Il y a trois ans, des Journées parlementaires MoDem avaient été organisées à Cheverny. Cette fois, c’était carrément un congrès, celui du Mouvement Démocrate donc, dans l’enceinte de la salle du Jeu de Paume à Blois, les 23 et 24 mars. Officiellement, ce weekend d’ampleur avait pour objectif de fêter le centenaire du MoDem depuis le Centre-Val de Loire. Mais également en filigrane, de parler stratégie électorale.
Les racines loir-et-chériennes du ministre de l’agriculture, Marc Fesneau et de la députée qui fut sa suppléante, Mathilde Desjonquères (*), ne sont sans aucun doute pas étrangères à ce choix de localité géographiquement centrale, à proximité de l’Ile-de-France et par conséquent facile d’accès pour tous les invités. Beaucoup d’invités poids-lourds, des ex et nouveaux, bras armés, proches centristes, ou juste camarades satellites du macronisme, se sont succédés à la tribune pendant deux jours,les 23 et 24 mars, et sur la scène, depuis Blois, dans le cadre de ce congrès national du Mouvement Démocrate : l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, très en forme et plutôt brillante dans son propos quoi qu’on en pense, en terrain ami et donc sans 49.3 ici; le ministre de la justice, Éric Dupont-Moretti, qui aura pas mal pilonné les médias et la presse “libre qui doit aussi faire de l’introspection”; ou encore la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, sans oublier l’intervention d’un partenaire associé, le maire du Havre, ex Premier Ministre, Édouard Philippe (Horizons) en vidéo. Tables rondes, déjeuner musical avec le duo blésois « Elle et Lui », foodtrucks, et dîner rapide avant un conseil national nocturne, ont rythmé le samedi, 23 mars, sur divers sujets : planification écologique, démocratie, humanisme… Une sorte d’anniversaire bilan entre militants et sympathisants. Une exposition dans l’enceinte du Jeu de paume, de très bonne teneur, regroupant des affiches d’autrefois, des objets de campagne déroutants (jeu de cartes giscardien, petite voiture Raymond Barre, etc.), et autres goodies d’une époque révolue, aurait en sus presque valu la visite d’un public scolaire pour une leçon d’éducation civique.Quant aux quelques manifestants (agriculteurs, CGT, etc.), qui auront tenté de rythmer l’extérieur de la salle, cela n’aura guère perturbé ce petit monde. Évidemment, derrière ce semblant d’innocence et de fête bon enfant sur un mode quasiment de cousinade, avec des t-shirts pour “sexy centriste”, il s’agissait néanmoins pour le MoDem de préparer l’avenir. Des élections européennes auront en effet lieu le 9 juin 2024, dans un contexte où le Rassemblement national est donné en tête dans les sondages depuis des semaines…
La proportionnelle aux législatives pour carte
Si le samedi, certains pontes du parti dit démocrate minimisaient de façade l’importance de cette échéance électorale dans la balance des futurs résultats de la présidentielle de 2027, le dimanche 24 mars fut beaucoup plus axé sur cette date du 9 juin. Le déplacement à Blois la veille en soirée, à l’heure de l’apéro, du Premier ministre, Gabriel Attal, ainsi que son discours, aura commencé à encourager les troupes présentes à Blois (entre 850 et 1000 selon les organisateurs), à se mobiliser l’air de rien. Telle une rock star, M. Attal se sera attardé pour boire un verre de Cheverny, accorder des selfies à l’envi et faire circuler sa bonne communication : “ne laisser personne, personne, nous faire la leçon”. Le décor ainsi assis, le lendemain, le dimanche 24 mars,le scrutin européen 2024 a été abordé. La présence de la députée européenne, candidate qui mène la liste proposée cette année, Valérie Hayer, rayonnante et à l’aise, aura appuyé le thème dominical. Là encore, discrètement, de manière non véhémente, sans avoir l’air d’y toucher. François Bayrou, réélu à 88,1 % à la présidence du MoDem (un “score poutinien” d’après l’assemblée), a pendant un long discours d’une heure, su ménager la chèvre et le chou, et avancer les pions, sans cibler, sans attaquer, sans agresser, préférant parler “du besoin d’un projet non pas d’espérance mais d’espoir car c’est concret”; bien sûr, le leur. Une démonstration de leur force tranquille ? Qui disait presque à Blois, entre les lignes : “rien ne sert de courir, il suffit de partir à point.” Enfin, l’idée (enterrée en 2021, re-suggérée par RN et LFI en 2023) d’introduction d’une dose de proportionnelle aux élections législatives de 2027, d’après M. Bayrou, comme “garde-fou impossible à détruire, contre les extrêmes”, aura été dégainée à Blois comme l’une des cartes nichées dans la manche de ces démocrates peut-être pas aussi tranquilles que ça.
Émilie Rencien
(*) Le nom de Jacqueline Gourault a régulièrement été cité. L’ancienne ministre loir-et-chérienne n’était pas présente à Blois; son poste de membre au Conseil constitutionnel lui impose une réserve, lui interdisant dorénavant ce genre d’apparitions. Le patronyme de la conseillère départementale, la blésoise Marie-Hélène Millet, a de plus été publiquement mentionné par Marc Fesneau et François Bayrou pour son “fidèle engagement de militante sans faille”. L’émotion a été enfin vive en évoquant l’ancienne ministre, Marielle de Sarnez, disparue en 2021.
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Le maire de Blois “évité” …
C’est comme souvent, lorsqu’il a des messages à faire passer, sur ses réseaux sociaux que Marc Gricourt, édile socialiste de la ville de Blois, a poussé son coup de gueule suite à la tenue du congrès du MoDem dans sa municipalité. En ligne, il a écrit : “Notre ville est toujours heureuse d’accueillir des congrès, un tourisme d’affaires en développement important depuis quatre ans; c’est positif pour l’économie locale. Ce congrès national du Modem est le bienvenu. Bien qu’étant de gauche et contre les politiques de Macron et de ses majorités, je suis juste surpris de n’avoir pas eu de proposition des organisateurs pour un mot d’accueil Républicain, ce qui traditionnellement se fait. Dans une période où plus que jamais, face à l’extrême droite, les partis devraient selon moi marquer les principes de respect et de politesse entre les formations démocratiques et républicaines.” En coulisses, il se murmurait que le président de la Communauté d’agglomération de Blois, Agglopolys, Christophe Degruelle (PS), avait, lui, été officiellement invité, mais aurait décliné, le maire Gricourt n’ayant pas en effet reçu son carton également. Une invitation simple donc, jugée au-delà de la bienséance, mais s‘expliquant sans doute du fait que l’évènement se déroulait au Jeu de Paume, salle qui est intercommunale et non municipale ? Par ailleurs, le ministre Marc Fesneau a nié avoir choisi Blois du fait de volontés centristes de briguer cette mairie en 2026…
É.R.