Le monde de la boulangerie, en particulier, et celui de l’artisanat en général, sont en deuil, comme sa famille et ses nombreux proches. Jean-Paul Marchau, ancien président de la Chambre des métiers et de l’artisanat de Loir-et-Cher (CMA 41), a quitté ce Loir-et-Cher qu’il adorait, à la veille de ses 82 ans, en août, après une dure vie de labeur de plus de 67 ans au service du pain et de ses dérivés.
Plus qu’une marque, l’adresse du 147 avenue Maunoury à Blois a rayonné au firmament de la qualité et du service pendant plus de 70 ans, Jean-Paul Marchau ayant repris avec son épouse Claire, la boulangerie créée de toutes pièces dans les nouveaux quartiers «arides» de Blois-Ouest, par Micheline et Marcel Moyer, parents de Mme Marchau. Au cours de ses obsèques le 17 août dernier, en l’église de Cour-Cheverny la cérémonie religieuse, concélébrée par les pères Auclair et Pelat, a été suivie par une foule de personnalités et d’amis qui eut été bien plus dense s’il n’y avait eu les vacances estivales. Au nom de l’Ordre de la Légion d’honneur, le général (ER) Jean-Marie Beyer, ancien président départemental, salua la mémoire du disparu, né en Indre-et-Loire, et passé par Rambouillet, la Marne, la Haute Marne et le domaine de Chambord où son père Paul occupait le poste de régisseur…
Jean-Paul voulait devenir mécanicien, car touche-à-tout, mais le destin le dirigea vers un apprentissage dans une boulangerie de Mer avant un service militaire en Algérie.
Dès la reprise du commerce de l’avenue Maunoury, où il forma tout de même plus de 200 apprentis, dont deux installés en Loir-et-Cher à ce jour, Patrick à Châtres-sur-Cher et David à La Chapelle-Vendômoise, Jean-Paul s’engagea au service des autres. Les fonctions de président départemental du syndicat de la Boulangerie en Loir-et-Cher, juge au tribunal de Commerce, conseiller dans l’enseignement technique, président de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA) de Loir-et-Cher, pendant trois mandats, membre du CESR, aujourd’hui CESER (Conseil économique, social et environnement régional) de plusieurs comités, conseils et commissions professionnels, de jurys, etc., occupèrent sa vie. Les nuits étaient parfois courtes entre fournil et représentations publiques au service des autres. Le prix national de la dynamique artisanale en 1996, le grade de chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur en 1998, puis celui d’officier dix ans plus tard, récompensèrent cet engagement qui se concrétisa, aussi, pour la reconnaissance de la juste place de la femme dans la vie professionnelle et du statut de conjoint-collaborateur d’entreprise. Il s’était, également, investi dans la protection de l’environnement avec l’élaboration du label « Imprim’Vert » pour les imprimeries et l’ouverture des déchetteries aux artisans.
Homme libre
Jean-Paul Marchau se pencha toute sa vie sur la formation et il lança la création d’une entreprise d’entraînement pédagogique au sein de la CMA 41, puis du village des créateurs d’entreprises, sans oublier des essaimages en Albanie et des démonstrations au Japon, Vietnam, et même à l’Île Maurice car il voulait faire partager ses savoirs et ceux de la France en matière de boulangeries, pâtisseries et viennoiseries, sans frontières pour partager.
«Artisan incontesté, travailleur infatigable, interlocuteur unanimement respecté, Jean-Paul avait su rester humble et modeste», et il fit rejaillir sur l’ensemble de l’équipe de la Légion d’honneur du département son idée de créer un grand prix pour des apprentis particulièrement méritants qui, né en 2011, a distingué, à ce jour, 35 jeunes, femmes et hommes confondus, en toutes les spécialités ou spécialisations reliées à l’art manuel.
«Ce n’était pas un «causeu» mais un «faiseu», comme on dit par ici, un homme aux propos mesurés et justes, sobres, mais toujours percutants. Sa bienveillance n’était ni faiblesse ni complaisance. Détestant les compromissions, c’était un homme libre qui a eu une grande sagesse dans la conduite de sa vie, une force inébranlable dans l’action et la beauté du caractère. Durant toute sa vie professionnelle aussi, il s’était interdit de pénétrer dans une grande surface, refusant même l’invitation pressante et insistante du ministre Jack Lang lors d’une visite officielle d’un nouveau supermarché ouvert à Blois-La Quinière. Jean-Paul Marchau repose au cimetière de Cour-Cheverny, cité où il s’était retiré, et ce, à moins de cent mètres de sa maison…
Richard Ode