Et ils pompent toujours


C’est dit, c’est quasiment fait. La fiche de paye n’est pas compréhensible… simplifions la. « La route est droite, mais la pente est forte » du rockeur-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a donc fait des émules parmi la jeune classe politique, la moins jeune aussi. Alors que l’on va fêter le 56e anniversaire des Shadoks, des pompeurs indécrottables créés en 1968 quelques jours avant la macro-révolution sociale de mai, les dogmes de ce grand précurseur adepte du grand professeur Shadoko sont toujours d’actualité.
Il suffit de regarder de plus près la présentation et la conception de ces nouvelles fiches de paye. Sous couvert de faire plus simple, on se retrouve avec un outil usine à gaz à la Ga Bu Zo Meu. Surtout, elle permet la possibilité d’un grand fourre-tout facilement abscons. Plus tu cours moins vite, moins tu vas rapidement. Voilà un précepte qu’il ne faut surtout pas confondre avec moins tu pédales vite, plus tu as de chance de te vautrer par terre. Cette manière de procéder, proche de la méthode Coué, entre sciemment dans le domaine de l’infantilisation et devrait être interdite en raison de sa nocivité à court terme. La finalité, c’est d’obliger les Gibis -les opposés des Shadoks- à perdre leur chapeau et rejoindre un bras de la pompe. À l’heure où les mots perdent de leurs valeurs parce ce que l’on ne connaît même plus leur sens, l’interprétation devient le plus souvent erronée. Quant à envisager d’en faire la remarque, il est toujours facile de rétorquer qu’il ne faut pas jouer sur les mots. La simplification est à la démocratie ce qu’est une lettre des Apôtres, un verset, une sourate, et autres mantras dans une quelconque religion. Comment appeler autrement ce type de pratique.
La disparition du sens critique pour le remplacer par des dogmes est un phénomène vieux comme le monde appliqué désormais à des méthodes modernes. Faire disparaître le réel et le supplanter par le ressenti, et s’appuyer là-dessus pour manipuler les opinions, c’est le travail de sape confié aux chaînes d’info en continu associées aux réseaux sociaux. Les premières, sous le prétexte d’information, ne sont que des miroirs grossissant amplificateur d’une idée choisie. Les deuxièmes ont, depuis leur création, prouvé leurs capacités à être de parfaits incubateurs de la connerie humaine. Comme un rebus Shadok en quelque sorte. La Bible et la méthode Trump sont seulement séparées par quelques dizaines de siècles et pourtant cette manipulation des masses n’a pas d’autre objectif que de créer des cases, des castes, pour ranger la populace. Mao et son petit livre rouge en sont une autre version évidemment. Pour certains, l’origine des espèces de Darwing en serait une aussi… C’est dire si la bêtise est une force puissante confrontée aux réalités de l’explication scientifique de la diversification des espèces naturelles. Ce n’est pas encore l’appropriation d’une partie de multivers mais déjà des réalités alternatives proposées à ceux qui veulent bien s’en servir. C’est la mise en œuvre de la stratégie selon Donald – toute ressemblance avec le divin plombier rival du grand Shadoko n’est absolument pas fortuite- mais aussi celle de tous les complotistes, platistes compris. Comme les Gibis, ils croient que la terre est plate et que le déplacement des masses, d’un côté ou de l’autre, ferait basculer le monde. Ces vérités à choisir en fonction des affinités vont dans un sens identique. Là, c’est d’autant plus subtil que rien n’est vrai mais tout n’est pas faux … Une preuve s’il en était besoin que, si jusqu’à présent, on avait tendance à nous prendre pour des imbéciles, désormais, on ne se cache même plus pour nous le faire savoir.
Comme aurait déclaré Claude Pieplu, la voix du feuilleton, « En essayant continuellement, on finit par réussir… Donc plus ça rate, plus on a de chances que ça marche. » Le dernier et nouvel épisode des Shadoks se répète bel et bien à l’infini. Une seule question se pose maintenant : êtes-vous certain qu’il soit nécessaire d’arrêter de pomper, là ?

Fabrice Simoes