferme des Bordes. Il avait le droit d’être ému. Lorsqu’on circule sur la petite route qui conduit à Jeu-les-Bois le bâtiment d’engraissement ne passe pas inaperçu. D’autant moins que l’on aperçoit en transparence la passerelle en bois massif qui permet d’aller d’un bout à l’autre des box en circulant au dessus des lots de bovins, objets de toutes les attentions des techniciens.
Ces bovins reçoivent des rations de nourriture à base de fourrages et de compléments céréaliers dosés et distribuées par un robot qui circule lui aussi au dessus des box. La paille est également livrée automatiquement et c’est par leurs déplacements sur un sol au plan incliné qu’ils font descendre le fumier qu’il ne reste plus qu’à racler en faisant passer une lame dans le caniveau à l’avant du box. Contrepartie de ce régime princier, ils passent régulièrement à la pesée, elle aussi automatisée et où des capteurs enregistrent automatiquement les données à partir des boucles des animaux, pour vérifier à quel rythme ils passent des 300 kg de leur poids d’arrivée aux 600 kg qu’ils afficheront sur la bascule au moment de prendre le chemin de l’abattoir.
Quatre chambres, deux régions
La ferme des Bordes, une des quatre stations de valorisation de l’élevage d’Arvalis, l’Institut du Végétal a quatre parrains : les chambres d’agriculture de l’Indre, du Cher, de la Creuse et de la Haute-Vienne. Elle dépend du même coup de deux régions différentes : Centre-Val de Loire et Nouvelle Aquitaine. Pas inutile lorsque l’on envisage un investissement de 1 320 000 € pour un établissement dont le budget de fonctionnement est de
500 000 €. Par le biais des régions les fonds européens ont été mobilisés et le Crédit Agricole Centre Ouest a été le banquier de la nouvelle structure (la banque verte comptait d’ailleurs la ferme des Bordes parmi les derniers lauréats de ses « Rubans Verts »).
Des différentes allocutions prononcées à l’occasion de cette inauguration on retiendra, même si le mot peut choquer, que la survie de l’élevage français est lié à la rentabilité de leurs exploitations. Les recherches menées aux Bordes sont destinées à améliorer l’efficacité de l’alimentation : « En respectant l’environnement et en tenant compte du confort de l’animal, » précise Nicolas Dagorn, l’ingénieur fourrages d’Arvalis attaché à la ferme expérimentale des Bordes. Mais il s’agit aussi d’être à l’écoute des nouveaux marchés, asiatiques en particulier. « Le Japon et la Chine sont demandeurs de viande très grasses et il va falloir mener une expérimentation sur la vache de réforme, en gros oublier ce que l’on a fait depuis des années, s’amuse Jean-Paul Girault, pour répondre à cette nouvelle demande. »
L’existence de cette ferme expérimentale ne s’oppose en rien aux circuits courts et ne contribue pas forcément à imposer les races limousine et charolaise au détriment de toutes les races locales. Les éléments tirés de ses expérimentations peuvent être utiles à tous les éleveurs. Ingénieur Arvalis, Alexis Ferard, présent à cette inauguration élève pour sa part « des Nantaises, une race réputée pour sa rusticité, qui peuvent être commercialisées sur un micro marché. »
Des portes ouvertes avaient été organisées à l’occasion de cette inauguration, mais si vous passez à proximité de la ferme, tentez votre chance et allez y jeter un coup d’œil.
Pierre Belsœur
La ferme des Bordes partenaire du monde agricole
Depuis 1975 la Ferme des Bordes est un support d’expérimentation pour les éleveurs bovins. Le nouveau bâtiment est l’outil destiné à mener à bien ces recherches, mais à aucun moment le modèle à adopter pour être un éleveur moderne ! Elle fonctionne d’ailleurs en relations avec ses voisins pour l’approvisionnement en fourrage et en céréales, avec en particulier des échanges paille-fumier avec les céréaliers.
Son but, c’est de mettre au point des méthodes d’alimentation, à base de fourrage les plus efficaces possible, à la disposition des éleveurs en fonction du produit qu’ils souhaitent commercialiser. Car encore une fois, ne nous voilons pas la face, si on veut continuer à voir des bovins dans nos champs qui participent à l’entretien du paysage, il faut que les éleveurs puissent vivre de leur travail. La fin du blocus de la Chine à la viande de bœuf française est une bonne nouvelle. Travailler pour l’export n’empêche pas de produire en respectant le bien-être animal, les Chinois sont d’ailleurs de plus en plus sourcilleux en matière d’environnement et de développement durable. Et l’expérimentation peut à l’évidence permettre de mettre au point des techniques naturelles en oubliant la triste époque où l’on a compté sur la chimie pour doper la production.
P.B.