Sénat, ma retraite fantastique


Plutôt que de parler du sujet d’obsession actuelle, c’est-à-dire la réforme des retraites, et si nous nous penchions, pour rester à contre-courant comme nous aimons l’être, sur ce dont on bavarde moins à cet instant, les élections sénatoriales de cette année 2023 ? C’est un fait rapporté par Le Canard Enchaîné qui nous fait songer à ce rendez-vous électoral particulier (attendu pour septembre a priori). Le centriste Maurice Leroy, ex-député et ministre du Grand Paris pour Nicolas Sarkozy, parti depuis 2019 au pays de Vladimir Poutine pour élaborer le Grand Moscou, aurait utilisé un service postal logoté aux frais de la princesse Sénat, avec l’aide de son bon ami sénateur du Val de Cher Controis-Montrichardais en place, Jean-Marie Janssens (UC). Le duo affirme sa bonne foi, et avoir payé, ou être en passe de. Derrière le sourire naissant aux commissures des lèvres du quidam, peut-être n’est-ce finalement qu’un acte lapsus de « Momo », qui certes n’a jamais occupé un fauteuil dans l’hémicycle du palais du Luxembourg, mais lequel, dans un scénario de suspense d’avenir dans la veine d’un haletant «Bons baisers de Moscou », confirmerait un bruit persistant ? Un hourvari, qui narre depuis quatre ans au moins, que M. Leroy serait tenté d’essayer de revenir par une fenêtre, pour à nouveau peser sur la scène française. Alors, pourquoi pas les sénatoriales 2023 ?

En Loir-et-Cher, des patronymes circulent d’ores et déjà s’agissant d’éventuels postulants, de gauche à droite et plus : non pas Maurice Leroy, mais celui qui fut jadis son collaborateur parlementaire, Simon Houdebert, délégué départemental de l’UDi 41, maire adjoint de Vendôme, qui est en ce moment le collaborateur au Sénat, du précité Janssens. Toutefois, son jeune âge (30 ans) pourrait le désavantager pour une retraite dorée dans le cadre plutôt senior du palais du Luxembourg. D’autres noms aux appétences électives circulent également : au Nord, toujours, la conseillère régionale Karine Gloanec-Maurin (PS), et pourquoi pas Marc Gricourt , maire de Blois (PS) ; plus au Sud, Christophe Thorin, conseiller départemental et communautaire du Romorantinais, maire (DVC) de Mennetou-sur-Cher; aussi, Catherine Lhéritier (UCD), vice-présidente du conseil départemental, présidente de l’association des maires de Loir-et-Cher et maire de Valloire-sur-Cisse, avec un probable suppléant, Aurélien Bertrand, maire (LR) de Pruniers-en-Sologne… Et même, plus largement en Centre-Val de Loire, il y aurait le candidat François Bonneau (PS), président du Conseil régional ! Pour ce vote, donc, les citoyens, qui ont du mal en temps ordinaire à se déplacer jusqu’à l’urne, n’auront pas besoin dans ce cas-ci de se donner la peine d’y déposer un bulletin : le scrutin sénatorial possède cette singularité de mobiliser des voix de pairs. En effet, ces élus-là sont désignés par de grands électeurs : députés et sénateurs, conseillers régionaux, conseillers départementaux, conseillers municipaux de la circonscription. Le système, spécial, repose beaucoup évidemment sur des accointances locales et des stratégies de chapelles de partis. D’autant plus sous un ciel de refroidissement politique et de majorité relative à l’Assemblée Nationale.

Nous nous souviendrons particulièrement du maire de Romorantin, PS à l’époque, Jeanny Lorgeoux, en marche vers ce podium, qui avait “chuté” en 2017 du fait d’ententes bien ravies de lui offrir ce croche-pattes ! Rappelons que nous disposons de deux sénateurs en Loir-et-Cher (Jean-Paul Prince (MoDem) et Jean-Marie Janssens (UC)), ce nombre est en fonction de la population; 12 à Paris et 1 en Lozère, à titre comparatif). La France élit ses sénateurs au suffrage universel indirect pour un mandat de six ans depuis 2008, renouvelé par moitié tous les trois ans. Ne faudrait-il pas revoir ce schéma ? À l’heure, justement, d’un sentiment de colère des Français qui descendent en masse ce mois-ci dans la rue pour crier haro sur l’injustice sociale des retraites , – du jamais vu depuis 1995 et Alain Juppé -, n’avons-nous pas trop d’élus parlementaires dans notre pays ? En dépit de la séparation des pouvoirs et d’un cumul des mandats désormais limité depuis la loi organique de 2014 (il est proscrit pour un député ou un sénateur, par exemple, d’être maire par ailleurs. Puisque choisir, c’est renoncer!), selon les chiffres 2022 du ministère de la transition écologique, l’Hexagone compte plus de 520 000 élus locaux (plus de 1 900 conseillers régionaux, un peu plus de 4 000 conseillers départementaux et plus de 500 000 conseillers municipaux), sans oublier 577 députés, 348 sénateurs, sans dénombrer maires, sièges européens, intercommunaux, etc. Chacun se souviendra du fameux conseiller territorial, mix du conseiller départemental et régional, qui devait pousser son premier cri en 2014 mais qui n’a jamais vu le jour. Ou encore de la lasagne territoriale tant décriée, expression chère à Maurice Leroy, mais pour autant si peu réformée, elle. Nous sommes certes arrivés au pied du mur du fait de la pyramide des âges et d’une réalité mathématique. Gouverner, c’est choisir (Pierre Mendès France, 1953), mais peut-être que l’époque des vases communicants en sens unique est révolu en 2023 et que les élus rois, autres que ceux nichés dans une part de galette, qui demandent de fantastiques efforts de compréhension et des efforts tout court, pourraient commencer par ouvrir l’horizon du compromis également ? Les bons comptes font les bons amis, pour les retraites comme le reste.

Émilie Rencien