Châteauroux
Près de six cents spectateurs à Equinoxe pour Henri VI, pièce monumentale de Shakespeare. Huit heures d’un spectacle emballant. Et encore ce n’était que la première partie ! Rendez-vous pour la suite le 6 décembre.
Treize heures cinquante cinq, le premier très beau dimanche de l’année, des spectateurs équipés de cabas profitent des rayons enfin chauds du soleil. On les sent concentrés, heureux d’être-là un peu inquiets tout de même par le défi qu’ils se sont lancé : huit heures trente, dont six de spectacle, avec Shakespeare. La guerre de cent ans et ses conséquences juste après le déjeuner dominical. Peut-être un peu lourd à digérer non ?
Le hall d’Equinoxe est en configuration accueil d’urgences pour les sinistrés de la neige. Des rangées de chaises attendent les spectateurs pendant les entr’actes pour un casse-croûte tiré du sac. La maison fournit cafés et jus de fruits. Toute l’équipe d’Equinoxe est sur le pont pour assurer le service.
François Claude, maître de cérémonie habituel des spectacles donnés en sa maison est aux anges au moment de frapper les trois coups. « Vous êtes près de six cents pour tenter cette expérience théâtrale. Mais ne soyez pas inquiets. Avec ce spectacle mis en scène par Thomas Jolly vous ne verrez pas le temps passer. »
Effectivement la première partie passe comme un rêve, rassurés par la Rhapsode Manon Thorel qui intervient entre les changements de décors pour résumer l’histoire s’excuser des scènes manquantes (eh oui, on a abrégé Shakespeare !) les spectateurs restent bien dans l’allure. Ils savourent les tirades shakespeariennes et les bouffonneries dont le maître anglais était également friand.
Casse-croûte et vie de troupe
Il fait toujours aussi beau quatre-vingt-dix minutes plus tard pour la première pause. On commente au soleil les trouvailles de la mise en scène, le rythme infernal des changements de costumes de ce spectacle qui ressemble par moment à une BD.
Si la première partie a semblé courte, la pause l’est bien plus encore pour les dames. Elles représentent 75 % du public, or les toilettes d’Equinoxe respectent une stricte parité…
C’est reparti. Notre Jeanne D’Arc à perruque bleu fluo n’en finit pas de défier les Anglais avant de finir brûlée au sommet d’un amas de chaises en paille… qui servaient auparavant de chevaux aux cavaliers des deux armées. On a beaucoup ri, encore, avec Manon Thorel et nous voici déjà à mi-spectacle prêts à passer à table. La maison s’est associée au Bureau Interprofessionnel des vins du Centre pour nous proposer les six appellations, accompagnement luxueux de notre casse-croûte.
Dans la coulisse, Henri VI déguste un taboulé en discutant avec Jeanne La Pucelle, bien remise de son supplice. On parle vie quotidienne. Pour la plupart des spectateurs ce voyage théâtral au long cours est une première. Pour eux c’est la cinquante-sixième représentation. Ce qui change en fait c’est le plateau, auquel il faut s’adapter pour une seule représentation, le plus souvent. Derrière le décor avec la multiplication des portants et des accessoires, il est plus compliqué de mémoriser la place de sa veste que son texte.
Les seules à ne pas avoir droit à la pause dîner sont les techniciens, occupés à rendre la scène présentable, après la spectaculaire intervention du canon à confetti. Thomas Jolly lui non plus n’a guère soufflé. Chaussé des bottines de John Talbot il était l’invité de RCF qui avait installé son studio dans le hall d’Equinoxe pour une émission en direct.
Les rangs s’étaient légèrement éclaircis à l’attaque des trois dernières heures, mais les fondus de théâtre, venus parfois d’au-delà des frontières du département, ne lâchaient rien. Pas plus que les lycéens des sections théâtre, qui se préparent à voir disparaître, lâchement assassiné, le duc de Gloucester. Dommage, son accent anglais était un modèle pour leurs exercices de prononciation.
Ces jeunes, on les retrouvera à coup sûr le 6 décembre, pour la suite. « Finalement ça a passé vite. » C’est vrai qu’avec leur consommations de séries, avalées par paquets de six ou huit, ils ont l’entraînement ! Shakespeare était vraiment en avance sur son temps.
Pierre Belsoeur