In extenso, la citation signée Simone Veil, qui aura à n’en pas douter au XXe siècle, inspiré plus d’une génération de femmes, affirme exactement : « Ma revendication en tant que femme, c’est que ma différence soit prise en compte, que je ne sois pas contrainte de m’adapter au modèle masculin.» Depuis le 31 décembre 2023, pendant la traditionnelle allocution de vœux puis lors d’une conférence de presse parisienne fleuve, retransmises à la télévision, un homme, le Président de la République, Emmanuel Macron, appelle de ses souhaits, un peu comme nous l’avions écrit dans notre premier billet de l’année, pour ce nouveau chapitre 2024 qui s’ouvre et qu’il reste à écrire, “de l’audace” et “du bon sens”, notamment. Espérons. Aussi et surtout, ce chef de l’État met en avant, tel un leitmotiv-gimmick, le « réarmement » de la France. Civique, technologique, agricole … et même un « réarmement démographique » face à la baisse de la natalité et l’infertilité.
Sans être ni (trop) féministe, ni sexiste, ni hystérique, le terme n’est guère bienheureux et imprime de prime abord une sensation de vieux principes au relent d’outre-tombe. Pas de quoi non plus fouetter un chat, mais cela n’aura pas manqué, cela aura ébouriffé quelques réactionnaires de tous poils, y percevant l’ombre planante d’une politique de natalité dictatoriale d’un autre temps et continent. Provoquant le retour du cri révulsé « bon sang, lâchez nos utérus! », en mimétisme avec celui prononcé par la députée écologiste Sandrine Rousseau il y a bientôt un an dans l’hémicycle national à l’encontre du RN et de LR, dans le cadre d’un échange où il avait déjà été suggéré d’ «améliorer le taux de fécondité pour garantir la pérennité du système par répartition ».
Pour étendre le propos en paraphrasant un autre ex de l’Élysée qui avait lancé une idée qui n’est pas notée dans la Constitution mais selon laquelle posséder une Rolex avant 50 ans valait signe de réussite, ainsi, ne pas avoir d’enfants avant (et après) 40 ans signifierait avoir raté sa vie. Et si je préfère une paire de Louboutin dans mon dressing ? Plus sérieusement, reconnaissons qu’une forte pression est exercée sur les femmes, parfois inconsciemment, parfois insidieusement, tant certains modèles sociétaux et familiaux, tenacement ancrés, formatent. Nous sommes assez pressées par une montre également célèbre, l’horloge biologique, sans devoir en rajouter…
A contrario, il y a eu cet au-revoir au pied du perron de Matignon, teinté d’un excellent précepte, à savoir : “Tenez bon”. Il est possible d’avoir un avis négatif concernant l’auteur de cette recommandation, Élisabeth Borne, du fait de ses 49-3 agressifs et intempestifs, de sa non bonhomie apparente (mais peut-être qu’au final, elle est super drôle en privé, en soirée,qui sait), etc.; il est toutefois possible de lui accorder au moins cette position, louable. D’autant plus qu’être une femme, qui plus est, dans une sphère de haut sommet politique, n’est pas forcément chose aisée au quotidien, et ce, encore au XXIe siècle. “Je le dis à toutes les femmes. Tenez bon, l’avenir vous appartient”.
Effectivement, nous sommes justement celles qui possédons ce point G, ce pouvoir caché qui dirige le monde, qui en est à l’origine : un utérus ! Attention à l’excès inverse : du patriarcat au matriarcat, il n’y a parfois qu’un pas hétéronormé, mais serait-il possible de cesser de placer les gens dans une case ? Les bonnes résolutions pouvant encore être prises, pensons plutôt comme une poupée russe. C’est-à-dire que les apparences peuvent être si trompeuses. Cela évitera au hasard à une autre Êve Gilles, Miss France, de se justifier sur sa coupe de cheveux à la garçonne. La gent masculine ne fonctionnera jamais comme la gent féminine; c’est scientifiquement prouvé, au-delà de la litote Mars-Vénus. Mais rassurez-vous, j’aime beaucoup les hommes, ainsi que les enfants; je ne suis pas non plus anti-chasse, bien que végétarienne; je ne suis pas “blonde” en dépit de ma passion pour la mode, etc. Évitons les étiquettes qui enferment et jugent… pour que toutes les différences soient (enfin) mieux prises en compte !
Émilie Rencien