A la campagne – Aide Agri 41 accompagne les reconversions d’agriculteurs



Lancée en 2011, l’association Aide Agri 41 met en place des dispositifs pour les agriculteurs en difficulté. A l’initiative conjointe du préfet et de la Chambre d’agriculture, avec le soutien de la Direccte* et de nombreux partenaires financiers ou mutualistes. L’objectif est de « ne laisser personne au bord de la route ».
2016, annus horribilis : aléas climatiques, récoltes noyées avant d’avoir atteint la maturité, gel tardif, etc. Cette année-là, 30 % des exploitations agricoles ont été fragilisées (environ 1 000 exploitations) ; 150 agriculteurs loir-et-chériens avaient été identifiés « en grandes difficultés ». On croyait que 2017 viendrait arranger les choses : nenni. Toutes les situations n’ont pas été redressées, là encore à cause du gel, de récoltes hétérogènes et de cours dépressifs. Aide Agri 41 a accompagné 42 dossiers, autant d’exploitants, le double de 2016. Le revenu moyen de plus de 400 entreprises sur 3 ans est inférieur à 4 200 €. Les revenus des agriculteurs ont chuté en moyenne de 65 % en 5 ans. Qui peut supporter cela ? Les agriculteurs eux-mêmes, durs au mal, peu prolixes dès qu’il s’agit d’évoquer leurs difficultés, et souvent pris en étau par des créances à rembourser, et le sentiment persistant qu’ils ne peuvent de toute façon pas faire autre chose.

C’est l’agriculteur qui prend lui-même la décision
« Le plus difficile demeure la phase de détection », explique Philippe Noyau, président de la Chambre d’agriculture en marge de l’assemblée générale d’Aide Agri 41, jeudi 8 mars dernier. « Tout le monde ne passera pas en circuit court : en Loir-et-Cher, 20 % des exploitations le sont », ajoute-il. « C’est difficile d’admettre pour un agriculteur qui s’installe que ça ne pourra être qu’une étape, qu’un jour il pourra arrêter et faire autre chose dans un autre domaine », précise Estelle Rondreux, directrice départementale des territoires (DDT). Les plans sur cinq ans sont caducs dès la deuxième année. Alors pour éviter qu’il y ait « des trous dans la raquette » comme dit Jean-Pierre Condemine, préfet de Loir-et-Cher, Aide Agri 41 met en place une série de dispositifs pour aider les agriculteurs qui le souhaitent à envisager une reconversion. Formations et accompagnement au changement, bilans de compétences, coaching RH, et même des séjours dans un centre de vacances (au Croisic) pour souffler, ou encore des groupes de paroles et de relaxation. Regrouper les créanciers pour trouver des solutions, faire le point, comment payer les factures, retrouver de la trésorerie et potentiellement envisager un arrêt d’activité. « Poser les valises », dit Philippe Noyau. « Comment rebondir ? Là est la question. D’abord on passe trois jours avec l’agriculteur mais attention : c’est lui qui trouve la solution, à aucun moment quelqu’un ne lui dit exactement ce qu’il faut qu’il fasse. La décision d’arrêter ou de continuer est une décision personnelle ».

« Ils ont des qualités qui peuvent servir à une reconversion »
52 entreprises ont été rencontrées en 2017, 8 sont en cours d’arrêt, et 20 sont en cours d’arrêt « fortement conseillé ». « Les agriculteurs ont une capacité à résister globalement plus forte que la moyenne, mais à quel coût en terme de santé physique et morale ? » souffle le président de la Chambre d’agriculture. Parmi les reconversions possibles pour ces exploitants très attachés à la ruralité : la reprise de commerces en zone rurale, leur expérience de chef d’entreprise les mettant sur la voie. Tel viticulteur qui s’apprête à faire plus de vente de vin que de production. Ou un céréalier qui, grâce à son réseau, va se reconvertir dans les travaux publics… « Ce qui est difficile à vivre, c’est que ces agriculteurs, la plupart âgés entre 40 et 55 ans environ, travaillent bien, beaucoup, mais leur entreprise est un échec », explique Jean-Paul Boiron, président d’Aide Agri 41. De l’avis de tous : « Ils travaillent dur, ont des horaires flexibles, et sont imaginatifs : ce sont des qualités qui peuvent leur servir pour une reconversion ». Mais c’est souvent très dur à admettre.

Frédéric Sabourin

* Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.