Table ronde autour et sur l’apprentissage annonçait l’invitation lancée par Stéphane Buret, président de la Chambre de Métiers et de l’Apprentissage de Loir-et-Cher (CMA 41), en présence des députés et des sénateurs du département. Questions, réponses….
Seuls, Marc Fesneau et Guillaume Peltier, les députés du Nord et du Sud, avaient répondu présents. Avec en plus, un ancien député d’Indre-et-Loire, Jean-Patrick Gille, actuel conseiller régional et qui exerça les fonctions de directeur de centre de formation pendant plus de 15 ans. Affirmer qu’on a appris du nouveau à l’issue de cette réunion, fort intéressante, transformerait la vérité, mais on y a dégagé certaines pistes pouvant accompagner, si elles sont prises en compte, la grande réforme que va vivre l’apprentissage dans les prochaines années. Chacun(e) attend beaucoup du projet global même s’il ne prend pas en compte les réalités du terrain. Certaines régions, comme celle du Centre-Val de Loire, ont pris en compte les attentes des artisans et chefs d’entreprises ayant besoin d’apprentis alors que d’autres ont plus ou moins délaissé ce créneau, quitte à en récupérer, demain, des subsides après la réforme, alors que la région Centre, par exemple, verra passer ses crédits en formation de 69 millions d’euros à 11… Comprenne qui pourra.
Dans les questions soulevées, il conviendrait de faire baisser le taux de rupture de contrats en cours d’année (40% en moyenne), de convaincre les hauts responsables de l’Éducation nationale de bien et mieux former les élèves en primaire avant de les lancer dans le secondaire où on ne fait que remettre à niveau les lacunes, de trouver des logements quitte à pratiquer la cohabitation intergénérationnelle pour les jeunes, en zones rurales, surtout, car il y a bon nombre de maisons vides ou habitées que par une personne.
Il convient, aussi, de convaincre les parents que l’apprentissage peut être une voie royale de formation et non une impasse pour leurs rejetons. L’idée de dénommer les centres de formation, type CFA, du nom de lycée a été évoquée tout comme le démarrage possible de tout apprentissage à 14 ans et non 16 comme actuellement.
Un artisan actif devrait devenir un ambassadeur pour vanter son apprentissage et son cursus auprès de scolaires et, enfin, une prime de carburant devrait être attribuée à tout apprenti utilisant son cyclomoteur ou une voiture pour se rendre chez son maître de formation ou s’y faire accompagner par ses parents.
Certains chefs d’entreprise pourraient devenir aussi des formateurs rejoignant les équipes en place dans les CFA pour prouver que l’apprentissage n’est pas une voie de garage.
Reste à savoir ce qu’il restera de tout cela quand la réforme annoncée se mettra en place et qu’un grand bigbang révolutionnera ce qui est écrit dans le marbre ou l’acier depuis la nuit des temps en matière de formation et transmission de savoirs… Wait and See… A suivre…
Jules Zérizer
Précisions chiffrées
1.583 personnes sont inscrites, actuellement, en contrat d’apprentissage en Loir-et-Cher depuis la rentrée scolaire dernière, et ce, jusqu’au 30 juin prochain. 6,6% des jeunes
en âge de scolarité (15-20 ans) sont en apprentissage et le CAP est préparé à 70%, devant le brevet professionnel (11), le brevet de technicien supérieur (5,5), la mention complémentaire (2) et le brevet de technique des métiers (1,7).
J.Z.
Pendant ce temps-là, les entreprises artisanales reprennent des couleurs
L’embellie ressentie depuis 2016 est certifiée à l’appui de chiffres et de graphiques par les Chambre de métiers et de l’artisanat de Loir-et-Cher et du Loiret : la dernière lettre de conjoncture signée par l’Observatoire de l’économie et des territoires insiste sur le fait que « pour la première fois depuis le lancement de cette enquête en 2013, la part des artisans ayant constaté une hausse de leur niveau d’activité sur le dernier trimestre est plus élevée que la part de ceux ayant connu une baisse de leurs ventes. » De façon très positive, les chambres consulaires affirment même que « les années noires de la morosité semblent être définitivement derrière les artisans dont le moral s’améliore, notamment du côté du bâtiment dont le carnet de commandes se remplit. » L’Institut Supérieur des Métiers/Maaf établissait déjà le même constat il y a un an, confirmant la reprise engagée depuis 2016. L’artisanat ne connaît plus la crise, les voyants sont au vert. Pour preuve, en région Centre-Val de Loire, l’investissement se développe, le niveau de trésorerie est plus satisfaisant et les créations d’emplois dépassent les suppressions, et fait important, le recrutement de jeunes en apprentissage est également en croissance. Une dernière tendance à nuancer et à pérenniser, au regard des charges pesant sur les entreprises et au volume de travail ressenti comme insuffisant et constituant encore le premier motif pour ne pas former d’apprenti….
E.R.
Témoignage
« Ce n’est pas l’apprentissage qu’il faut réformer mais le système éducatif »
Franck Barras, maître artisan d’art en menuiserie à Saint-Aignan-sur-Cher, a formé plus d’une trentaine d’apprentis dont trois majors de promotion. Très investi dans l’apprentissage, il parle sans concession du système éducatif français.
« L’apprentissage a des vertus énormes car il permet au jeune de se plonger tout de suite dans le monde du travail, de voir la réalité du métier qu’il sera amené à exercer. La formation théorique ne permet pas de connaître un métier, c’est en l’exerçant qu’on l’apprend. En le faisant et refaisant, on s’enrichit tous les jours. Et cela est valable bien sûr pour les professions de l’artisanat, de l’hôtellerie mais aussi pour beaucoup d’autres métiers. En médecine par exemple, ce n’est que le jour où l’on est confronté aux gardes, au sang, à la mort que l’on saisit vraiment les contraintes de ce travail. A mon sens, ce n’est pas l’apprentissage qu’il faudrait réformer mais le système éducatif. Aujourd’hui on fait les choses à l’envers, on éduque les élèves mais on ne les forme pas à un travail. Le système éducatif doit être revu dès la primaire afin de faire voir les métiers dès le plus jeune âge. Il faut réintroduire les gestes manuels et du concret à l’école. Il est également important qu’au moment du choix de l’orientation professionnelle, entre la 3e et la 2de, on permette aux jeunes de découvrir toutes sortes de métiers.
Les vertus de l’apprentissage
L’apprentissage ne doit pas être une voie de garage, on doit y aller par conviction. C’est une vraie chance pour nombre d’élèves, car le travail est motivant et valorisant. Un gamin en échec scolaire qui réussit à réaliser un ouvrage reprend confiance en lui. La formation proposée par les CFA est adaptée au monde du travail, les jeunes apprennent les règles de vie de l’entreprise, comme la ponctualité par exemple. Il y a de très belles histoires, comme ce garçon arrivé comme apprenti et qui ne savait pas lire. L’école avait échoué mais avec son apprentissage, il a appris à lire et a réussi son CAP. Il exerce aujourd’hui dans le Massif central et est papa de deux enfants. »
F.R.
Les principaux axes de la réforme de l’apprentissage*
Le salaire des apprentis de 16 à 20 ans sera revu à la hausse. Lors de l’entrée en vigueur de la réforme, ils gagneront 715 euros contre 685 euros aujourd’hui, soit un gain de 30 euros.
Les jeunes de moins de 18 ans en apprentissage pourront bénéficier d’une aide de 500 euros pour passer le permis de conduire.
Pour remédier à la mauvaise image dont souffre l’apprentissage, le gouvernement prévoit la mise en place de journées d’information en 4e, 3e, seconde et première. Les élèves pourront ainsi faire la rencontre d’apprentis, de chefs d’entreprise ou de salariés qui mettront en avant leur savoir-faire et les débouchés.
Pour le moment, l’apprentissage est ouvert jusqu’à 26 ans. Le gouvernement compte repousser l’âge jusqu’à 30 ans, notamment dans le but de faciliter les reconversions professionnelles.
Le gouvernement promet de financer tous les contrats d’apprentissage quelle que soit la taille de l’entreprise ou le secteur d’activité.
Chaque année, 15 000 apprentis pourront bénéficier du programme Erasmus au même titre que les étudiants dans les universités.
La réforme de l’apprentissage souhaite augmenter le temps de travail notamment sur les chantiers et dans la boulangerie-pâtisserie.
Le projet de loi compte donner plus de pouvoir aux centres de formation et d’apprentissage (CFA).
Le financement des CFA sera fonction du nombre de contrats. Le gouvernement compte également remplacer la taxe d’apprentissage par une « contribution alternance ». Ce sont les partenaires sociaux qui définiront le montant de la contribution.
F.R.
*Le projet de loi sur la réforme de l’apprentissage devrait être présenté en avril en Conseil des ministres.