Entre l’idiotisme destructif, « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l‘avoir tué ». On confirme, il ne faut pas tuer les ours. Particulièrement dans le Pyrénées où c’est interdit. Entre l’idiotisme commercial, « c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses », ou nettement plus musical, « c’est à la fin du bal qu’on paye les musiciens ». Avant le passage des services techniques évidemment, mais après le dernier verre de rosé limé et la fermeture du manège carré. Entre le très volaillé, « il ne faut pas compter les œufs dans le cul de la poule ». Les dictons populaires, associés à un minimum de pragmatisme, sont nombreux pour indiquer que jamais, vraiment jamais, il ne faut se voir plus beau que l’on est. Parce que, parfois, les mouches changent d’âne et la cabane tombe sur le chien… Les dernières élections législatives en sont une preuve supplémentaire.
En haut de l’affiche, il se voyait déjà le petit Jordan. Il cochait toutes les bonnes cases. Le cœur léger et le bagage mince, il était certain de conquérir Paris. Ça c’est ok ! Chez le tailleur le plus chic, il avait fait faire ce complet bleu qui était du dernier cri. C’est bon aussi. Il se voyait déjà adulé et riche, signant des photos aux admirateurs qui se bousculaient. La deuxième partie était acquise pareillement. Même le « J’étais le plus grand des grands fantaisistes » matchait aussi, c’est dire. À l’inverse de la chanson de Charles Aznavour – un Arménien en plus- lui avait trouvé son public.
Avant le deuxième tour des législatives, à trop vouloir se la jouer façon Iznogoud. Calife à la place du calife, il croyait que le fauteuil d’Haroun El Poussah lui était dévolu d’avance. Les sondages ne disaient pas autre chose. On allait voir ce qu’on allait voir. Et tous les adversaires islamo-gauchistes, catholico-droitistes – non pas eux, on a dit pas les fachos- d’être voués au supplice du pal. Un pieu vœu pour économiser les balles peut-être. Évidemment, on ne parle pas, ici, du zoo éponyme. Ce n‘était certes pas exactement les mêmes méthodes que celles imaginées par Tabary, le créateur des héros de la BD. Cependant, les prétentions étaient bien identiques. Las, le Front Républicain a étonnement fonctionné. Une dernière fois, ajoute-t-on dans les milieux autorisés. Certes, statistiquement ce fut un fonctionnement un peu plus usité chez les gens de gauche que chez les gens de droite. Il faut bien reconnaître que l’humanisme des électeurs lambda est à géométrie variable, au regard des émissions d’Hanouna et Praud, le Pascal qui ne vaut vraiment pas cinq cent balles. En une semaine, le petit Jordan a fait preuve d’un manque de sagesse, erreur de jeunesse probablement, et oublié de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. Gâcher en quelques jours ce qui avait été mis en place pendant plusieurs années, c’est ballot. Depuis, on ne l‘entend pas plus que Guy Lux un soir d’un agressif lancer de cacahuètes à Intervilles.
Les tenants de la démocratie ne doivent pas se réjouir pour autant. Il est certain que la leçon sera retenue et que, pour la prochaine fois, ça devrait mieux se passer. La machine à gonfler les rangs du RN et à rendre crédible le populisme exacerbé, tout comme les passerelles entre la droite républicaine et l’extrême droite, sont d’ores et déjà installées à l’Assemblée Nationale. Il faudra cependant encore un peu de patience pour les gars, et les filles, de la Marine. Juste le temps d’envoyer voir chez les Grecs, ou ailleurs si affinités, ou plus facilement les éradiquer, les suppôts de Bakounine, les adorateurs de Proudhon, les fanatiques de Marx et tous les autres, même les rose pâle.
Et dire que si on avait su que pour Jordan, atteindre le sommet de la politique en France, en 2024, ce n’était rien d’autre qu’une question de visibilité aux JO. Devenir Premier ministre parce qu’on n’a pas pu avoir de place en tribune officielle à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, on a connu des motivations nettement moins ludiques et on aurait pu s’arranger autrement …
Fabrice Simoes